Enquête exploratoire sur les activités réelles du chef de projet au québec

Le management de projet s’est généralisé à partir de la fin des années 1980 (Garel, 2003) et ne paraît plus relever d’un seul phénomène de mode managériale (Midler, 1986). Nos sociétés modernes sont devenues des ‘sociétés à projets’ (Asquin, Falcoz et Picq, 2005) et les projets concernent autant les institutions (publiques ou privées) que les individus, à tous les stades de la vie (du projet éducatif au projet de retraite, en passant par les projets professionnels, familiaux .. . ). Le management de projet a diffusé dans les secteurs les plus divers et les organisations les plus variées, de l’ association à la multinationale, de l’hôpital à la communauté urbaine, et il n’est plus réservé aux grandes firnles d’ingénierie ou de construction, donc bien loin de son berceau historique d’origine. Il s’est largement institutionnalisé. Ce phénomène se manifeste par de nombreux indices convergents: multiplication des publications et salons professionnels, foisonnement de l’offre de formation et de consultance spécialisée sous des modalités les plus diverses, développement des associations professionnelles  proposant autant de référentiels de connaissances et de dispositifs de certification, diffusion de normes (Afnor X50-1 05, Afnor  10004, RG 040, DoD’s, etc.), de modèles dits de «maturité », de clubs ou «think tanks» à accès sélectif (Club de Montréal, Club de Tours, ECOSIP) … C’est également à partir du début des années 1990 que la notion de projet a pu conquérir une place dans le domaine des sciences de gestion et le management de projet fait dorénavant l’objet d’une recherche académique diversifiée et prolifique. Le projet est ainsi considéré comme un mode d’organisation, plus largement comme un dispositif d’anticipation et de rationalisation de l’action collective temporaire, voire plus récemment comme fondement d’une nouvelle théorisation de la firme et des régulations concurrentielles  (Bréchet et Desreumaux, 1999, 2004), d’ une économie de «projets» (Auregan et Joffre, 2002, 2003), de l’avènement d’une «cité des projets» constitutive d’une nouvelle idéologie du capitalisme moderne (Boltanski et Chiapello, 1999). Cette omniprésence du mode projet renvoie à une vision idéalisée de ce mode d’action. Le projet semble être la panacée universelle, l’instrument permettant à « .. . l’homme de ne plus seulement subir les événements, mais de pouvoir maîtriser le cours de l’histoire et forger le futur à sa façon.» (Asquin, Falcoz et Picq, 2005).

Le recours de plus en plus fréquent à des structures temporaires de type projet dans tous les secteurs de l’activité économique et sociale, pose des problèmes aux acteurs de la gestion des ressources humaines qui ont moins initié que subi cette évolution. Car, même si les fonnations en management de projet ont explosé, la majorité des personnes ayant à intervenir dans des projets n’ont pas été préparées à agir dans ce mode de gestion. Il en est par exemple pour la majorité des intervenants au sein des PME ou dans ce que i’on appelle les proj ets internes . Au-delà de leurs compétences techniques ou de leur formation antérieure, ces intervenants doivent faire face aux nouvelles situations managériales créées par ce mode d’organisation et de gestion de projet. La plupart du temps, face à cette nouveauté, ils réagissent en mobilisant les routines organisationnelles et les théories traditionnelles qui ne conviennent pas pour ce nouveau défi et peuvent compromettre la probabilité de succès du projet. Cette non sensibilisation au mode projet n’est pas sans conséquence non plus sur les personnes elles-mêmes. D’ailleurs, on peut noter certains travaux qui contrebalancent l’aspect idéalisateur du mythe de «l’action heureuse» et de l’épanouissement dans les projets (Garel, 2003) colporté par la littérature professionnelle . Certains travaux mettent en avant les aspects psychoaffectifs liés à l’investissement en activités projets en termes de stress, d’épuisement au travail, de dépression, voire de consommation de produits dopants (Flannes et Levin, 2001). Ces auteurs montrent par exemple que le stress vécu en projet peut provenir des tensions et des questions d’appartenance liées au rattachement matriciel et à la résolution de problèmes sous contraintes, des variations du rythme du projet ou de la surcharge de travail (Chanut-Guieu, 2007).

On assiste donc, depuis les cmq dernières années, à l’émergence de travaux se concentrant sur ce ‘nouveau’ métier dans l’entreprise, celui de chef de projet. Dans la littérature, le métier de chef de projet est souvent envisagé de façon idéale. En effet plusieurs travaux portent sur le rôle et la place du chef de projet dans l’entreprise, ainsi que sur les compétences que doit détenir le chef de projet «idéal» (Clark& Wheelwright, 1992; Leclair, 1993; Briner, Geddes&Hastings, 1993; Midler, 1993; Picq, 1999; Garel, Giard &Midler, 2003). Cependant, peu de travaux se sont intéressés aux activités réelles des gestionnaires de projets. Néanmoins, quelques études se sont penchées sur l’activité des gestionnaires au sens large et on pense aux travaux de Mintzberg (1973), Delpeuch & Lauvergeon (1988), Copeman (1965) et dernièrement à celui de Barabel et Meier (2007).

Ces études relatives aux activités réelles des gestionnaires ou PDG d’entreprises ne se retrouvent pas dans le domaine du management de projet et ceci, bien que de très récents travaux (Asquin, Garel et Pick, 2006) se mettent à s’interroger sur l’impact de ce type de mode de gestion sur la santé des travailleurs et à se demander si le projet n’est pas aussi destructeur de sens, porteur de pathologies et de déstabilisations. S’intéresser aux activités réelles du gestionnaire de projet nous apparaît aujourd’hui nécessaire et consiste donc à faire une description minutieuse de ce que fait le chef de projet au quotidien et non pas de ce qu’il devrait faire ou de ce qu’il devait faire et qu’il n’a pas fait. Il s’ agit en fait de traiter d’une clinique du sujet indissociable d’une clinique de l’activité et pour ce faire, nous aborderons, dans notre recherche, les questions suivantes :
• Que sait-on de l’activité réelle des chefs de projet?
• Que font-ils au quotidien?
• À quelles situations, à quels problèmes sont ils confrontés et qUi les empêchent de faire ce qu’ils ont à faire ?
• De quelle manière gèrent- ils leurs temps?

Les transformations de l’environnement se sont accélérées avec la mondialisation de l’économie, obligeant par le fait même les entreprises à transformer progressivement leurs organisations fonctionnelles, structurées par métiers et fonctions et à s’orienter vers des organisations plus transversales, structurées par projets. Ces transformations ont besoin d’ êtres humains pour encadrer et gérer ces processus et pour gérer les proj ets ou les portefeuilles de projets que ces organisations initient. On les appelle gestionnaires de projet, responsables de projet, chefs de projet ou encore chargés de proj et et c’est sur eux que cette recherche se penche .

Dans la littérature plusieurs travaux portent sur le rôle et la place du chef de proj et dans l’entreprise, ainsi que sur les compétences qu’il doit détenir pour être efficace. Cependant, pas ou peu de travaux se sont intéressés aux activités réelles des chefs de projets. Étudier les activités réelles du métier des chefs de projet revient à faire une description minutieuse, de ce que fait le chef de projet au quotidi en. Pour élaborer ce portrait, nous allons, dans ce premIer chapitre, procéder à une recenSIOn des écrits concernant le thème de notre recherche: l’activité réelle des gestionnaires de projet. Nous verrons que s’il existe des études empiriques concernant l’activité des gestionnaires traditionnels, quand on se préoccupe de l’activité des gestionnaires de projet, alors le champ est vierge ou presque. Une manière indirecte de traiter de l’activité des gestionnaires de projet consiste alors à recueillir de l’information quant aux rôles ou compétences des gestionnaires de projet. Ainsi, dans ce premier chapitre, nous procéderons à une recension des écrits selon deux grands axes: celui des travaux empiriques relatifs à l’activité des gestionnaires traditionnels et celui des travaux empiriques ou théoriques concernant les rôles, compétences et activités des gestionnaires de projet. Par la suite, nous présenterons les questions spécifiques de recherche traitées dans cette recherche visant à décrire l’activité réelle des gestionnaires de projet .

Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 2 LA PROBLÉMATIQUE DE RECHERCHE
2.1. INTRODUCTION
2.2. RECENSION DES ECRITS ET QUESTIONS SPECIFIQUES DE RECHERCHE
2.2.1. Travaux de recherches sur les gestionnaires traditionnels
2.2.1.1. Travaux de recherches de Mintzberg
2.2.1.2. Travaux de recherches de Barabel & Meier 2002
2.2.1.3. Travaux de recherches de Raveleau
2.2.2. Travaux de recherches sur l’activité des gestionnaires de projet
2.2.2.1. Les compétences professionnelles
2.2.2.1.1. Les compétences professionnelles du chef de projet pour le PMI
2.2.2.1.2. Les compétences professionnelles du chef de projet, Garel, Giard et Midler (2004) 16
2.2.2.1.3. Les compétences professionnelles du chef de projet, Crawford (2005)
2.2.2.1.4. Les compétences professionnelles du chef de projet, El-Sabaa (2001)
2.2.2.2. Les rôles du chef de projets
2.2.2.2.1. Travaux de recherches de Hobbs (1989) et Ménard (1995)
2.2.2.2.2. Travaux de recherches de Sommerville, Craig et Hendry (2010)21
2.2.2.3. Les activités réelles de chef de projet
2.2.2.3.1. Travail de recherche de Pineau (2008)
2.2.2.3.2. Travail de recherche de Leroy (2006) sur les situations managériales
2.3. CONCLUSION DE LA LITTERATURE
CHAPITRE 3 METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ET ANALYSE DES RESULTATS
3.1. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
3.2. ANALYSE DESCRIPTIVE DES DONNEES
3.2.1. Identification du répondant
3.2.2. Identification de l’entreprise, ministère ou organisme
3.2.3. La répartition du temps de travail du gestionnaire de projets
3.2.4. Le style de direction
3.3. ANALYSE COMPARATIVE DES DONNEES
Thème 1. Les rôles joués par les gestionnaires
Thème 2. Importance des rôles joués par les gestionnaires
Thème 3. Supports de communication utilisés par les gestionnaires
Thème 4. Contacts des gestionnaires lors des activités quotidiennes
Thème 5. L’intensité des activités quotidiennes des gestionnaires
Thème 6. Degré moyen de programmation de l’agenda à l’avance
3.4. A NALYSE DES RELATIONS ENTRE LES VARIABLES
3.4.1. Relation entre hommes et femmes au niveau des principaux obstacles rencontrés en gestion de projet
3.4.2. Relation entre le nombre d’années d’expériences dans une fonction reliée à la gestion de projet et le nombre de projets gérés
3.4.3. Relation entre le nombre d’années d’expériences et le budget des projets en charge
3.4.4. Relation entre les différents rôles assumés par le gestionnaire de projet qui sont susceptibles d’induire des tensions et le nombre de projets gérés
3.4.5. Relation entre les formations académiques acquises par les répondants et le nombre d’année de travail pour obtenir le premier poste de gestionnaire de projet
CHAPITRE 4 CONCLUSION GÉNÉRALE

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