Emergence du concept de mythes du viol

Emergence du concept de mythes du viol 

Depuis maintenant plusieurs décennies, l’on voit surgir de considérables modifications en ce qui a trait aux agressions sexuelles, et ce entre autres, dû à l’avènement de mouvements tels que le féminisme (Bruno, 2017). Mais c’est plus précisément dans les années 1970 et 1980, que la notion des mythes du viol s’est développée en question fondamentale et sociétale, et a donc provoqué l’engouement de multiples chercheurs (Bohner et al., 2009). En effet, c’est à l’auteur Brownmiller que nous devons la publicité du concept de «culture du viol», lorsqu’en 1975, elle mentionne dans son œuvre une «culture supportant le viol». Par là, elle dénonce une société où les violences sexuelles sont minimisées, justifiées, pardonnées, allant parfois jusqu’à être soutenues. (Rosevear, 2017) .

En droit belge, le viol est définit comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas. Il n’y a pas consentement notamment lorsque l’acte a été imposé par violence, contrainte, menace, surprise ou ruse.» (art.375 CP). Cette définition nous permet d’appréhender toute forme de viol et de tentative de viol : que la pénétration non-désirée soit orale, anale ou vaginale et qu’il soit question d’un homme ou d’une femme. Néanmoins, «le dilemme qui afflige la société est la prise de conscience que ce n’est pas chaque individu qui détient cette définition. Il est important de comprendre comment la société considère ces victimes et comment elles définissent si leurs expériences correspondent ou non à la caractérisation du viol afin de mieux comprendre comment les mythes entourant le viol sont présents dans la société» (Carlson, 2013, p.6).

Bien que le concept de «mythes du viol» apparaissait déjà dans le monde scientifique, la toute première définition nous a été suggérée, dans le domaine de la psychologie sociale, par Martha Burt en 1980 comme étant des «préjugés, stéréotypes et fausses croyances sur le viol, les victimes de viol et les violeurs».

Définition empruntée à de maintes reprises, c’est une quinzaine d’années plus tard que Lonsway et Fitzgerald ont émis certaines critiques à propos des différentes définitions concernant les mythes du viol. Ainsi, ils ont attiré l’attention sur le fait que la construction de la définition de Burt n’était pas tout à fait aboutie : d’après ces auteurs, les termes employés, peu précis, ne permettaient pas de constituer une définition absolue. Ces dernières ont par conséquent proposé cette définition selon laquelle il s’agit «d’attitudes et croyances généralement fausses, mais répandues et persistantes, permettant de nier et de justifier l’agression sexuelle masculine contre les femmes».

En outre, l’unanimité semble de mise concernant les éléments qu’entraînent les mythes sur le viol. Ainsi, nous pouvons distinguer quatre piliers principaux de ces mythes (Bohner et al., 2009) :
1) Blâmer la victime pour son viol (par exemple, «elle l’a voulu», «elle l’a mérité»).
2) Exprimer son incrédulité à l’égard des allégations de viol (par exemple, «la victime ment», «son accusation est injustifiée»).
3) Exonérer l’agresseur (par exemple, «il n’a pas pu contrôler sa libido»).
4) Faire allusion au fait que seuls certains types de femmes sont violées («les filles qui s’habillent de manière provocante ne devraient pas être surprises qu’un homme essaye d’avoir un rapport sexuel avec elles»). (Bohner et al., 2009) .

La littérature nous enseigne donc que, dû à l’étendue et la popularité des mythes du viol, de nombreuses victimes d’agressions sexuelles doivent endurer tout un tas de réactions défavorables à leur situation : banalisation des faits, manque de soutien, dérision, scepticisme, et ainsi de suite. Tout cela engendre inévitablement d’importants impacts sur le bon rétablissement de ces victimes ainsi que sur la logique des individus : selon l’auteur Renard, il faut cesser de dire aux femmes de réduire leurs déplacements, d’être plus discrètes et pudiques afin d’éviter le viol, et davantage apprendre aux agresseurs à ne pas passer à l’acte. (Renard, 2012) .

Les mythes du viol comme schéma cognitif 

L’hypothèse selon laquelle les mythes sur le viol agiraient comme «neutralisants psychologiques» a été avancée par Burt, dans les années 80. Ceux-ci permettraient aux agresseurs de percevoir l’acte transgressif comme étant justifié et leur laisseraient par la même occasion la possibilité de se débarrasser des interdictions sociales de nuire à l’autre (Renard, 2012). Effectivement, ces mythes auraient pour conséquences de contribuer à de multiples fonctions psychologiques telles qu’appréhender et déchiffrer les différentes situations qui se produisent dans notre monde social, préserver une certaine cohérence cognitive, écarter les aspects négatifs qui pourraient nuire à l’estime de soi ou encore à rationaliser des attitudes non-conformes. (Bohner et al., 2009) .

Rappelons-le, ces neutralisants psychologiques avaient déjà été théorisés par Sykes et Matza, en 1957, avec les «techniques de neutralisation» qui permettraient la survenue de justifications et rationalisation avant et après la transgression de normes dans certaines conditions. Théorie selon laquelle les méthodes utilisées par les délinquants consisteraient en un déni de victime (comme nous l’avons déjà cité ci-dessus, «elle le méritait»), un déni de dommage (par exemple, «elle a aimé ça») ou encore un déni de responsabilité (pareillement, tel que cité ci-dessus, «l’agresseur n’a pas pu se contrôler»). Dès lors, on s’aperçoit au cours des diverses lectures scientifiques que de multiples études ont pointé une corrélation positive entre les mythes du viol et ces techniques neutralisantes. (Bohner et al., 1998) .

Le processus qui inciterait les individus à accepter les mythes du viol comme schéma cognitif est au final assimilé à un mécanisme plus global, appelé «croyance en un monde juste» (Bohner et al., 2009). Celui-ci soutiendrait le fait que l’on obtient ce que l’on mérite : ainsi, les victimes de violences sexuelles ont, par leurs comportements ou attitudes, obtenu ce qu’elles méritaient. Penser que ces victimes ne sont pas responsables est par conséquent en totale opposition avec ce concept du «monde juste» et provoquerait ainsi chez les individus des dissonances cognitives, chose que les personnes tendent à éviter. (Grubb & Turner, 2012) .

Table des matières

INTRODUCTION
Emergence du concept de mythes du viol
Les mythes du viol comme schéma cognitif
Les mythes du viol et ses facteurs situationnels : quelles conséquences ?
METHODOLOGIE
Objectifs de la recherche
Participants
Procédure
Mesures
Stratégie d’analyse
Résultats
DISCUSSION
L’étendue des mythes du viol au sein de la population adolescente
L’évaluation des récits d’agressions par les répondants
L’adhésion aux mythes en fonction du genre
LIMITES ET RECHERCHES FUTURES
CONCLUSION

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