Évolution saisonnière de la biogéochimie et de la microbiologie des marais côtiers nordiques

La présence de marelles, aussi nommées cuvettes intel1idales, constitue un trait particuli er des maraIs côtiers des régions froides (Fournier et al., 1987). Notre compréhension de ces entités en ce qui a trait à la géomorphol ogie, à l’écologie et à la bi ogéochimi e est étonnamment limitée malgré l’ intérêt croissant porté aux marais intertidaux. En effet, ces derniers participent à la régulation des écosystèmes marins et côtiers via plusieurs mécanismes dont leur implicati on dans les processus de dénitrifi cati on qui contribuent au contrôle de l’ eutrophisation du mili eu marin (Poulin et al., 2007). Les marais salés sont également caractérisés par une producti vité primaire élevée et une reminéralisati on importante de la mati ère organique (Billen et Lancelot, 1988), et comptent parmi les écosystèmes les plus productifs au monde (Woodward et Wui , 200 1). L’étude des mécanismes de fo nctionnement des marais de l’estuaire du Saint-Laurent et des autres mili eux côti ers est motivée par des enjeux environnementaux maj eurs li és à l’augmentati on du ni veau de la mer, à la contaminati on anthropique via les apports urbains et agri co les, à la diminuti on prévue de la couverture de la glace en hi ver’ et au rétréc issement des marais soumis à l’érosion et à l’empiètement par les zones habitabl es. Ainsi, il devient important d’acquérir une meill e ure conn aissance générale des marell es, dans un premier temps, et d’estimer leur contribution aux changements globaux attendus dans les marais côtiers au cours de prochaines décenni es, dans un deu xième temps.

DISTRIBUTION ET PROCESSUS GÉNÉRAUX DE FORMA TION DES MARELLES 

Les marelles parsèment le couvert végétal des marais à Spartina du Saint-Laurent (Prat, 1933 ; Hamelin et Cailleux, 1966; Dionne, 1968a, 1968b Reed, 1970), des côtes de la baie de James (Dionne, 1976), de la baie d’Ungava (Foumier et al., 1987), ainsi que celles de la Nouvelle-Angleterre (Teal et Teal, 1969). La géomorphologie et les caractéristiques des marais tidaux de la côte ouest de l’océan Atlantique et des États-Unis ont été décrites de façon détaillée par plusieurs auteurs (Teal et Teal, 1969; Davidson-Amott et al., 2002; Fagherazzi et al., 2004). Au Québec, la distribution géographique des marell es est concentrée aux abords de l’estuaire du Saint-Laurent, abritant 95% des marais à spartines dont 69% se situent sur la rive sud (Dryade, 1980).

De formes diversifiées, les marelles ont aussi des dimensions très variables, de 1 à 40 mètres de diamètre (Cailleux et Hamelin , 1967), des superficies atteignant jusqu ‘ à 1000 m2 (Wa lsh et FitzGerald, 1984), et des profondeurs moyennes de 30 à 50 cm (Dionne, 1968a). La littérature scientifique concemant la genèse des marell es recense des hypothèses datant du début des années 1900 (Gauthier et Gaudreau, 1983 : revue et augmentée à partir de Dionne, 1972). Selon Foumier et al. (1987) dont les travaux ont porté sur les littoraux subarctiques, la dynamique du ge l intertidal, l’hydrodynamisme et l’ écoulement de surface ainsi que les processus glaciels sont des agents responsables de la formation des différents types de marelles (d’arrachement glaciel, de thermokarst intertidal , de déc rochement, etc.) et de la variété de formes qu ‘elles prennent. Sur les côtes du Saint-Laurent, deux types de marell es ont été décrits notamment par Gauthier et Goudreau (1983); les marelles glacielles situées au niveau du scholTe inférieur, ainsi que les marelles non -glac ie ll es au ni veau du scholTe supéri e ur. Selon Gauthi er et Goudreau (1983), l’hypothèse du transport sédimentaire glacie l émise par Hame lin et Cailleux (1 966) s’est imposée pour expliquer la formati on des premi ères, tandis que des processus physico-bi ochimiques sembl ent être responsabl es de la formati on des secondes. Le schéma d ‘ une coupe transversale des subdivisions de la batture d ‘ un marais tidal du Saint-Laurent indique la position relative du schon e inférieur et du schon-e supérieur, ce derni er étant situé plus en alti tude sur le rivage.

MARELLES GLACIELLES ET NON-GLACIELLES 

Description et géomorphologie 

Les marelles d’origine glacielle sont formées par l’interaction de trois composantes: l’emprise d’ un pied de glace hivernal, des marées de grandes amplitudes, ainsi qu’ un tapis herbacé à rhizosphère dense (Gauthier et Goudreau, 1983). Lors de l’intrusion tidale, le feuillage de macrophytes peut être intégré à !a glace en formation. Le soulèvement du pied de glace par des marées de grandes amplitudes entraîne l’ arrachement de plaques de matériel organo-sédimentaire nommés radeaux de végétation (Figure II) formant ainsi des cuvettes de dimensions variées. Parmi les marelles glacielles, Gauthier et Goudreau (1983) distinguent les cuvettes dont la végétation environnante est dominée par le groupement à Spartina alterniflora que l’on retrouve dans la partie médiane de la zone médiolittorale intermédiaire, de celles bordées par le sous-groupement à Salicornia europaea du groupement S. alterniflora situées à sa limite supérieure (Gauthier, 1978), appelées marelles juvéniles et marelles actives par Poulin (2008).

Selon Gauthier et Goudreau (1983), ,la dynamique des marelles appartenant au premier groupe est marquée par l’arrachage incomplet de la végétation via l’ action érosive du pied de glace, et la recolonisation rapide des marelles par la S. alterniflora au cours de l’été. Les marelles juvéniles sont généralement clairsemées, de petites dimensions, plùtôt ob longues, peu profondes et ont des parois en pente douce.

Sur la pente du talus de la plate-forme herbacée, les marelles actives sont plus nombreuses et plus creuses. Ces différences résultent d ‘ un d ‘arrachement plus profo nd li é au recouvrement plus dense de S. alterniflora dont la rhizosphère est mi eux développée (-50 cm; Gauthier, 1978) dans la partie haute de la zone médi olittorale intermédi aire. C’est d ‘ ai ll eurs à ce niveau sur le littoral que se soude le pied de glace, ce qui engendre un prélèvement accru de radeaux de végétation. Marquées par le ruisse llement ai nsi que le re nouve ll ement épisodique lors des marées de vive-eau moye nne , les marelles actives présentent des caractéristiques variables des eaux et de la nature du fo nd (Gauthi er et Goudreau, 1983).

Au ni veau de la zo ne médiolittoral e supérieure , pUIsque le pied de glace fond sur place sans causer d ‘ arrac hement massif, la théorie glac iell e est dé laissée au profit d ‘ hypothèses d’érosion physico-chimiques (Gauthier et Goudreau, 1983). Selon Warming (1904 dans Di onne 1972), la formation des marelles est issue de la destruction de la végétation causée par l’accumulation importante de débris organiques et de l’érosion des parois sur le pourtour des marell es. Dans le même ordre d’idées, Taylor (1938) et Chapman (1960) ont évoq ué la mort de la végétation par les fortes teneurs en se l des sédiments.

Toutefois, ces hypothèses n’expliquent pas le surcreusement des marell es du marais supéri eur dont l’inclinaison des parois est verticale (Gauthi er et Goudreau, 1983). La défloculation des argil es sur le pourtour et dans le fond des marell es ainsi qu ‘ une rétention accrue des sédiments par la végétation sur les murs mitoyens sont avancées comme explications les plus plausibles (Frey et Basan, 1978).

Les marelles non-glacielles sont de formes variées, généralement plus grandes que les marelles glacielles et la profondeur d’eau y est deux fois plus importante (-33 -42 cm; Gauthier et Goudreau, 1983) que pour ces dernières. La fi gure III montre les différentes formes, circul aires QU au contour sinueux, que prennent les marell es situées au niveau du marais supéri eur. Ces marelles se distinguent notamment par leurs grandes dimensions ainsi que par la vertica lité des parois. Les marelles non-glacielles sont bordées par une flore variée puisque se succèdent des communautés composées principalement de Spartina patens, Salicornia europaea, Spergularia I1wnna , Festuca rubra, Carex paleacea, etc. , tandis qu’à l’ intérieur des cuvettes, on retrouve Ruppia maritima, plusieurs algues vertes et guelgues Cyanoph ycées (Gauthier et Goudreau, 1983). Le substrat des mare ll es est relati vement uniforme avec 95% de silt et d’argile (Ward et FitzGerald, 1983 b).

Caractéristiques physico-chimiques et écologiques 

Alors que les marelles sont des structures géomorphologiques relativement ‘stables à l’échelle de la décennie (Gauthier et Goudteau, 1983), la composition de l’eau des marelles est marquée par les variations saisonnières, les précipitations et le renouvellement épisodique des eaux par la marée. De manière générale, la température et la salinité des marelles sont influencées d’ une part par des facteurs internes tels la topographie et la morphologie ainsi que par des facteurs externes dont la température de l’ air, les précipitations et la fréquence de submersion par la marée, d’autre part (Fournier et al. , 1987). La morphologie du marais, la présence de cours d ‘eau et les axes de pénétration de la marée influencent aussi la salinité des marelles et ce, par contact direct ou par diffusion à travers les parois.

Les études sur l’écologie des marelles des marais côtiers nordiques ont été réa lisées presqu ‘ exclusivement dans le marais de l’île Verte et portent essentiellement sur l’ utilisation de l’ habitat et des ressources par les Gasterosteidae (Worgan et FitzGerald, 198 1a, 1981b ; Craig et FitzGerald, 1982; Ward et FitzGerald, 1983a; Dutil et Fortin , 1983 ; Walsh et FitzGerald, 1984), le copépode Eurytemora affinitis (Castonguay et FitzGerald, 1990), et la faune macro-benthique (Ward et FitzGerald, 1983b). La littérature sci entifique au suj et de la caractérisation physico-chimique et de l’écologie des marelles est très limitée comparativement aux cuvettes intertidales rocheuses dont les caractérisations saisonnières, diume , verticale et hori zontale ont été étudiées (Ganning, 1971; Daniel et Boyden, 1975; MOITis et Taylor, 1983; Huggett et Griffiths, 1986; Metaxas et Scheibling, 1993).

Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1. Contexte
l.2. Distribution et processus généraux de formation des marelles
1.3. Marelles glacielles et non-glacielles
1.3.1. Description et géomorphologie
1.3.2. Caractéristiques physico-chimiques et écologiques
1.4. Cycles biogéochimiques
1.5. Problématique
1.6. Objectif
1.7. . Objectifs spécifiques
1.8. Hypothèses
1.9. Site des travaux
2. SEASONAL EVOLUTION OF TIDEPOOLS BIOGEOCHEMISTRY AND MICROBIOLOGY IN A NORTHERN SALT MARSH: AN EXAMPLE FROM THE ST. LA WRENCE ESTUARY
2.1. Abstract
2.2. Introduction
2.3. Materials and methods
2.3.1. StudySite
2.3.2. Sampling Procedure
2.3.3. Laboratory analyses
2.3.4. Statistical Analysis
2.4. Results
2.4.1. Spatiotemporal pattel11s of tidepools ph ysicochemi ca l characteristics
2.4.2. Spatial and temporal pattel11s of biological parameters
2.5. Discussion
2.5.1. Spatial variation of abiotic and bioti c parameters
2.5.2. Temporal dynamics of phytoplankton and bacte ri al abundances
2.5.3. Seasonal variation of organic matter sources
2.5.4. Tidepools sediment characteristics
2.6. Conclusions
3. DISCUSSION
3 .1. Variations spatiales des paramètres abiotiques et biologiques
3.2. Dynamique temporelle de la chlorophylle-a et de l’ abondance bactérienne
3.3. Variation saisonnière des sources de matière organique
3.4. Caractérisation des sédiments des marelles
4. CONCLUSION

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