La regle relative aux societes etrangeres controlees en belgique

La règle relative aux sociétés étrangères contrôlées en Belgique

Le contexte international, le projet BEPS de l’OCDE et la directive ATAD de l’UE

Le contexte
Depuis plusieurs années, la communauté internationale affiche un souci croissant de lutte contre l’évasion fiscale internationale. En effet, « [l]’intégration des économies et des marchés nationaux a connu une accélération marquée ces dernières années, mettant à l’épreuve le cadre fiscal international conçu voilà plus d’un siècle » . Cette mutation de l’environnement commercial mondial a favorisé « les stratégies mises en place par certaines entreprises permettant une « disparition » de bénéfices ou leur transfert artificiel vers des pays à fiscalité réduite ou nulle alors que les activités économiques de ces entreprises dans ces mêmes pays sont tout aussi limitées voire inexistantes » .

Or « [l]’érosion de la base d’imposition fait peser des risques réels sur les recettes, la souveraineté et l’équité fiscales, dans les pays membres de l’OCDE comme dans les pays non membres » . Un action coordonnée des Etats était donc nécessaire afin d’ « [a]méliorer la discipline fiscale […] pour à la fois garantir les recettes fiscales des Etats et assurer des règles du jeu équitables aux entreprises » .

Les pays de l’OCDE et du G20 ont donc élaboré un plan d’actions anti-BEPS « qui représente le premier remaniement d’importance des règles fiscales internationales depuis près d’un siècle » . Par la suite, l’Union européenne s’est dotée d’une directive 2016/1164 du 12 juillet 2016 « établissant les règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ». L’objectif commun est « d’adapter le cadre fiscal international pour le faire « coller » à la mondialisation » .

Le projet BEPS de l’OCDE
C’est dans ce contexte qu’a vu le jour, en 2015, le projet BEPS mis en place par l’OCDE. Le projet s’inscrit dans un objectif de lutte contre l’érosion de la base imposable et le transfert de bénéfices et s’articule autours de trois piliers : la cohérence, la substance et la transparence . « Il s’agit d’exiger et de renforcer le lien entre la création de valeur et son imposition (substance), de tendre vers une homogénéité accrue des systèmes fiscaux des différents Etats (cohérence) et d’augmenter l’échange d’informations entre les Etats (transparence)».

Le projet BEPS n’apporte pas d’innovation majeure au niveau de son contenu mais constitue plutôt « une compilation des « best practices » issues des différents Etats ayant participé au débat » . En revanche, il marque un tournant historique dans le fonctionnement du régime fiscal international   en démontrant une prise de conscience de la communauté internationale . En outre, il innove dans la manière de développer des règes fiscales puisqu’il implique plus de 100 Etats  et constitue « la réforme la plus ambitieuse jamais entreprise en matière de fiscalité internationale » .

Parmi les 15 actions reprises dans le projet BEPS, l’action 3 invite les pays membres de l’OCDE à adopter les règles SEC telles que recommandées ou, pour les pays qui disposent déjà de telles règles, à « les modifier pour mieux les aligner sur ces recommandations » .

L’ATAD
Dans le but d’introduire les recommandations issues du projet BEPS au sein du droit de l’Union européenne, cette dernière s’est dotée d’une directive « établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur ».

Cette directive « constitue l’élément le plus important de l’effort visant à garantir une imposition effective à l’endroit où les bénéfices sont générés puisqu’elle cible les stratégies par lesquelles les sociétés […] ou les groupes de sociétés […] pourraient être en mesure de transférer leurs bénéfices vers des juridictions à faible imposition».

La directive reprend trois mesures mettant en œuvre le projet BEPS de l’OCDE, à savoir des règles relatives aux dispositifs hybrides, aux SEC et à la limitation de la déductibilité des intérêts, ainsi que trois mesures inspirées « de la proposition « ACCIS », [à savoir] l’imposition à la sortie, la clause de réversion et une règle générale anti-abus » .

Dans ses articles 7 et 8, l’ATAD reprend la règle relative aux SEC. La directive n’impose cependant qu’un niveau minimal commun de protection . La directive laisse aux Etats membres une marge de manœuvre dans la transposition de ses dispositions. S’agissant des règles relatives aux SEC, les Etats peuvent opter, concernant la réintégration du revenu, pour l’approche catégorielle ou transactionnelle .

La règle relative aux SEC en Belgique

Les articles 7 et 8 de l’ATAD ont été transposés en droit belge à l’article 185/2 du CIR. Selon cette dernière disposition, « les bénéfices comprennent également les bénéfices non distribués de la société étrangère définie au paragraphe 2, alinéa 1er [la SEC], provenant d’un montage ou d’une série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal » .

Les conditions
La SEC est définie au paragraphe 2, premier alinéa, comme une société étrangère répondant à une condition de participation et une condition de taxation. La société étrangère est considérée comme étant une SEC si, d’une part, « le contribuable soit détient, directement ou indirectement, la majorité des droits de vote se rattachant au total des actions ou parts de cette société étrangère, soit détient, directement ou indirectement, une participation à hauteur d’au moins 50 p.c. du capital de cette société, soit possède les droits d’au moins 50 p.c. des bénéfices de cette société » . D’autre part, sera seule qualifiée de SEC la société étrangère qui « en vertu des dispositions de la législation de l’Etat ou de la juridiction où elle est établie, soit, n’y est pas soumise à un impôt sur les revenus, soit, y est soumise à un impôt sur les revenus qui s’élève à moins de la moitié de l’impôt des sociétés qui serait dû si cette société étrangère était établie en Belgique » . Ces conditions sont cumulatives.

Concernant la réintégration du revenu, la Belgique a opté pour l’approche transactionnelle. Alors que l’approche catégorielle consiste à ne réintégrer dans la base imposable de la société contrôlante que certaines catégories de revenus, à savoir les revenus passifs, l’approche transactionnelle, quant à elle, ne permet de réintégrer que les bénéfices non distribués générés par « un montage ou une série de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal » .

Les termes « montage » et « série de montages » sont utilisés tels quels par l’ATAD et « doivent recevoir une acception similaire aux termes « un acte ou un ensemble d’actes » utilisés dans la disposition générale anti-abus (art. 344, § 1er, du CIR) et dans la disposition spécifique anti-abus de la directive […] mère fille (art. 203, § 1er, 7°, et 266, al. 4, du CIR) » .

Le CIR précise par ailleurs qu’ « un montage ou une série de montages sont considérés comme non authentiques dans la mesure où la société étrangère décrite au paragraphe 2 ou l’établissement étranger décrit au paragraphe 3, ne posséderait pas les actifs ni n’aurait pas pris les risques qui sont la source de tout ou partie de ses revenus si cette société ou cet établissement n’était pas contrôlé par le contribuable où les fonctions importantes liées à ces actifs et risques sont assurées et jouent un rôle essentiel dans la création des revenus de la société étrangère ou de l’établissement étranger concerné » .

La loi requiert en outre que le montage ou la série de montages soit « mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal ». En d’autres termes, « lorsque ledit montage peut être justifié par des motifs non fiscaux et fiscaux, il faut que les motifs fiscaux en soient les motifs déterminants pour que cette condition soit remplie » .

Enfin, les bénéfices non distribués des SEC ne seront imposables en Belgique en vertu de la règle relative aux SEC que si les fonctions-clés à l’origine de ces bénéfices sont exercées en Belgique .

Table des matières

1. INTRODUCTION
2 LA REGLE RELATIVE AUX SOCIETES ETRANGERES CONTROLEES EN BELGIQUE
2.1 LE CONTEXTE INTERNATIONAL, LE PROJET BEPS DE L’OCDE ET LA DIRECTIVE ATAD DE L’UE
2.1.1 LE CONTEXTE
2.1.2 LE PROJET BEPS DE L’OCDE
2.1.3 L’ATAD
2.2 LA REGLE RELATIVE AUX SEC EN BELGIQUE
2.2.1 LES CONDITIONS
2.2.2 L’EXCLUSION DE CERTAINS ETABLISSEMENTS STABLES DETENUS A L’ETRANGER
2.2.3 LES DISPOSITIONS VISANT A EVITER LES SITUATIONS DE DOUBLE IMPOSITION
2.2.4 L’OBLIGATION DE DECLARATION DES SEC
3 COMPATIBILITE DE LA REGLE RELATIVE AUX SEC AVEC LE DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
3.1 L’ARRET CADBURY SCHWEPPES DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
3.2 LES RECOMMANDATIONS DE L’OCDE SUR LE RENFORCEMENT DES REGLES RELATIVES AUX SEC EN CONFORMITE AVEC LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE
3.2.1 L’ANALYSE DE SUBSTANCE EN VERTU DE LAQUELLE LES CONTRIBUABLES SERAIENT SOUMIS AUX REGLES RELATIVES AUX SEC UNIQUEMENT LORSQUE LES SEC N’EXERCENT PAS D’ACTIVITES ECONOMIQUES EFFECTIVES
3.2.2 L’APPLICATION DES REGLES RELATIVES AUX SEC SELON DES MODALITES IDENTIQUES AUX FILIALES LOCALES ET AUX FILIALES ETRANGERES
3.2.3 L’APPLICATION DES REGLES RELATIVES AUX SEC AUX TRANSACTIONS QUI SONT « EN PARTIE PUREMENT ARTIFICIELLES »
3.2.4 LA CONCEPTION DE REGLES RELATIVES AUX SEC VISANT EXPLICITEMENT A PARVENIR A UNE REPARTITION EQUILIBREE DU POUVOIR D’APPLIQUER L’IMPOT
3.2.5 CONCLUSION
3.3 LA REGLE BELGE ET L’ATAD
3.4 CONCLUSION
4 COMPATIBILITE DE LA REGLE RELATIVE AUX SEC AVEC LES CPDI
4.1 COMPATIBILITE DE LA LEGISLATION RELATIVE AUX SEC AVEC LES CPDI
4.1.1 L’OCDE
4.1.2 LA JURISPRUDENCE
4.1.2.1 Jurisprudence en faveur de l’incompatibilité de la législation relative aux SEC avec les CPDI
4.1.2.2 Jurisprudence en faveur de la compatibilité de la législation relative aux SEC avec les CPDI
4.1.2.3 Conclusion
4.1.3 LA DOCTRINE
4.1.3.1 L’approche par transparence et l’approche transactionnelle
4.1.3.2 L’approche transactionnelle : « bénéfice »
4.1.3.3 L’approche transactionnelle : « revenu fictif »
4.1.3.4 L’approche transactionnelle : « dividendes présumés »
4.1.3.5 L’approche transactionnelle : « gains en capital »
4.2 COMPATIBILITE DE LA REGLE BELGE RELATIVE AUX SEC AVEC LES CPDI
4.3 CONCLUSION
5 INTERACTION AVEC D’AUTRES REGLES NATIONALES ANTI-ABUS EN MATIERE DE LUTTE CONTRE L’EVASION FISCALE
5.1 LES MESURES ANTI-EVASION FISCALE EN BELGIQUE
5.1.1 LES DISPOSITIONS GENERALES ANTI-EVASION FISCALE
5.1.2 LES DISPOSITIONS SPECIFIQUES ANTI-EVASION FISCALE
5.1.2.1 Inopposabilité de certains transferts vers l’étranger
5.1.2.2 Les prix de transfert
5.1.2.3 La limitation de la déductibilité des intérêts
5.1.2.4 Les dispositions anti-hybrides
5.1.2.5 Les sociétés étrangères contrôlées
5.2 L’INTERACTION DE LA REGLE RELATIVE AUX SEC AVEC LES REGLES RELATIVES AUX PRIX DE TRANSFERT
5.3 L’INTERACTION DE LA REGLE RELATIVE AUX SEC AVEC LES REGLES ANTI- Z
5.3.1 PAIEMENT INCLUS DANS LE REVENU ORDINAIRE AUX TERMES D’UN REGIME APPLICABLE AUX SEC
FIG. 1 : PAIEMENT INCLUS DANS LE REVENU ORDINAIRE AUX TERMES D’UN REGIME APPLICABLE AUX SEC
5.3.2 LES ENTITES HYBRIDES INVERSEES ET LES PAIEMENTS PRIS EN COMPTE DANS LE CADRE D’UN REGIME APPLICABLE AUX SEC
5.4 CONCLUSION
CONCLUSION

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