Insuffisance rénale aigue

L’insuffisance rénale aigue (IRA) représente un problème majeur de santé publique dans les pays développés, néanmoins, notre pays en voie de développement n’en est pas épargné surtout que ce dernier est en pleine transition épidémiologique avec l’afflux de nouvelles pathologies notamment le diabète, l’HTA et les pathologies cardiovasculaires. L’IRA est une urgence diagnostique et thérapeutique définit comme une défaillance rapide et habituellement réversible de la fonction rénale. L’absence initiale de définition consensuelle de l’insuffisance rénale aigue a conduit à une grande disparité des données de la littérature et une certaine confusion concernant l’interprétation des données épidémiologiques et pronostiques, la création d’une définition universelle s’est alors imposée. Ce n’est qu’en 2004 que le groupe Acute Dialysis Quality Initiative (ADQI) a proposé la classification RIFLE (Risk of renal dysfunction, Injury to the kidney, Failure of kidney function, Loss of kidney function and End stage kidney failure), revisitée par le groupe AKIN (Acute kidney Injury Network). Les deux classifications sont basées sur le taux de créatinine et le débit urinaire.

Grâce à ces définitions, plusieurs études ont été réalisées pour apprécier le profil épidémiologique, étiologique, évolutif et pronostique de cette pathologie notamment en Europe et en Amérique du nord, où l’incidence est actuellement estimée entre 200 et 400 cas par million d’habitants [2]. Les étiologies de l’insuffisance rénale aigue différent selon leurs mécanismes de survenue qui sont principalement au nombre de trois : une origine parenchymateuse, fonctionnelle ou obstructive. Ces mécanismes ont été incriminés à des degrés divers selon les études, pouvant même coexister mais au prix d’un pronostic réservé.

La prise en charge de cette pathologie a connu un progrès important notamment l’amélioration des techniques d’épuration extrarénale avec ses différentes modalités ; toutefois, la mortalité reste élevée en raison de l’évolution des caractéristiques de la population des patients en insuffisance rénale aigue tels que : l’âge plus avancé, la coexistence de pathologies chroniques (HTA , diabète , cardiopathie ,néoplasie …) , les mécanismes multiples et la découverte de l’IRA à des stades tardifs. Le taux de créatinine sérique utilisé pendant plusieurs années comme moyen diagnostic de l’IRA est influencé par plusieurs facteurs variant d’un patient à un autre (la masse musculaire , le métabolisme musculaire , l’état d’hydratation et de nutrition ….), ce qui a été à l’origine de nombreux retards diagnostics ; plusieurs recherches sont actuellement en cours en vue d’identifier de nouveaux marqueurs plus sensibles à l’atteinte rénale ( diagnostic précoce, marqueur pronostic …) comme à titre d’exemple : le NGAL humain, KIM-1, IL-18, L-FABP…..

Les définitions de l’IRA

La définition classique de l’IRA correspond à une chute brutale du débit de filtration glomérulaire qui se traduit par une incapacité des reins à éliminer les produits de dégradation du métabolisme azoté (créatinine , urée , acide urique …) et à contrôler l’équilibre acidobasique , hydroélectrolytique , hormonal ,voir osmotique.. [1,2]. Selon les dernières recommandations de la Kidney disease Improving Global Outcomes (KDIGO), l’insuffisance rénale aigue correspond à une baisse brutale de la fonction rénale définie par un des trois éléments : une élévation absolue de la créatininémie ≥ 3 mg/l (26.5Umol/l) en moins de 48 heures, une augmentation de la créatininémie ≥ 50% en 1 à 7 jours ou une oligurie < 0,5 ml/kg/h sur 6 heures [3]. L’insuffisance rénale aiguë «acute kidney injury (AKI)» fait partie d’un nouveau concept appelé maladie rénale aiguë «acute kidney diseases (AKD)» qui peut se produire avec ou sans atteinte chronique «chronic kidney diseases (CKD) » (figure 60) .La maladie rénale aigue (AKD) est alors définit par un débit de filtration glomérulaire inférieur à 60 ml / min par 1,73 m2 sur une durée moins de 3 mois, ou diminution du DFG ≥ 35% ou augmentation de la Créatininémie > 50 % dans une durée moins de 3 mois, en plus des critères de définition de l’insuffisance rénale aigue (AKI)  .

Dans un but de standardisation, un groupe d’experts s’est réuni en 2004 et a créé la classification «RIFLE», celle-ci définit l’IRA par l’augmentation de la créatinine par rapport à la créatinine de base et la diminution de la diurèse horaire, selon trois stades principaux : risk, injury and failure ; deux stades supplémentaires : loss, end stage renal failure ont été décrits pour leur dépendance à la dialyse [tableau VI]. Cette classification a été appliquée et validée dans différentes situations (soins intensifs, milieu hospitalier général, brûlés, nécessité de dialyse). Une association entre les stades de cette classification et la mortalité hospitalière a également été démontrée .

De manière contemporaine à la publication de l’échelle RIFLE par le groupe (acute disease quality initiative ADQI), des études ont montré que des augmentations, même modestes, du taux de créatinine pouvaient être associées à une surmortalité [5]. Ainsi, dans un collectif de patients hospitalisés en unités de soins classiques, Chertow et al [6] ont mis en évidence qu’une élévation de 0,3mg/dl (26,4 mol/L) de la créatininémie était indépendamment associée à la mortalité, ces données ont été confirmées par Lassnigg et al dans une population de chirurgie cardiaque au sein de laquelle une augmentation postopératoire de créatininémie de 0 à 0,5 mg/dl (0 à 44 mol/L) était associée à un risque de décès multiplié par trois en comparaison aux patients ayant une baisse modérée de leurs taux .

Une seconde définition de l’IRA a donc été proposée par un groupe d’experts (Acute kidney Injury Network l’AKIN) lors d’une conférence réalisée à Amsterdam en septembre 2005. Cette nouvelle définition dénommée AKIN prend en compte ces variations plus modestes de créatininémie [8]. Elle comprend Trois stades de gravité dont les stades 2 et 3 correspondent aux items « Injury to the kidney » et « Failure of kidney function » de l’échelle RIFLE . Outre la plus faible variation de créatinine prise en compte, cette définition introduit la notion de délai permettant de définir l’IRA. Ce laps de temps d e 48 heures permet d’éliminer les élévations progressives et modestes de la créatinine qui ne peuvent être qualifiées d’aigue s et dont l’impact sur la morbimortalité n’est pas démontré. En fin les patients ayant recours à l’épuration extrarénale sont, par défi nition, classés au niveau le plus élevé (niveau 3) quels que soient leurs taux de créatinine ou leur diurèse.

Épidémiologie de l’insuffisance rénale aigue

L’incidence intra-hospitalière

Au cours des années 70 et dans une étude mono-centrique, Hou et al [9] ont rapporté une fréquence d’IRA acquise en milieu hospitalier de 4,9 %. La définition utilisée était alors une augmentation de la créatininémie ≥ 5mg/l chez les patients avec une créatininémie basale ≤ 19 mg/l, ≥ 10 mg/l chez les patients avec une valeur basale entre 20 et 49 mg/l, et ≥15 mg/l pour une valeur basale ≥ 50 mg/l ; utilisant les mêmes critères diagnostiques , Nash et al ont rapporté , plus d’une vingtaine d’années plus tard , une fréquence d’IRA acquise à l’hôpital de 7,2% des hospitalisations [10] . Avec des définitions plus sévères, d’autres études rapportaient des incidences moins élevées : 1,9% (augmentation ≥ 9 mg/l quand la créatininémie basale ≤ 20 mg/l) et 0,37% des hospitalisations (augmentation de la créatininémie ≥ 20 mg/l quand la créatininémie basale ≤ 30 mg/l) [11,12] .Une enquête nationale américaine réalisée en 2006 et regroupant près de 500 hôpitaux rapporte une incidence intra-hospitalière de l’IRA de 1,9% [13]. A la lumière de la nouvelle définition consensuelle, l’incidence de survenue de l’IRA dans les différentes cohortes récemment publiées a augmenté variant entre 15,4 et 78,3% .Parmi ces études ,celle réalisée par Racha el Challiner au royaume uni qui en analysant de façon rétrospective les admissions des différents hôpitaux du royaume uni et les données des registres de décès a objectivé une incidence de l’IRA estimée à 25.4% dont les deux tiers l’ont développé en intra hospitalier .

L’incidence communautaire

En utilisant des critères diagnostiques similaires à l’étude de Hou [9], Kauffman et al ont rapporté que l’IRA communautaire était présente chez 0,9% des patients. Ils ont noté également une plus grande fréquence des formes fonctionnelles et obstructives comparativement aux séries des IRA acquises à l’hôpital [15]. L’étude Racha et challinier qui s’est basé sur les nouveaux critères diagnostique a retrouvé que l’incidence de l’IRA d’origine communautaire s’estimait au tiers de l’ensemble des IRA. Une autre étude américaine réalisée par Alexa wannacott et al a comparé entre les deux incidences d’IRA communautaire et intra-hospitaliére au sein de plus de 15.976 patients a conclu à une incidence d’IRA communautaire de 4.3 % de l’ensemble des patients en IRA [16]. Au Maroc, les données épidémiologiques sont rares vu l’absence de registre national d’insuffisance rénale aigue et d’études multicentriques pouvant recueillir les données des différentes structures hospitalières nationales, une enquête réalisée par S.S.Elkhayat et al [17] en 2012 a noté une incidence d’insuffisance rénale communautaire avoisinant les 27pmh/an .

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET METHODES
I. Type d’étude
II. Population de l’étude
III. Critère d’inclusion
IV. Critère d’exclusion
V. Recueil des données
VI. Analyse statistique
RÉSULTATS
I. Données démographiques
1. Profil épidémiologique
II. Données cliniques
1. Service d’hospitalisation
2. Antécédents des patients
3. Circonstances de découverte de l’insuffisance rénale aigue
4. Examen clinique
III. Données biologiques
1. La fonction rénale
2. L’ionogramme sanguin
3. La Numération Formule Sanguine
4. Le taux de CRP (Protéine C Réactive)
IV. Données radiologiques
1. Échographie rénale et vésico-prostatique
2. L’échocardiographie transthoracique
V. Causes d’insuffisance rénale aigue
VI. Traitement de l’IRA
1. Traitement symptomatique
2. L’épuration extrarénale
3. Le traitement étiologique
VII. Évolution et pronostic
VIII. Étude analytique
1. Les facteurs de risque liés à la mortalité des patients en IRA
2. Les facteurs de risque liés à l’évolution générale de la fonction rénale
DISCUSSION
I. Les définitions de l’IRA
II. Épidémiologie de l’insuffisance rénale aigue
1. Incidence intra-hospitalière
2. Incidence communautaire
3. Sexe
4. Age
III. Classification
1. Classification physiopathologique
2. Classification des IRA selon la sévérité
IV. Les marqueurs de l’IRA
V. Diagnostic de l’IRA
VI. Étiologies
1. Insuffisance rénale fonctionnelle
2. Insuffisance rénale organique
3. Insuffisance rénale aigue obstructive
VII. Traitements
1. Traitement des conséquences métaboliques et hydrélectrolytiques de l’IRA
2. Traitement étiologique
3. Epuration extrarénale
VIII. Pronostic
IX. Facteurs de risque
CONCLUSION

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