La voix passive

La voix passive

Amplement théorisée depuis les débuts de la linguistique moderne, la voix et plus particulièrement la voix passive a fait l’objet de nombreuses classifications typologiques. Nous proposons alors de mentionner ici quelques descriptions significatives. Pour Shibatani (1988: 3-4), la voix est un mécanisme qui sélectionne un constituent syntaxique grammaticalement proéminent à partir des fonctions sémantiques (par exemple les rôles sémantiques) sous-jacentes d’une proposition. Ce constituent est le sujet. Beaucoup de langues disposent d’un tel mécanisme, de sorte qu’il est possible de dégager une opposition actif-passif dans ces langues, où à la voix active, le sujet grammatical agit sur d’autres éléments ou les affecte, tandis qu’à la voix passive, le sujet grammatical subit un effet quelconque. Autrement dit, la voix passive est la voix marquée dont la forme prototypique fait fonctionner le patient en tant que sujet grammatical et n’encode pas syntaxiquement l’agent de l’action. Ainsi, le passif a pour rôle de supprimer l’agent de la phrase (Shibatani, 1985).

Mais depuis plus récemment, comme le souligne Drapeau (2012: 175), la définition proposée par Wichmann (2008: 34) est acceptée comme le canon syntaxique de base pour catégoriser la voix passive «as a verbal derivation which involves the promotion of a Patient to subject and the reduction from n-place to (n-1) place of the valency of predication». Ce point de vue rejoint d’ailleurs celui de Keenan (1985: 273) pour qui le passif apparaît comme «a way of deriving n-place predicates from n+1-place predicates». Le fonctionnement de la voix passive en innu illustre tout à fait cette caractérisation. En effet, comme le montre Drapeau (2014), la valence du verbe passivisé en innu diminue (cf. 1.4.7).

Plus spécifiquement, la voix passive dans les langues algonquiennes a été étudiée par Wolfart (1991) et Dalhstrom (1991) pour le cri des Plaines ainsi que par Rhodes (1991) et Valentine (2001) pour l’ojibwé. Ces recherches concernent uniquement le passif de verbes transitifs. Celui-ci implique la suppression totale de l’agent, si bien que le patient est de ce fait l’unique argument central de la phrase passive. Ces caractéristiques sont valables pour tous les dialectes du cri (Drapeau, 2012: 180). Autrement dit, les algonquinistes s’entendent effectivement sur le fait que la voix passive entraîne la suppression du rôle d’acteur ainsi que l’impossibilité de le faire apparaître de manière indirecte à l’aide de moyens périphrastiques, comme en français ou en anglais avec la préposition ‘par’ ou ‘by’ (Valentine, 2001: 687)

Pour le cas de l’innu, la voix passive est un sujet qui n’a que très peu été décrit de manière complète. Passives in Innu de Drapeau (2012) livre la première description exhaustive de ce phénomène. En effet, cette étude apporte la description de la formation de la voix passive dans cette langue à partir de verbes non seulement transitifs, mais aussi intransitifs. Ainsi, tout comme dans les autres langues algonquiennes, le passif transitif en innu entraîne la suppression totale de l’agent et le patient devient alors l’argument manifeste unique de la proposition. Quant au passif intransitif, il encode des verbes impersonnels sans sujet. L’agent omis des passifs transitifs peut être compris comme humain ou animal, tandis que l’argument sémantique Agent implicite des passifs intransitifs impersonnels est à envisager en tant que «loosely collective human actors» (cf. (6)). Ces passifs suppriment l’agent, mais un argument Agent implicite demeure tout de même dans leur cadre conceptuel (Drapeau, 2012).

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