La direction de projet dans le secteur culturel

L’âge d’or de la culture, telle qu’elle a été pratiquée, subventionnée, vécue, ne reviendra pas. Cependant, nous pourrons tirer les leçons et faire se lever de nouvelles manières de faire. Aussi, parler de la culture sans parler de son histoire, ce serait comme parler de la démocratie sans évoquer les moments de la grande Histoire.

Esquisse d’un paysage culturel… 

Ancrage historique des politiques culturelles

Afin de nous entendre sur ce que nous allons traiter dans ce travail, il nous faut définir ce que l’on entend par le terme de culture, ce qu’il évoque lorsqu’on navigue dans le domaine des arts et des lettres, ce qu’il représente d’un point de vue de la société. Lorsqu’on parle de culture et a fortiori en politiques culturelles, on désigne, comme l’écrit Pierre Michel Menger   , « l’ensemble des productions symboliques du domaine des arts et des lettres ». En France, peut-être plus encore qu’ailleurs, on cultive cette impérieuse nécessité de développement culturel. Les Lumières, la Révolution Française et nombre de faits historiques ont mené ce pays jusqu’au développement d’un concept d’exception culturelle à la française. La France est-elle pour autant une exception ? Nous ne nous poserons pas cette question et nous attarderons essentiellement sur un état des lieux de l’existant. Nous n’irons pas non plus chercher dans l’histoire et la littérature culturelle européenne ou mondiale les points convergents et divergents d’une telle analyse.

Pierre Moulinier , quant à lui, dans son ouvrage, pose la question des composantes du champ culturel à la française. « Le problème est que ce que l’on appelle culture ne peut se résumer à un produit bien identifié ». « Le domaine culturel qui est marqué par une hétérogénéité qui lui est consubstantielle, est constitué de structures de droit public tant que de droit privé, d’établissements publics autant que d’entreprises industrielles et commerciales et d’associations à but non lucratif » .

On partira du principe que la culture est ancrée dans le concept de développement de la société française, issue d’une longue tradition, des mystères joués sur les parvis des églises aux soutiens royaux de peintres et artistes en tous genres. Une immense ellipse temporelle nous amène à la création en 1959 d’un ministère de la Culture. On pourrait tout aussi bien évoquer les mouvements d’éducation populaire. On pensera à ces convaincus du pouvoir théâtral, de Jouvet à Laurent, en passant par Vilar et Vitez. Stanislas Nordey, Marie José Malhis, ou Robin Rennucci, sont également à la recherche d’un renouveau de la création théâtrale et du rapport sociétal. Certains hier d’autres aujourd’hui.

Mais, on ne peut se limiter à cette seule acception du mot culture, tant il nous semble que la culture recouvre une réalité plus vaste, plus large : civilisations, religions, coutumes, langages, valeurs, savoirs (tant savoir-faire que savoir-être)… Se référer à l’anthropologie, à l’histoire, aux sciences sociales et à l’humain est primordial. De fait « la culture signe le devenir humain de l’individu en tant qu’il est plus qu’un vivant occupé à satisfaire ses besoins avec les ressources de son environnement et qu’il construit des relations sociales stables et perpétuables avec autrui ».

Et c’est sans doute dans l’espace de navigation entre ces deux définitions l’une tournée vers l’œuvre, l’autre vers la construction sociale que nous souhaiterions placer notre étude. Nous pensons la culture comme un territoire commun entre les arts, les lettres et la société. Nous voudrions voir ce que l’humain pourrait gagner à être lui-même à l’initiative des projets avec pour objectif évident de ne plus toucher une part infime de la société.

Brève histoire des politiques culturelles de l’Etat depuis Malraux. Des présidents, des ministres, des ministères… 

« Existe-t-il des objectifs clairs fondant les activités de ce ministère ? La meilleure réponse à cette question réside dans la manière dont les ministres de la culture successifs ont présenté leur action. Qu’ils soient de gauche ou de droite, il est remarquable qu’ils aient tous insisté sur un petit nombre d’enjeux présents dans le décret Malraux de 1959, et notamment la conservation et la mise en valeur du patrimoine, l’aide à la création d’aujourd’hui et sa diffusion, l’éducation artistique et le développement des pratiques culturelles des citoyens français. » .

Les politiques culturelles restent dans l’esprit de beaucoup fortement liées à une politique d’Etat. C’est ainsi que l’ont voulu De Gaulle et Malraux. Cela s’est maintenu pendant des années. On observera cependant au fil de ce travail la nécessité de sortir de la capitale pour envisager une culture pour tous. Beaucoup de Présidents de la République, autant de ministres de la culture ont voulu marquer par de « grands travaux ». De Gaulle – Président de la République de janvier 1959 à avril 1969 – crée son ministère. Malraux en dresse les grandes lignes et les grands enjeux dans son décret du 26 juillet 1959, devenu célèbre et fondateur.

« Le Ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France au plus grand nombre possible de Français, d’assumer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. » .

Malraux sera très attaché au lancement des Maisons de la culture et son nom y sera associé. Leur mission est de diffuser et rendre accessible les œuvres, de favoriser la rencontre entre l’œuvre et le créateur. Malraux les voit comme une occasion de faire « cesser la discrimination tant géographique qu’économique » . Certains artistes, en 1968, viendront remettre en cause cette position estimant que les Maisons de la culture touchent essentiellement la bourgeoisie. On aura tout le loisir de s’interroger par la suite sur ces questions, notamment à travers la pratique et les ambitions des acteurs culturels en territoire aujourd’hui.

Pompidou – Président de la République de mai 1969 à avril 1974 – lance son centre Beaubourg, laissant l’image d’un président moderniste, urbain, mais bien attaché à une France profonde.  Giscard D’Estaing – Président de la République de mai 1974 à mai 1981 – ne sembla pas empreint des mêmes ambitions pour la culture, mais il soutint les besoins financiers nécessaires à l’éclosion du centre Pompidou, fixa des objectifs autour du patrimoine et poursuivit des travaux autour de l’arrivée de la télévision, nouvelle source d’accès à la culture dans les foyers, pense-t-on à l’époque.

Table des matières

Introduction
I. Une culture à bout de souffle… Une économie solidaire inspirante ?
A. Esquisse d’un paysage culturel
1. Ancrage historique des politiques culturelles
2. Brève histoire des politiques culturelles de l’Etat depuis Malraux. Des présidents, des ministres, des ministères
3. Un ministère de la Culture, en rupture avec l’éducation populaire
4. Le contexte de la création du ministère de la Culture
5. Des difficultés à construire autour d’une rupture
6. Remodeler le ministère et la politique pour repenser la culture dans son ensemble
B. L’aménagement culturel du territoire
1. Déconcentration et décentralisation
2. Les institutions reconnues en territoire
3. Les collectivités, entre financer et innover
C. L’économie sociale et solidaire
1. Une histoire et une philosophie
2. Une loi
3. Un enjeu de société
D. A la recherche du public perdu… Cœur de la démocratisation culturelle
1. Les pratiques culturelles des français
2. Par qui et pour qui sont pensées ces actions ?
3. Origine de la notion de démocratisation culturelle
4. Démocratisation culturelle : légitimité artistique ou existence politique ?
5. Des évolutions
6. L’impact des actions de médiation
II. L’entrepreneuriat culturel
A. La culture, un secteur économique
1. Eléments de contexte
2. Le poids économique de la culture
3. La crise de 2003
4. Economie culturelle / économie sociale et solidaire
5. La professionnalisation d’un secteur
B. La direction de projet dans le secteur culturel
1. Le management, quel défi pour la culture ? Manager autrement ou manager tout simplement
2. La place des bénévoles
3. La gestion budgétaire
4. La course aux financements
III. Opérer la transition culturelle : construire une culture rénovée, ancrée dans la société
A. Les droits culturels
B. La fonction sociale de la culture
C. Un changement de posture
1. De la gratitude et de la reconnaissance d’autrui
2. De la méthode
3. Quelques idées tout de même
Conclusion

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