La place que le secours populaire offre à l’enfant

Le Secours populaire, en tant qu’association d’éducation populaire, souhaite que tous les individus, y compris les invisibles, les pauvres et les enfants, agissent pour le sort de leurs semblables. Les enfants sont, depuis quelques décennies, mis au cœur des stratégies de l’association. Nous étudierons d’abord les raisons de la création du mouvement Copain du monde, puis nous nous intéresserons aux outils qui permettent d’intégrer la parole des enfants et aux motivations dont cette volonté découle.

Les raisons de la création du mouvement Copain du monde

L’émergence du mouvement d’enfants solidaires Copain du monde part de la reconnaissance de la part des membres de l’association de la pauvreté comme une violence pour les familles et du fait que cela touche directement les enfants. Ce constat ainsi fait, le fondateur du Secours populaire français a décidé de prendre en main cette violence de la précarité pour l’attaquer directement à la source. En effet, prendre en charge les effets de la pauvreté avant même que ceux-ci n’aient causé des dommages à l’enfant constitue une intervention nécessaire pour entraver l’apparition des conséquences de la pauvreté.

La pauvreté comme une forme de violence

« La pauvreté devient plus visible au fur et à mesure que grossissent les villes, plus insupportable comme se développent les idées égalitaires et humanistes ». Françoise BARRETDUCROCQ, dans l’ouvrage « Pauvreté, charité et morale à Londres au XIXè siècle : une sainte violence » décrit l’évolution de la perception de la pauvreté à Londres et l’applique aux sociétés occidentales. L’idée de faire émerger un mouvement d’enfants solidaires provient d’abord du constat que les enfants sont au cœur des difficultés qu’affrontent leurs familles. Ils sont en première ligne de la violence qui découle de la pauvreté. En effet, la précarité et la pauvreté ont des effets indéniables sur les personnes qui la subissent. Il est indispensable de prendre en compte les conséquences qu’elle engendre sur les enfants puisque leurs représentations et leur autonomie sont en pleine construction. L’enfance est caractéristique de la période de construction des représentations sociales et de l’assimilation de normes de comportements et d’attitudes. D’un point de vue psychologique, Henri WALLON  introduit la notion de composante sociale dans les processus de développement de l’enfant. Les enfants nécessitent un environnement émotionnellement stable pour assurer leur développement moteur, affectif, social et culturel.

La violence que produit la précarité se manifeste par des conséquences à divers points de vue. D’abord, le manque de ressources monétaires engendre des conséquences matérielles et une frustration importante liée à l’incapacité d’accéder à certains biens ou services. Ensuite, cette conséquence directe peut constituer une forme d’isolement ou encore une situation d’exclusion de la part des personnes concernées, qui s’isoleront volontairement et/ou de la part des autres agents de la société qui génèreront un climat d’incompréhension de la situation, ce qui entraînera ces conséquences sociales non négligeables. Dans une situation d’immigration, l’incompréhension de la situation de précarité par les pairs peut mener à des conséquences culturelles : les habitants du pays dans lequel la famille émigre ne reconnaissent pas leur identité. Ce peut être un événement catastrophique dans le processus « d’intégration » pour ces personnes et cela se répercutera sur les enfants. Ces conséquences de la pauvreté et de la précarité induisent des cercles vicieux. Le manque d’acculturation des parents dû à l’isolement mène bien souvent à une précarité scolaire des enfants. En effet, les parents qui proviennent de classes ouvrières et qui n’ont pas fait d’études ne possèdent pas la culture générale ou les connaissances nécessaires pour aider leurs enfants à faire les devoirs et préparer les évaluations. L’échec scolaire peut ainsi mener à des formes de délinquance. Cette délinquance est aussi le produit de la ségrégation territoriale qui, selon Didier LAPEYRONNIE, amplifie les discriminations . Ces individus auraient alors le sentiment de vivre dans un « contre-monde ». Robert CASTEL appuie cette idée en ajoutant qu’ils auraient des difficultés à trouver leur place dans la société, ils ne se trouveraient ni dehors ni dedans. Le traitement différentiel qu’ils subissent et qui les disqualifie est à l’origine d’une absence de perspectives sociales et professionnelles. L’absence ou la réduction des perspectives peut susciter une forme de rupture avec la société et même une rupture avec le mode de vie. Françoise BARRET DUCROCQ, dans l’ouvrage « Pauvreté, charité et morale à Londres au XIXè siècle : une sainte violence » prend l’exemple tragique d’une jeune femme qui, par manque de possibilités professionnelles, se désidentifie du système sociétal pour  plonger dans la prostitution : « cette jeune femme, quelques années auparavant, a quitté son emploi de bonne à tout faire pour se prostituer. Volontairement, sans être séduite ; elle a pensé qu’elle pourrait ainsi s’élever socialement, gagner plus d’argent et mieux s’amuser ». Contrairement à la société civile qui, dans cet ouvrage pense que la « situation de dépendance psychologique créée par l’aide charitable […] encourage les faiblesses individuelles », Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire français était profondément imprégné de l’idée d’émancipation par le recours à la solidarité.

Agir sur les causes : une solution pour lutter contre la pauvreté 

Une salariée du Secours populaire de Montpellier me confiait lors d’un entretien : « Au secours populaire on dit qu’on agit sur les conséquences et pas sur les causes mais quand on est acteur de solidarité on agit aussi sur les causes ». Le point de départ de la création du mouvement Copain du monde fut la prise de conscience du fondateur de l’association du fait que la pauvreté pouvait entraîner le non-respect des droits de l’enfant adoptés en 1989 lors de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant par les Nations Unies. En 1992, Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, crée Copain du monde, un mouvement d’enfants solidaires et défenseurs des droits de l’enfant. Considérer que les enfants subissent la précarité de leur famille, c’est reconnaître que certains droits sont bafoués ; et que d’autres enfants en prennent conscience c’est d’abord leur transmettre des valeurs d’humanisme et les responsabiliser quant à leur devoir de défense de tous les êtres humains. En effet, en faisant des enfants une priorité, le Secours populaire prend une double position. D’un côté, il permet à des enfants de pouvoir participer à la vie associative en exerçant la solidarité au sein d’une association. Les bénévoles du Secours populaire prônent le fait de rendre les enfants acteurs et auteurs de solidarité. Être acteur serait défini comme la capacité à se révolter contre des situations injustes et agir de manière altruiste ; être auteur serait le fait de passer de l’action à la conception de projets envers des personnes touchées par des injustices sociales. Proposer cette initiative aux enfants, devenir auteurs et acteurs de solidarité, leur permet de préparer l’avenir puisque ce seront ces futurs adultes qui prendront en charge le relai de la société. Il est donc important de leur donner les moyens de se développer dans une société plus juste, en exerçant la solidarité dès que possible. Réagir face des situations d’injustices sociales est une façon de développer sa citoyenneté. Commencer la sensibilisation le plus tôt possible c’est dans un premier temps donner les clés à des enfants pour qu’ils se construisent en intégrant des valeurs humanistes, qu’ils sachent réagir face à des situations injustes et ainsi affirmer leur place de citoyen. Dans un second temps, l’association s’attaque à la défense de leurs droits en tentant de rectifier le non-respect de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant par des actions en faveur des enfants : leur permettre de partir en vacances, leur donner l’accès aux loisirs, en facilitant leur réussite scolaire…etc. Intervenir dès l’enfance signifie agir sur les causes pour prévenir les conséquences pouvant surgir à l’âge adulte. D’ailleurs le Secours populaire défend la qualité de vecteur d’émancipation et par celle-ci, souhaite se démarquer d’associations caritatives où une aide est apportée aux personnes sans les pousser à se prendre en main. L’association estime donner aux personnes dans le besoin les clés pour ne pas subir.

Table des matières

Introduction
1. La place que le secours populaire offre à l’enfant
1.1. Les raisons de la création du mouvement Copain du monde
1.1.1. La pauvreté comme une forme de violence
1.1.2. Agir sur les causes : une solution pour lutter contre la pauvreté
1.2. Une volonté d’intégrer la voix des enfants au Secours populaire
1.2.1. Les statuts
1.2.2. Les jeunes sont l’avenir de la solidarité
1.2.3. Le Dire pour Agir : faire entendre la voix des enfants
2. Changer la perception des rapports enfantins à la sphère publique
2.1. Le rôle de citoyen
2.1.1. Qu’est-ce que la citoyenneté ?
2.1.2. Les enfants sont-ils des citoyens ?
2.2. L’engagement associatif et citoyen
2.3. Illégitimité à opiner et à agir dans un monde d’adultes
3. Les actions solidaires avec le Secours populaire
3.1. Accueil des enfants par les bénévoles et salariés
3.1.1. Construire une action solidaire : l’accompagnement des bénévoles
3.1.2. Les divergences entre le projet associatif et la mise en application par les bénévoles
3.2. Le ressenti des enfants
3.2.1. Les préoccupations des enfants
3.2.2. Les actions solidaires, une véritable plus-value pour les enfants
3.3. La légitimité des enfants vue par les enfants
3.3.1. Légitimité à intervenir face à des injustices
3.3.2. Légitimité à mener des actions de solidarité
Conclusion

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