Cadre générique d’approximation par décomposition en train de tenseurs

Décompositions tensorielles et factorisations de calculs intensifs appliquées à l’identification de modèles de  comportement non linéaire

Expérimentation

Définition des essais

Une fois qu’un modèle matériau a été théoriquement formulé, le travail de l’expert consiste à choisir les essais expérimentaux à réaliser pour pouvoir le calibrer. La définition des essais qui permettront d’ajuster correctement le modèle physique avec les résultats observés est un problème complexe. La contrainte principale vient du fait que la réalisation d’essais peut être particulièrement longue et couteuse. Un des objectifs est donc à minimiser le nombre d’essais. Pour assurer une calibration robuste, ils doivent être suffisamment complexes pour révéler l’ensemble des comportements que le modèle est censé reproduire. 12 II. Contexte scientifique et technique Par ailleurs, ils doivent être suffisamment simples pour pouvoir mesurer et identifier les différents comportements qui se déroulent simultanément. Typiquement, certains comportements peuvent avoir des effets similaires, il s’agit donc de choisir des essais fournissant des résultats qui permettent de les distinguer. Puisque les lois matériaux sont des relations locales, l’hypothèse fondamentale qui est faite dans la plupart des procédures est que les résultats correspondant à des essais sur des géométries simples sont suffisamment riches pour permettre d’identifier les lois. Il est très rare pour des raisons de coût, de procéder à des identifications sur des géométries plus représentatives des applications réelles. En général, les essais sont réalisés sur des échantillons en effectuant des mesures localisées en des points précis afin d’obtenir le moins d’incertitudes de mesure possible. La définition des essais coïncide chronologiquement avec la mise en place d’une procédure d’identification qui associe les essais aux coefficients matériaux qu’ils permettent d’identifier. Le travail de l’expert consiste à distinguer les différents comportements physiques mis en jeu dans les essais et à les associer aux coefficients matériaux influents. En général, l’ordre qu’a retenu l’expert pour l’identification des paramètres a une importance puisqu’il permet de contrôler les couplages entre paramètres.

Réalisation des essais

Un essai expérimental consiste typiquement à soumettre une éprouvette constituée du matériau étudié à des sollicitations mécaniques (déformations ou contraintes imposées) et/ou thermiques et à mesurer simultanément l’évolution de variables mécaniques observables. Dans le cadre d’étude d’aubes de turbine, on réalise deux types d’essais [42]. Le premier consiste à imposer un effort constant dans une direction et à observer l’évolution des déformations ainsi que le moment de la rupture de l’échantillon. Ce type d’essais, dit de fluage, peut être réalisé de manière isotherme ou anisotherme afin de simuler les sollicitations subites en condition réelle. Ces essais permettent de mettre en évidence et de mesurer le caractère viscoplastique du matériau et donc d’identifier les coefficients associés. Des essais de fatigue sont d’autre part effectués. Ils consistent à soumettre l’éprouvette à un cyclage uniaxial pour des déformations imposées. L’objectif de ce type d’essais est de caractériser la capacité du matériau à résister à une série de sollicitations répétées représentatives de celles subies lors de la vie de la pièce. Ces essais permettent d’identifier l’évolution de l’endommagement et donc d’identifier les coefficients associés. Dispersion expérimentale Du point de vue de la calibration, une des problématiques principales est la non-répétabilité des essais qui se traduit par la variabilité des résultats expérimentaux mesurés pour des essais théoriquement similaires. Selon les applications,

Calibration des lois matériaux 

l’importance de ce phénomène est extrêmement variable. Par exemple en science des matériaux, on tolère des variations sur les déformations de l’ordre de 0,1% mais lorsqu’il s’agit de mesurer des temps de rupture sur des essais de fatigue un facteur 2 peut-être acceptable dans certains cas. On qualifie les variations mesurées entre essais de dispersion expérimentale. Cette dispersion découle d’origines multiples et s’accumule aux différentes étapes des campagnes expérimentales. Les principales causes sont liées d’une part aux étapes de conception des essais et d’autre part aux étapes d’acquisition des données. Dans les applications qui nous intéressent, les essais sont réalisés sur des éprouvettes typiquement obtenues par fonderie. Les différences, même très faibles, de compositions des coulées mères utilisées entrainent des propriétés matériaux différentes. La solidification des éprouvettes induites par leur refroidissement entraine une germination d’un ou de multiples cristaux métalliques. Le processus de croissance des cristaux a une importance sur les comportements mécaniques, or les conditions expérimentales (état initial, évolution et homogénéité de la température …) qui guident le processus sont difficilement contrôlables. La conception des éprouvettes implique d’autres processus qu’il est difficile de maîtriser précisément par exemple les traitements de surface. Les structures microscopiques des éprouvettes sortant d’une même ligne de production étant différentes, elles présenteront nécessairement des variations dans les comportements mécaniques observés. La seconde source de dispersion expérimentale est liée à la mise en place des essais et aux mesures. Les machines mécaniques qui permettent d’appliquer des efforts ou des déformations aux échantillons ne sont pas parfaites. Par conséquent, les sollicitations sont connues uniquement avec des marges d’erreur. Enfin, toute mesure est nécessairement affectée par une incertitude liée à la précision de l’appareil de mesure. Cela implique à nouveau l’introduction d’incertitudes sur les résultats des campagnes expérimentales. La dispersion expérimentale est donc généralement inévitable et extrêmement difficile à quantifier a priori. La seule manière d’estimer cette dispersion est de réaliser des séries d’essais dans des conditions expérimentales identiques. Les résultats de mesures permettent alors de construire pour chaque variable mécanique non pas de simplement des courbes d’évolution, mais des faisceaux de courbes. Typiquement, le calcul des évolutions moyennes et des écarts types permet de donner une estimation empirique des évolutions pour des conditions expérimentales idéales. Ce type d’étude permet d’apprécier la fiabilité des essais et donc de quantifier le degré de confiance associé aux résultats obtenus. Même si la dispersion expérimentale est incontournable et peut avoir des conséquences importantes sur les résultats, elle n’est malheureusement pas systématiquement prise en compte lors de la mise en place des modèles. Une raison prédominante vient du fait que la quantification de la dispersion expérimentale représente un coût important puisqu’elle nécessite de répéter des essais dont le coût unitaire est déjà élevé. La mesure de la dispersion Contexte scientifique et technique expérimentale est d’autre part particulièrement intéressante lorsqu’il est possible de la prendre en compte dans la définition des modèles physiques. Or les analyses de propagation d’incertitudes dans les équations différentielles [41] ainsi que les analyses de sensibilité [95] sont des techniques qui demandent une certaine expertise. C’est une seconde raison pour laquelle la dispersion n’est généralement pas prise en compte.

Identification

Une fois que le type de modèle a été déterminé et que les résultats des campagnes d’essais sont disponibles, il reste à identifier effectivement les coefficients matériaux. L’étape de calibration est capitale pour assurer la fidélité des prédictions numériques de modèle vis-à-vis des comportements physiques effectivement observés. La procédure d’identification consiste à résoudre le modèle numérique pour différentes valeurs de coefficients matériaux et à comparer les résultats numériques avec les résultats expérimentaux afin de déterminer le jeu de valeurs donnant la meilleure correspondance entre les données. En pratique, de nombreux obstacles peuvent rendre la procédure d’identification délicate, longue et fastidieuse. Deux approches complémentaires sont utilisées pour identifier les coefficients matériaux. Dans l’approche manuelle, l’expert effectue une comparaison qualitative entre les résultats expérimentaux et numériques en essayant différentes valeurs de paramètres. La connaissance de l’influence des paramètres sur la réponse du modèle lui permet de faire les bons choix de paramètres et ainsi de converger pas à pas vers un jeu de paramètres pertinents. Le problème majeur de ce type d’approche est qu’elle nécessite une compréhension profonde du modèle par l’expert et dépend également de son expérience propre. Cette approche est utilisée majoritairement lorsque le nombre de paramètres est faible et les temps de calcul associés à une unique simulation sont négligeables. Dans le cas contraire, il est indispensable d’avoir recours également à l’autre type d’approche. Celle-ci passe par l’utilisation d’algorithmes d’optimisation. Le problème d’identification revient alors à trouver le vecteur de paramètres qui minimise un critère. Ce critère doit être défini pour mesurer la ressemblance entre les résultats expérimentaux et numériques. La formalisation de cet objectif ainsi que la définition du domaine paramétrique admissible de recherche représentent des difficultés majeures. En pratique, les deux approches sont utilisées conjointement et reposent essentiellement sur la compréhension des modèles par les experts. Il existe des outils permettant de guider le travail des experts. Les analyses de sensibilité génèrent des indicateurs (comme les indices de Sobol) qui permettent de quantifier l’influence de chaque paramètre sur la réponse du système. Ces techniques sont des aides indispensables aux experts, mais ne permettent pas de résoudre entièrement les problèmes soulevés précédemment. On détaille dans la suite de cette section les principaux obstacles à l’identification.

Table des matières

I Introduction
I.1 Contexte général
I.2 Objectifs
I.3 Contexte scientifique
I.4 Contributions
I.5 Organisation du mémoire
I.6 Communications scientifiques
II Contexte scientifique et technique
II.1 Calibration des lois matériaux
II.1.a Modélisation des lois matériaux
II.1.b Expérimentation
II.1.b.1 Définition des essais
II.1.b.2 Réalisation des essais
II.1.c Identification
II.1.c.1 Difficulté à définir une mesure d’écart
II.1.c.2 Espace paramétrique
II.1.c.3 Travail collaboratif
II.1.c.4 Illustration sur la loi Polystar
II.1.d Bilan
II.2 Modèles de substitution
III État de l’art
III.1 Méthodes de réduction de modèle par projection
III.1.a Décomposition orthogonale aux valeurs propres
III.1.b Méthode des bases réduites
III.2 Méthodes de réduction de la complexité
III.2.a Méthodes d’interpolation empirique
III.2.a.1 Squelette fonctionnel
III.2.a.2 Méthode d’interpolation empirique généralisée
III.2.a.3 Méthode d’interpolation empirique discrète
III.2.a.4 Best Points Interpolation Method
III.2.b Méthodes de projection lacunaire
III.2.b.1 Gappy POD
III.2.b.2 Hyper-réduction
III.2.b.3 Missing Point Estimation
III.3 Décompositions matricielles approchées
III.3.a Notations matricielles
III.3.b Décomposition en valeurs singulières
III.3.c Sélection de colonnes/lignes
III.3.c.1 Maxvol
III.3.c.2 Décomposition QR avec pivotage de colonnes
III.3.c.3 Q-DEIM
III.3.d Décomposition skeleton et pseudo-skeleton
III.3.d.1 Méthode de construction
III.3.e Approximation gappy
III.4 Décompositions tensorielles
III.4.a Notations tensorielles
III.4.b Décomposition canonique
III.4.c Décomposition de Tucker
III.4.d Décomposition de Tucker hiérarchique
III.4.e Décomposition en train de tenseurs
III.4.e.1 Définition
III.4.e.2 Propriétés
III.5 Méthodes d’approximations tensorielles de faible rang
III.5.a Alternating least square
III.5.b High Order Singular Value Decomposition
III.5.c TT-SVD
III.5.d TT-cross
III.5.e DMRG
III.5.f Autres algorithmes associés au format TT
III.5.g Proper Generalized Decomposition
IV Cadre générique d’approximation par décomposition en train de tenseurs
IV.1 Approximation de fonctions multivariées
IV.1.a Représentation tensorielle
IV.1.b Représentation discrète
IV.1.c Représentation en train de tenseurs
IV.1.d Interpolation multilinéaire par morceaux
IV.2 Algorithme générique de décomposition TT par approximations matricielles successives
IV.2.a Description de l’algorithme
IV.2.b Erreur d’approximation
IV.2.c Algorithme de refactorisation
IV.3 Particularisation de l’algorithme de décomposition TT approximations matricielles successives
V Spécialisation de l’algorithme générique
V.1 Approximation matricielle .
V.1.a Formulation particulière
V.2 Spécialisations préliminaires
V.2.a TT-SVD
V.2.b TT-POD
V.2.c TT-PSD
V.2.c.1 Décomposition matricielle
V.2.c.2 Décomposition tensorielle
V.3 TT-gappy
V.3.a Décomposition matricielle
V.3.b Décomposition tensorielle
V.3.c Détails algorithmiques
V.4 Application pratique
V.5 Interprétation en termes de projecteur
V.5.a Matrice de projection
V.5.b Formulation en termes de projecteurs
V.5.c Principe général d’approximation
V.6 Intérêt de la procédure de refactorisation
VI Décomposition en trains de tenseurs hétérogènes
VI.1 Cadre général des modèles à approcher
VI.1.a Modèle de référence
VI.1.b Représentations tensorielles d’un modèle de référence
VI.2 Algorithme de décomposition en trains de tenseurs hétérogènes
VI.3 Détails algorithmiques
VI.3.a Sélection de colonnes
VI.3.b Sélection de lignes
VI.3.c Calcul de la SVD
VI.4 Détails relatifs aux applications
VI.4.a Définition des sorties du modèle
VI.4.a.1 Domaine de définition des sorties dépendant du paramétrage
VI.4.a.2 Influence de l’agrégation des quantités d’intérêt
VI.4.b Définition des entrées du modèle
VI.4.c Accumulation des erreurs
VI.5 Applications théoriques
VI.5.a Agrégation
VI.5.b Raffinement du rang de troncature
VI.6 Améliorations possibles
VI.6.a SVD incrémentale
VI.6.b Autres perspectives d’amélioration
VII Application de la méthodologie
VII.1 Généralités
VII.2 Loi élasto-viscoplastique non linéaire
VII.2.a Modèle physique
VII.2.a.1 Système d’équations
VII.2.a.2 Sollicitations et conditions initiales
VII.2.a.3 Abstraction tensorielle
VII.2.b Résultats
VII.2.b.1 Indicateurs de performance
VII.2.b.2 Erreurs d’approximation
VII.2.b.3 Convergence de l’erreur vis-à-vis de la tolérance de troncature
VII.2.b.4 Estimateur de cohérence en ligne
VII.2.b.5 Exemples de courbes
VII.3 Premier cas industriel : Polystar
VII.3.a Modèle physique
VII.3.a.1 Équations physiques
VII.3.a.2 Sollicitations et conditions initiales
VII.3.a.3 Abstraction tensorielle
VII.3.b Résultats
VII.3.b.1 Indicateurs de performance
VII.3.b.2 Erreurs d’approximation
VII.3.c Identification
VII.4 Second cas industriel : RaftX
VII.4.a Définition du modèle physique de référence
VII.4.b Résultats
VII.4.b.1 Indicateurs de performance
VII.4.b.2 Erreurs d’approximation
VII.4.c Identification
VII.5 Couplage avec l’hyper-réduction
VII.5.a Cas d’étude
VII.5.b Description de la méthodologie de couplage
VII.5.c Construction du modèle hyper-réduit
VII.5.d Sélection des points d’apprentissage pour l’hyper-réduction
VIII Implémentation algorithmique et outils numériques
VIII.1 Présentation générale de l’implémentation des modèles
VIII.2 Interfaçage du modèle numérique
VIII.2.a Mise en place d’un calcul par le solveur numérique
VIII.2.b Interface du solveur numérique
VIII.2.b.1 Méthode d’évaluation parallèle
VIII.2.c Interface d’un modèle de référence
VIII.2.d Définition du domaine paramétrique
VIII.3 Modèle de substitution basé sur la décomposition TT
VIII.3.a Méthode de construction
VIII.3.b Méthode d’évaluation
VIII.3.b.1 Factorisation de calcul
VIII.4 Exploitation des modèles
VIII.4.a Retour sur le processus de calibration
VIII.4.b Outils d’aide à la décision
VIII.4.b.1 Outil de visualisation interactif
VIII.4.b.2 Approches collaboratives
IX Conclusions et perspectives
IX.1 Conclusions
IX.2 Perspectives
A Résultats d’algèbre linéaire et tensorielle
B Démonstrations des propositions
Références

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