La Cour européenne des droits de l’homme

LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

Au stade de ce travail, il convient d’analyser les différents éléments du principe « non bis in idem » à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

A titre de rappel, pour que ce principe trouve à s’appliquer, il faut que le contrevenant ait fait l’objet d’une première sanction qui puisse être qualifiée de pénale, mais il faut également que cette dernière ait été coulée en force de chose jugée. Ayant déjà analysé lors du chapitre précédent la notion de sanction pénale, il est nécessaire de nous attarder sur la notion de décision coulée en force de chose jugée.

Par la suite, nous étudierons les trois composantes de ce principe : l’identité des poursuites (bis), l’identité de l’infraction (idem) et l’interdiction de nouvelles poursuites (non). Notons toutefois que cette dernière condition n’est que la conséquence des deux premières et n’appellera dès lors pas de développement de notre part.

NÉCESSITÉ D’UNE DÉCISION COULÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE

Dans l’affaire Nikitine contre Russie du 20 juillet 2004 , la Cour a jugé qu’une décision est passée en force de chose jugée lorsqu’elle est irrévocable, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer .

En conséquence, seules les décisions irrévocables (acquittement, condamnation, transaction pénale ou même suspension du prononcé) statuant au fond sur l’objet même de l’action publique peuvent être prises en compte en vue d’appliquer le principe « non bis in idem »  . Remarquons toutefois que cela n’est pas le cas d’un classement sans suite .

En revanche, l’exercice des voies de recours extraordinaires  par toute personne intéressée n’a absolument aucun impact sur le caractère définitif d’un jugement, qui ne peut, par ce biais, être aucunement mis en doute  . Néanmoins la Cour ne s’oppose pas à la réouverture d’un procès si des faits nouveaux ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu .

En ce qui concerne les litiges fiscaux, une sanction infligée par l’Administration fiscale, devenue définitive en raison de l’écoulement des délais de recours administratifs ou judicaires, constitue selon la Cour européenne des droits de l’homme, un jugement coulé en force de chose jugée . De ce fait, si l’Administration inflige un accroissement d’impôt, une amende ou une autre sanction administrative ayant un caractère pénal au sens de la C.E.D.H.  , les juridictions de l’ordre judiciaire ne pourront plus prononcer de peines pour les mêmes faits au contrevenant .

Dès lors le ministère public ne peut plus ouvrir une information ou proposer une transaction pénale ; si une information est en cours, le ministère public doit la classer sans suite ; en cas d’instruction, la juridiction d’instruction doit rendre une décision de non-lieu ; enfin si une juridiction de jugement est saisie, elle doit constater l’irrecevabilité ou l’extinction de l’action publique  . Réciproquement, une sanction pénale définitive exclut l’application d’accroissements d’impôt pour des faits en substance identiques .

Enfin, le principe « non bis in idem » exclut les sanctions fiscales à caractère pénal lorsque le contrevenant a pu bénéficier d’une transaction pénale  . La même conclusion s’impose lorsque ce dernier a conclu un accord avec l’administration relatif aux impositions litigieuses .

L’IDENTITÉ DES POURSUITES (BIS)

Comme nous venons de le voir, le principe « non bis in idem » interdit les doubles condamnations et les doubles poursuites, mais également le risque de nouvelles poursuites  . De ce fait, lorsqu’un suspect fait l’objet de deux procédures pénales (ou fiscales mais de natures pénales) concomitantes, la Cour de Strasbourg impose que celle qui sera en cours, alors que l’autre aura abouti à une décision définitive de condamnation ou d’acquittement, donne lieu à une décision d’irrecevabilité par la juridiction saisie .

De plus, l’arrêt Tomasovic contre Croatie  permet de préciser l’analyse en indiquant que ni l’imputation d’une première sanction sur une autre, ni la chronologie des poursuites initiées ne peuvent aboutir au respect du principe « non bis in idem » .

En conclusion, seul l’arrêt immédiat de toute procédure en cours suite à une première décision coulée en force de chose jugée est envisageable. Imaginer que la seconde procédure puisse aboutir à une condamnation, moyennant la prise en compte des sanctions infligées dans le cadre de la première procédure, n’est donc pas autorisé .

Table des matières

1. Introduction
2. Observations liminaires relatives au principe « non bis in idem »
3. Qualification pénale des sanctions fiscales
4. La jurisprudence des juridictions internationales
A. La Cour européenne des droits de l’homme
I. Nécessité d’une décision coulée en force de chose jugée
II. L’identité des poursuites (bis)
III. L’identité de l’infraction (idem)
B. La Cour de Justice de L’Union européenne
I. L’article 54 C.A.A.S. et 50 de la Charte
II. La jurisprudence de la Cour de Justice
5. La jurisprudence des juridictions belges
A. Accroissements d’impôt et amendes en matière d’impôt sur les revenus
B. Amendes proportionnelles et non proportionnelles en matière de T.V.A
C. Sanctions en matière de droits de douanes et accises
D. La « sanction » de solidarité (C.I.R./92 – T.V.A. – droit d’enregistrement)
E. Les cotisations spéciales sur commissions secrètes et bénéfices dissimulés
6. L’arrêt A et B contre Norvège : un revirement de jurisprudence ? Analyse critique
7. Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *