La spécification de la problématique dans une recherche

La spécification de la problématique

PROLOGUE : ELUCIDATION 

Pas de recherche sans problème. Quel que soit le type de recherche, la recherche naît toujours de l’existence d’un problème à résoudre, à clarifier. Il y a problème lorsqu’on ressent la nécessité de combler un écart conscient entre ce qu’on sait et ce qu’on devrait savoir. Et résoudre un problème, c’est trouver les moyens d’annuler cet écart, de répondre à une question. Autrement dit, il n’y a pas de recherche là où l’on ne pose pas de question. Einstein a pu dire que la science est bien moins dans la réponse que dans les questions que l’on se pose. Il est certes important de trouver, mais pour trouver, il faut avoir perçu et posé une question à laquelle la recherche doit répondre. La simple accumulation de faits ou d’informations ou la tabulation de données numériques qui n’est pas guidée par des hypothèses, qui ne vise pas à apporter une solution à un problème, ne saurait constituer par elle-même une recherche scientifique. Ainsi, la formulation du problème est une étape essentielle de la recherche scientifique: elle permet de spécifier (la ou) les questions pertinentes par rapport à l’objet d’étude et de construire cet objet en lui donnant un sens ou en intégrant des faits qui, pris isolément ou en eux-mêmes, n’ont pas grande signification.  Le choix du thème, du sujet et du problème Le chercheur commence par laisser naître en lui une idée avec laquelle il «jongle» pour orienter sa recherche. L’idée peut lui venir d’une observation, de ses expériences personnelles dans la vie courante ou dans la vie professionnelle, ou des écrits se rapportant au domaine d’étude, ou d’une insatisfaction par rapport à ce domaine particulier. La connaissance des travaux existants lui permet de savoir si une recherche est envisageable dans le domaine et peut lui suggérer le type de question à poser et le sujet précis à étudier empiriquement. Ainsi, le choix d’un thème implique des lectures qui donnent une vue d’ensemble des différents sujets parmi lesquels il pourra choisir de privilégier un. Et pour ce sujet, le chercheur identifie le problème qui se pose. 

Du problème à la problématique

Avant de pouvoir choisir une technique d’enquête, de formuler une hypothèse, le chercheur doit avoir perçu en amont un «problème» à étudier par sa recherche. C’est une étape essentielle du processus de la découverte scientifique. On ne peut en faire fi si l’on ne veut pas naviguer à l’aveuglette. Cet aspect de la recherche ne saurait se réduire à l’habitude de faire des lectures en vue de se livrer à quelques réflexions ou même de faire le point sur un sujet (revue de la littérature) et de poser des questions. Il s’agit d’une opération qui vise à identifier l’ensemble des éléments qui posent problème, à expliciter les dimensions du problème, la nature du problème, tout ce qui révèle qu’ « il y a problème en la demeure ». Il s’agit de toute une construction de « ce qui pose problème », d’une problématisation. La problématisation d’une question (au sens de sujet à traiter) peut être fécondée par les lectures faites, et par la revue de la littérature dûment établie. Mais on n’en déduit pas qu’on ne saurait élaborer une problématique sans avoir au préalable cerné «ce qui fait problème» dans la littérature portant sur ce sujet, comme le prétendent Lawrence Olivier et al. (2005). En effet, le contenu de cette revue, la manière d’interroger les ouvrages, les pensées et les théories peuvent dépendre du problème identifié. Il n’y a pas lieu de faire occuper de manière péremptoire une place primordiale à la revue de la littérature dans le processus d’élaboration d’une problématique. La problématique relève de la conception, de la conceptualisation, du traitement théorique de l’objet d’étude et précisément du problème de recherche.  Définition et présentation de la problématique : un fil d’Ariane pour sortir des ambiguïtés et confusions Selon François Dépelteau (2011 : 128), la problématique est le temps des conjectures qui prépare au test empirique (de corroboration ou de réfutation des hypothèses). Ce chapitre est dans cette logique. Il reste que dans le contenu développé de la problématique, l’auteur réduit celle-ci à la construction du cadre théorique à partir duquel le chercheur propose une hypothèse et à l’opérationnalisation du cadre théorique. Pour rendre ses concepts opérationnels, le chercheur n’a-t-il pas besoin de déterminer et de définir leurs dimensions, leurs composantes et leurs indicateurs, et si nécessaire, leurs indices ? L’auteur s’inspire de Luc Van Campenhoudt et de Raymond Quivy (2011 : 81-138). Toutefois, ceux-ci séparent la construction de la problématique de la construction du modèle d’analyse. Ils traitent « le concept comme outil de problématisation » (idem : 90). Pour eux, une manière efficace de définir la problématique ne consiste-t-elle pas à préciser le ou les concepts clés qui pourraient orienter le travail (interaction, zone  d’incertitude, système, champ, réseau d’acteurs sociaux, fonction, action collective) ? Ils écrivent : « La problématique est l’approche ou la perspective théorique qu’on décide d’adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est l’angle sous lequel les phénomènes vont être étudiés, la manière dont on va les interroger. » Quant au modèle d’analyse (qui aurait pu correspondre à ce que d’autres auteurs nomment : « le cadre de référence », « le champ théorique », « l’approche théorique particulière » sous-tendant la recherche à entreprendre), il consiste d’une part en la construction des concepts pour en déterminer les dimensions, les composantes et les indicateurs, et d’autre part en la construction des hypothèses, donc à l’opérationnalisation des pistes théoriques dégagées dans la problématique. Les lecteurs et les utilisateurs du Manuel de recherche en sciences sociales des deux auteurs ont fait état à plusieurs reprises de leurs difficultés pratiques et de compréhension. Dans l’avant-propos de la troisième édition revue et augmentée, les auteurs expliquent qu’ils ont apporté « davantage d’exemples plus diversifiés, un ensemble de repères théoriques et conceptuels présentés dans un souci d’utilisation pratique et des indications plus précises sur le sens [de la problématique] ». Mais … Peut-être le problème gît-il au fond de la conception même de la problématique et dans la démarche pour la construire. Celle-ci paraît pour le moins compliquée. Difficile, elle n’est pas à la portée du premier doctorant ou chercheur à ses débuts. Il n’est pas sûr que n’importe quel enseignant universitaire l’assimile d’un coup et devienne capable d’en faire un usage sans peiner et sans risquer de faire des confusions. Comment procèdent Campenhoudt et Quivy tout comme Dépelteau, Gordon Mace et François Pétry (2011), Luc Bonneville et al. (2007) ? Ils ignorent totalement la revue de la littérature en tant que telle et ne s’approprient les données recueillies de la recherche documentaire que pour construire tout uniment la problématique et le cadre théorique associés. Et pour l’élaboration d’une stratégie de recherche, ils engagent le processus général d’opérationnalisation, avec formulation d’une hypothèse, identification et définition des concepts, identification des dimensions, identification des indicateurs. Comment Mace et Pétry (idem : 22-34) qui s’inspirent eux aussi du texte de Jacques Chevrier, « La spécification de la problématique », dans Benoît Gauthier (1993 : 49-78) conçoivent-ils la formulation du problème de recherche ? Ils circonscrivent un problème général de recherche en cernant les éléments et les dimensions du problème, donc en identifiant les concepts utiles, puis en énonçant la question générale de recherche et en choisissant le thème particulier de recherche. Ensuite, ils déterminent le problème spécifique de recherche et donc l’approche théorique particulière qui soustend la recherche à entreprendre et énoncent la question spécifique de recherche qui donne son sens au futur travail. 

Justifications du choix du sujet 

Motivation et intérêt pour le sujet 

Comme dans toute bonne introduction de dissertation classique, il faut amener le sujet, l’introduire, c’est-à-dire indiquer d’où il sort ou d’où on le sort, comment on en est venu à le choisir parmi tant d’autres du domaine de recherche. Le chercheur évoque les motivations qui ont suscité son intérêt pour ce sujet. C’est important. Car une recherche entreprise sans motivation peut devenir pénible et être vouée à la stagnation. Par cette étude, le chercheur peut viser au fond à se rendre plus compétent, plus efficace et utile dans sa profession, à mieux comprendre une situation où il est impliqué. Mais il devra passer de « son » intérêt pour ce sujet à l’intérêt « du » sujet, à l’intérêt objectif de ce sujet, par rapport à la science et aux retombées sociales. 

Pertinence scientifique du sujet

 Le chercheur exprime la pertinence scientifique du sujet, sa portée scientifique, en indiquant en quoi ce sujet s’inscrit dans les préoccupations scientifiques d’autres chercheurs ou simplement a fait l’objet de travaux, de thèses ou de mémoires de devanciers. Cela revient à souligner l’intérêt des chercheurs pour ce thème (nombre de publications, de livres, d’articles, de conférences…). Sans commencer ici la revue de la littérature, il a recours simplement à quelques auteurs et ouvrages concurrents ou appartenant au même univers de référence : il en souligne les approches et les apports ; il situe son étude par rapport à eux, en indique la spécificité et sa contribution particulière à l’avancement des connaissances, surtout sous l’angle qu’il l’aborde.

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *