La valorisation des aspects techniques de l’organigramme

Relations au sein de l’organisation

L’ère du management scientifique 

La valorisation des aspects techniques de l’organigramme. Les quatre articles des années 1920 et 1930 qui présentent des organigrammes mettent en avant leurs aspects techniques. Robinson (1925) explique la démarche de conception d’un organigramme. Kaufman (1933) propose un regroupement nouveau des fonctions pour les grands magasins. Hopwood (1935) introduit des chiffres relatifs au grade d’un individu dans un organigramme pour spécifier l’évolution de carrière. Abbott (1938) propose un organigramme circulaire pour représenter les liens entre agences fédérales américaines. Il est question dans le premier article (Robinson, 1925) du passage à une organisation fonctionnelle et de l’importance de l’organigramme pour la conception d’une structure formelle respectant des principes scientifiques. Tout au long de l’article, est ainsi décrite la démarche visant à construire un organigramme mettant en application des principes logiques. L’article est un plaidoyer pour le spécialiste dans la conception d’une structure fonctionnelle. Il est ainsi fait référence à un « analyste » tout au long de l’article et celui-ci se termine ainsi : « the only safe method is to call in a specialist to direct the work. Just as any function of the business needs an expert to perform it, so does the original functionalization need, for its successful accomplishment, the man who has been trained for the work, the thoroughly qualified organization analyst or industrial engineer who possesses both knowledge and judgment » (Robinson, 1925, p. 338). L’idée sous-jacente à la conception de l’organigramme est d’avoir une structure conçue selon une « analyse scientifique froide » (Robinson, 1925, p. 330). Les « facteurs limitant » par rapport à cette approche, à savoir le personnel disponible, l’inertie organisationnelle et la mise en valeur de certains départements, ne sont pris en compte que 279 dans un second temps (Robinson, 1925, p. 323). De manière générale, tout ce qui est lié aux aspects humains n’est analysé que dans un second temps pour n’avoir au départ qu’un « processus logique de catégorisation » (Robinson, 1925, p. 321). Sont ainsi évoqué les différents organigrammes successifs qui doivent être conçus commençant par « le croquis préliminaire de l’organisation » (Robinson, 1925, p. 324) où sont révélées différentes lacunes organisationnelles. Le deuxième organigramme va prendre en compte un certain nombre de principes à appliquer. Le troisième organigramme résultera des modifications apportées au deuxième schéma dans le cadre de la discussion collective avec les acteurs. Enfin, « une fois l’organisation fonctionnelle fixée, un schéma de personnel montrant les individus en charge de chaque fonction, groupe… peut être dessiné » (Robinson, 1925, pp. 335-336). Robinson donne de nombreuses indications pour concevoir l’organigramme et explicite les avantages de cet outil. Il est ainsi spécifié les principes de catégorisation et les relations entre catégories. La catégorisation en départements et en sous-entités doit être définie selon des principes de contrôle et les relations verticales doivent indiquer l’évolution de carrière naturelle des individus (voir schéma ci-dessous). Concernant l’application du « principe de fonctionnalisation » à l’ensemble de l’organisation, il est fait référence au « domaine mécanique » (Robinson, 1925: 321) où cela était déjà appliqué. Il est attendu de la « fonctionnalisation » une meilleure planification, un meilleur contrôle et une réponse à des problèmes de sur-spécialisation et de sur-centralisation. L’organigramme va servir comme outil de rationalisation qui doit permettre de maîtriser le développement de l’organisation et de faire face à l’accroissement de sa complexité. A ce sujet, il est fait référence à l’utilité de l’organigramme comme outil facilement manipulable : « L’objectif ultime de ces graphiques est de donner sous une forme facilement compréhensible des données qui seraient plus difficiles à comprendre si elles étaient exprimées sous forme de mots. Les graphiques vont fournir en un coup d’œil de l’information de valeur qui n’aurait pu être recueillie qu’avec des explications écrites très importantes. Les représentations graphiques ne peuvent cependant pas prendre la place des écrits, puisque dans ces derniers peuvent être insérés des détails, qui, s’ils étaient mis dans le graphique, le rendraient si élaboré qu’ils annihileraient sa valeur. Le graphique est un guide, et plus sa construction est simple plus il est utile. La complexité gêne l’objectif d’une telle représentation » (Robinson, 1925, p. 336). Cependant à regarder le nombre de rectangles, de triangles et de relations, l’organigramme ci-dessous est une représentation complexe.Si dans cet article, les organigrammes ne sont pas encore conçus selon des tracés uniquement horizontaux et verticaux et avec un seul type de case, les principes des relations horizontales et verticales y sont décrits (comme nous l’avons vu dans un schéma précédent). Par ailleurs, rapidement, l’organigramme va être représenté avec des relations uniquement horizontales ou verticales. En 1933, un organigramme de ce genre là est conçu pour montrer notamment la réponse à un problème de sur-spécialisation des fonctions dans les grands magasins (Kaufman, 1933). La sur-spécialisation apparaît lorsque le coût des nouveaux travailleurs est supérieur à l’accroissement de productivité consécutive à la division du travail. Pour éviter cette sur-spécialisation, « des lignes de contrôle et des relations entre départements complexes » (Kaufman, 1933, p. 247) et des objectifs incohérents, Kaufman propose de regrouper la responsabilité plusieurs fonctions sous la responsabilité d’un responsable des ventes (« merchandising manager ») : « les achats, les ventes, les services, la publicité et la 282 promotion des ventes » (Kaufman, 1933, p. 249). Est ainsi mis en évidence l’importance du rattachement hiérarchique pour permettre certaines coopérations et éviter la multiplication des coûts provenant du contrôle inter-département. Ce problème du niveau de spécialisation est récurrent dans les problématiques abordées avec l’organigramme1 . De même, la représentation sous forme d’organigramme est utilisée pour positionner un service par rapport aux entités existantes. Il y a ainsi une réflexion sur le niveau hiérarchique et la relation d’autorité concernant l’entité. En opposition à cette approche consistant à placer un service dans l’organigramme, une autre démarche consiste à indiquer que toute l’entreprise doit s’intéresser à cette problématique. L’article de Clee et Scipio (1959) définit ainsi une « entreprise mondiale » par l’absence d’un service consacré à l’international. L’entreprise est ainsi globalement préoccupée par l’ensemble des marchés où elle est présente grâce à des managers avec une compétence sur l’ensemble des pays et certains managers par zones géographiques avec un niveau de responsabilité identique. Tandis que Robinson (1925) définit une démarche scientifique dans la conception des organigrammes, Hopwood (1935) propose une quantification dans l’organigramme (voir schéma ci-dessous). Ce dernier prend ainsi un aspect plus opérationnel et technique en donnant à voir la valorisation des postes en fonction des points de grade obtenus. Il s’inscrit dans une démarche d’analyse des postes : « The activities and the qualifications for the job are revealed by job analysis and job specification, and its allocation in the system of the whole is revealed by organization charting » (p. 143). Par ailleurs, un autre aspect scientifique mis en évidence dans cet organigramme est le niveau de décomposition qui n’est pas sans rappeler la taxonomie proposée par Linné dans les sciences naturelles avec les catégories imbriquées suivantes : la classe, l’ordre, la famille, le genre, l’espèce et l’individu. 

L’ère de l’Ecole des Relations Humaines 

L’accent mis sur les métiers et les comités. L’aspect technique de l’organigramme continue à être étudié dans un article de 1956. Sibson (1956) discute de l’intérêt respectif de « trois sortes de description des postes managériaux » dans le cadre d’un article sur l’évaluation et la classification des postes de travail selon des principes d’équité et de juste valorisation. Sont présentés une liste, un organigramme et une deuxième liste comme représentations alternatives pour décrire les métiers au sein de l’entreprise. Ces représentations donnent lieu à un niveau de précision de l’information différent et ne sont pas des outils avec la même valeur pour l’action : « For illustration, three representative job descriptions are presented in Exhibit 1, all pertaining to the job of personnel manager. The first, as will be noted, is not entirely confined for description, but contains evaluation as well (“little” diversity, “moderate” effort, etc.). Working with this kind of description, a job evaluation committee, in the absence of independent knowledge of its own, would be guided by the job analyst’s conclusions. The second description is notable especially for its 286 brevity and for its emphasis upon organizational relationships. The third is much more detailed, inasmuch as it was designed primarily to serve as a responsibility guide in the company’s organizational manual » (Sibson, 1956, p. 105). Les atouts de l’organigramme sont ainsi sa brièveté et l’accent mis sur les relations. Son défaut est de ne pas pouvoir servir de guide dans la gestion des postes en raison de l’absence de certains détails qui sont nécessaires à l’action. Notamment, pour la première description – celle avant l’organigramme – il est évoqué l’aspect non seulement descriptif mais aussi l’aspect évaluation. Par ailleurs, il existe une évolution des problématiques en rapport avec l’organigramme. Il est ainsi question de l’emplacement des « capability managers » dans cette représentation (Divita, 1965). Ces personnes possèdent des compétences en marketing et vont ainsi pouvoir coordonner le travail des chercheurs afin de proposer une offre intéressante au gouvernement pour des projets technologiques. De manière générale, sont pris en compte de nouveaux métiers au sein de l’organisation et la question de leur emplacement dans l’organigramme (Ames, 1971 ; Goggin, 1974 ; Luck et Nowak, 1965). C’est aussi la période de remise en cause partielle de la distinction entre personnel qui conseille (« staff ») et personnel qui décide (« line »). En effet, plusieurs auteurs (Fisch, 1961 ; Luck et al., 1965 ; Newman, 1959) s’intéresse à la conception de la structure organisationnelle selon les deux seuls axes « line » et « staff ». A partir de son expérience personnelle, Newman (1959) propose de créer une entité qui n’est pas prévue dans la structure classique, un « groupe conseil », et qui évite que le dirigeant d’une petite entreprise ne soit isolé dans la prise de décision. Fisch (1961) met en cause cette séparation « arbitraire » entre les opérationnels et les fonctions support pour proposer une autre distinction plus en accord avec des problématiques humaines. En effet, cette distinction offre une séparation trop rigide entre décisionnaires et conseillers. Fisch propose le « concept fonctionnel – groupe de travail » avec une vision différente des fonctions de l’entreprise et l’accent mis sur la coopération entre individus selon les processus de l’entreprise. Il est ainsi question d’une segmentation de l’entreprise selon les fonctions : processus, ressources et relations (voir schéma ci-dessous).

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