Les différents processus de résolution de problèmes (Les algorithmes)

 La résolution de problèmes

La résolution d’un problème est une mise en situtation largement utilisée et étudiée puisqu’elle permet à la fois de tester des connaissances et de les developper. Pour mieux en comprendre les enjeux, il est important de cerner les processus de résolution. Différentes études se sont attachées à caractériser ces stratégies et ont conduit à envisager différents courants de recherches. En quoi le questionnement sur la situation de problème conduit à developper un point de vue sur l’acquisition de connaissances ? Les différents travaux font le lien entre résolution et apprentissage. Dans ce chapitre, nous définissons tout d’abord la notion de résolution de problèmes ainsi que les différents processus de résolution de problèmes. Dans un second temps, nous discutons des différentes approches qui se sont développées autour de la question de la résolution de problèmes.

La notion de problème

Un problème peut être défini comme une situation pour laquelle l’organisme a un but mais ne dispose pas d’un moyen connu pour y parvenir. Il est constitué de données, d’objectifs et d’obstacles. Trois attributs caractérisent un problème à résoudre : l’existence d’un écart entre la situation présente et le but à atteindre ; l’absence d’un cheminement évident menant à la réduction de cet écart ; le caractère subjectif et circonstanciel de la résolution de problème. Une situation fait problème pour une personne donnée à un moment donné. Greeno (1978) propose une partition en trois classes des problèmes. Tout d’abord, les problèmes d’induction de structure qui sont des problèmes où l’on donne un ensemble d’instances et où l’objectif est de découvrir une règle s’appliquant à ces instances (Test du Wisconsin1 , par exemple). Ensuite, les problèmes de transformation qui sont des problèmes où l’objectif est de passer d’un état initial à un état final par une succession d’opérations (le problème de la Tour d’Hanoï2 , par exemple). Dans ce cas, résoudre le problème consiste à effectuer des opérations de transformation permettant de passer de l’état initial à l’état final. Enfin, les problèmes d’arrangement qui sont des problèmes où tous les éléments sont donnés initialement, et où leur réorganisation constitue la solution du problème (les puzzles par exemples). Greeno remarque cependant que tous les problèmes ne peuvent pas être classés dans un de ces trois types. Reitman (1964) distingue quant à lui les problèmes bien définis («well-defined») et mal définis («illdefined»). Un problème bien défini est un problème où il existe une définition explicite de l’objectif en fonction de la description du problème (La tour d’ Hanoï est un exemple de problème bien défini, dessiner un beau dessin est un exemple de problème mal défini). Au delà de cette classification, la qualité d’un problème est double. En effet, mettre un individu face à un problème peut avoir deux objectifs : tester ses capacités (compétences ou connaissances) ou bien les développer. Ces deux aspects sont largement utilisés dans le domaine de l’enseignement. La mise en situation de problème est un outil pédagogique privilégié car il permet à la fois d’évaluer les capacités de l’élève mais aussi de les développer. Ce second objectif étant plus difficile à atteindre. En effet, face à un problème, l’élève et plus largement l’apprenant, doit réaliser deux tâches : résoudre le problème et apprendre de cette résolution, selon l’objectif de la situation d’enseignement. Ces deux tâches peuvent entrer en concurrence, comme nous le verrons ci-après, en fonction de différents critères qu’il convient de prendre en compte. Dès lors, la question de la nature des processus engagés dans la résolution de problèmes se pose. Dans la section suivante, nous détaillons les différents processus de résolution de problèmes.

Les différents processus de résolution de problèmes

En situation de problème, même si la découverte de la solution semble, le plus souvent, procéder par différentes tentatives d’essais et d’erreurs, le mode opératoire employé pour résoudre le problème peut être perçu comme une stratégie mise en place et nécessitant une certaine représentation de la situation. Ce processus de résolution peut être une règle, un heuristique ou bien lié à l’utilisation d’une situation déjà rencontrée (Lemaire, 1999). Nous les détaillons dans cette section. 1.2.1. L’analyse moyen-fin : un exemple d’heuristique Les heuristiques sont des règles d’actions non systématiques menant le plus souvent à la solution. Celles-ci sont des règles empiriques, pratiques, simples et rapides facilitant la découverte de la solution. Elles permettent de prendre des décisions d’action mais leur validité n’est pas assurée. Richard (1998, p. 188) nous donne une définition de la stratégie heuristique: « Quand les sujets raisonnent en dehors de leur domaine de compétence, ils n’ont à leur disposition que des modes d’inférences dont la validité n’est pas assurée mais qui sont d’utilisation très générale. Ces processus de production d’inférences ne garantissent pas la validité des raisonnements mais ils sont productifs : ils sont efficaces pour former des hypothèses et faire des choix dont les conséquences permettront d’apporter les corrections nécessaires. ». Un exemple de processus heuristique est la stratégie d’analyse moyen-fin. Ce processus de résolution utilise l’analyse de la différence entre l’état présent du problème et l’état final à atteindre. Proche d’une démarche de recherche en arrière à partir du but à atteindre, cette stratégie est particulièrement efficace dans des problèmes de labyrinthe. Elle consiste à découper la tâche en plusieurs sous-buts, puis chercher à réduire l’écart entre l’état actuel du problème et le prochain sous-but, jusqu’à l’état final. Zygmunt et Zheng (2005), notamment, observent, dans leurs travaux autour de puzzles, que les participants privilégient ce processus de résolution par sous-buts. Cependant, ce type de stratégie impose au sujet de garder présents en mémoire de travail l’état initial du problème, l’état final, les sous-buts, et de rechercher les opérateurs permettant de réduire l’écart entre les différents stades du problème. Ce qui peut exiger de grandes ressources cognitives. Ce processus de résolution peut alors gêner l’apprentissage et c’est pourquoi, Sweller et Levine (1982) proposent de contrer l’utilisation de ce processus de résolution par l’utilisation de problème ouvert (sans but prédéfini). Dans cette étude, les auteurs donnent à des groupes de participants un labyrinthe (Figure 1). Tous les participants ont les yeux bandés et ont leur index droit placé à l’entrée du labyrinthe. La tâche consiste à trouver la sortie du labyrinthe en déplaçant cet index. Les 7 participants du groupe G (goal information = informer sur le but à atteindre) ont leur index gauche placé sur la sortie du labyrinthe. Ils n’ont pas le droit de le déplacer. Les participants de l’autre groupe No-G (no-goal information = pas d’information sur le but à atteindre) n’ont pas le droit d’utiliser leur main gauche et ne reçoivent aucune information concernant la localisation de la sortie du labyrinthe. 

Les algorithmes

Les algorithmes sont des règles d’action systématiques garantissant la solution. Les formules mathématiques sont un bon exemple de ce type de processus de résolution. Leurs applications permettent de résoudre le problème au moyen d’un nombre fini d’opérations3 . Ces règles de résolution seraient stockées en mémoire et utilisées lorsque la situation de problème s’y rapporte. Dans la prise en compte de la définition de Richard (présentée ci-dessus) les algorithmes peuvent être opposés aux heuristiques. Raisonner en dehors de son domaine de compétences se ferait à l’aide d’heuristiques, raisonner dans son domaine de compétences se ferait à l’aide d’algorithmes. L’expertise pourrait être dès lors considérée comme la maitrise des algorithmes. En effet, connaître les tables de multiplication, par exemple, est un pré-requis nécessaire pour être expert en calcul mental. La découverte de l’algorithme permettant la résolution du problème est un apprentissage qui peut être nécessaire à la résolution du problème. C’est le cas du problème des Anneaux Chinois (PAC). Le problème des Anneaux Chinois (Figure 3) est un problème linéaire apparemment simple (21 états permettent d’atteindre le but), qui est difficilement résolu par les participants (plus de 500 coups dans l’étude de Kotovsky & Simon, 1990). Megalakaki et Tijus (2005) montrent que cette difficulté est liée à l’utilisation d’un processus heuristique consistant à ne pas s’éloigner du but. Le matériel de ce problème comporte cinq pions qui doivent être tous ôtés selon la règle qui stipule qu’on peut ôter ou mettre un pion que s’il y a un pion à sa droite et rien audelà4 . La règle d’action qui doit être ici découverte par les participants est qu’il faut parfois remettre des pions pour pouvoir créer les conditions nécessaires pour en ôter. Dans cette recherche, les auteurs proposent à la moitié des participants un état du problème particulier (état initial « un pion ») qui, selon eux, favorise la prise de conscience chez les participants de cette règle. L’autre moitié des participants est confrontée au problème classique (état initial « cinq pions »). Les résultats appuient leur hypothèse. Les participants confrontés à l’état initial « un pion » ont besoin de moins de coups pour passer d’un état à un autre (7.5 vs 14). Ils réalisent davantage de coups légaux (30% vs 33%) et atteignent plus rapidement les sous-buts (72.7 vs 169 pour le sous-but 1). Globalement, les deux groupes de participants réalisent davantage de coups lorsqu’il s’agit de mettre un pion que lorsqu’il s’agit d’en ôter (7.3 vs 38.3 pour P1). D’autre part, les participants du groupe état initial « un pion » réalisent moins de coups que les participants de l’autre groupe lorsqu’il s’agit de mettre un pion (10 vs 19). Les écarts de performances sont attribués par les auteurs au fait que l’état initial « un pion » incite davantage les participants à s’approprier la règle d’action récursive (il faut parfois remettre des pions pour pouvoir en ôter). Ce type de difficulté est également observé dans le problème des Missionnaires et des Cannibales 5 où il s’agit de ramener les cannibales sur la rive de départ pour résoudre le problème (Figure 4). L’utilisation d’un processus heuristique (ne pas s’éloigner du but) dans ces deux problèmes gêne la résolution alors que l’utilisation de l’algorithme le permet (revenir en arrière/ s’éloigner du but). Inciter les participants à apprendre cette règle d’action (en les contraignant par un état initial particulier par exemple) favorise la résolution du problème. 

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