La taxation par transparence

Aspects généraux

Ce premier chapitre décrit le régime général de l’article 29 du CIR 1992 et de la taxe Caïman. Certes, nous n’allons pas exposer longuement ces deux mécanismes fiscaux. Cependant, nous voulons simplement fixer le cadre général du TFE. Cela nous permettra de développer dans les chapitres suivants les mécanismes de recouvrement qui concernent les taxations par transparence. La taxation par transparence est une fiction juridique. Concrètement, l’objectif est de taxer un revenu d’une construction juridique non pas dans le chef de la construction juridique, mais dans le chef de ses associés ou fondateurs ou encore dans le chef de tiers bénéficiaires . Le régime de la taxation de la personne in fine taxée varie selon le type de taxation par transparence .

La taxation des associations et sociétés sans personnalité juridique 

Cette section est consacrée à la plus ancienne taxe par transparence, celle des sociétés sans personnalité juridique. Le principe est assez simple. Le revenu produit dans le cadre de la société sans personnalité juridique va être attribué directement aux associés de la société. Le siège de la matière se trouve dans les articles 29 et 364 du CIR 1992. L’article 29 reprenait avant l’introduction du Code des Sociétés et des Associations (CSA) plusieurs constructions juridiques qui étaient ou qui pouvaient être taxées avec le régime de transparence fiscale . « §1er. Dans les sociétés civiles ou associations sans personnalité juridique qui recueillent des bénéfices ou des profits, les prélèvements des associés ou membres et leurs parts dans les bénéfices ou profits distribués ou non distribués, sont considérés comme des bénéfices ou profits desdits associés ou membres. §2. Pour l’application du §1er, sont censées être des associations sans personnalité juridique : 1° Les sociétés commerciales irrégulièrement constituées ;

2° Les sociétés agricoles, à l’exception de celles qui ont opté pour l’assujettissement à l’impôt des sociétés ; le Roi fixe les conditions auxquelles sont subordonnées l’option et son maintien ; 3° Les groupements européens d’intérêt économique 4° Les groupements d’intérêt économique 5° Les associations des copropriétaires qui possèdent la personnalité juridique en vertu de l’article 577-5, §1er , du Code civil. ».

L’article 29 du CIR 1992 réunit cinq idées, reprises ainsi : Le premier paragraphe prevoyait le régime de taxation des sociétés civiles ou des associations sans personnalité juridique. Pour être soumises à ce régime, elles devaient recueillir des bénéfices ou des profits ; Le deuxième paragraphe commence avec les sociétés commerciales irrégulièrement constituées ; Les associés des sociétés agricoles peuvent être taxés par transparence. Les associés de la société agricole avaient le choix d’être soumis soit à l’ISOC pour la société agricole soit à l’IPP au travers de la taxation par transparence ; Les groupements d’intérêt économique (GIE) sont aussi visés dans le cadre de la taxation par transparence. La législation européenne place les groupements européens d’intérêt économique (GEIE) sous le régime de transparence fiscale ; Enfin, il y avait les associations de copropriétaire qui ont la personnalité juridique en vertu de l’article 577-5 du Code civil. A la suite de l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations, l’article 29 a subi quelques modifications : « §1er. Dans les sociétés civiles ou associations sans personnalité juridique, autres que celles visées à l’article 2, §1er, 5°, a, alinéa 1er, deuxième tiret (du CIR 1992) qui recueillent des bénéfices ou des profits, les prélèvements des associés ou membres et leurs parts dans les bénéfices ou profits distribués ou non distribués, sont considérés comme des bénéfices ou profits desdits associés ou membres. §2. Pour l’application du §1er, sont censées être des associations sans personnalité juridique : 2° Les sociétés agréées comme entreprise agricole visées à l’article 8:2 du Code des sociétés et des associations, et qui ont la forme d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite, à l’exception de celles qui ont opté pour l’assujettissement à l’impôt des sociétés ; le Roi fixe les conditions auxquelles sont subordonnées l’option et son maintien ; 3° Les groupements européens d’intérêt économique .

4° Les sociétés en nom collectif issues de la transformation d’un groupement d’intérêt économique en application de l’article 41 du Code des sociétés et des associations, à condition que les activités de la société en nom collectif aient exclusivement pour but de faciliter ou de développer l’activité économique de ces associés, d’améliorer ou d’accroitre les résultats de cette activité ; en outre, l’activité de la société en nom collectif doit se rattacher à l’activité économique de ses associés et avoir un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci ; 5° Les associations des copropriétaires qui possèdent la personnalité juridique en vertu de l’article 577-5, §1er, du Code civil. » .

Tout d’abord, les sociétés commerciales irrégulièrement constituées sont purement et simplement supprimées. Nous n’analyserons pas le régime du recouvrement de ces sociétés dans ce travail car les sociétés commerciales irrégulièrement constituées n’existent plus. Les sociétés agricoles sont, quant à elles, remplacées par un agrément « d’entreprise agricole » . Malgré la modification, les associés gardent toujours la possibilité d’opter soit pour la taxation par transparence avec l’IPP soit pour la taxation à l’ISOC pour la société. Les GIE peuvent se transformer en Société en Nom Collectif (SNC) et conserver le régime de taxation par transparence. L’article 29 CIR 1992 impose deux conditions. L’activité de la SNC doit exclusivement avoir pour but de faciliter ou développer les activités économiques des associés. Cette activité doit être rattachée à l’activité économique de ses associés et avoir un caractère auxiliaire à celle-ci. Le GEIE garde la transparence fiscale sur base de la réglementation européenne. Enfin, il ne reste plus que la société simple comme société sans personnalité juridique. Le reste de l’article demeure inchangé.

L’article 29 CIR 1992 se trouve dans la section des revenus professionnels. Il ne s’applique donc qu’aux bénéfices et aux profits. Cet article ne s’applique pas aux associations de fait ou aux sociétés simples qui produisent des revenus mobiliers, immobiliers ou divers. Quand une société sans personnalité juridique a dans son patrimoine un immeuble, les associés sont considérés comme en indivision. Chacun assume une partie de la fiscalité immobilière à proportion de ses parts dans la société sans personnalité juridique. Si l’immeuble est utilisé à des fins professionnelles, il entre dans le cadre de l’article 29 du CIR 1992.

Pour les revenus mobiliers et divers, nous n’avons pas trouvé de sources qui mentionnaient l’existence d’une taxation par transparence. Cependant, nous allons fonder notre raisonnement sur un jugement du tribunal de première instance de Bruges. Ce jugement intervient dans le cadre d’un conflit autour d’une taxe communale . La commune avait imposé une société momentanée comme un contribuable à part entière. Le TPI a estimé que comme la société momentanée n’avait pas la personnalité juridique, la commune ne pouvait pas la considérer comme un contribuable. La commune aurait dû taxer les associés de la société momentanée directement. Cette décision rejoint les définitions présentes dans le CIR 1992. L’article 2 du CIR 1992 définit, en effet, une société comme une construction juridique avec une personnalité juridique. Les sociétés sans personnalité juridique ne sont pas des sociétés. Elles ne peuvent donc pas être des contribuables. L’article 29 du CIR 1992 n’est que la  manifestation légale de cette logique. Les revenus mobiliers, immobiliers et divers sont aussi taxés par transparence.

La taxe Caïman

La deuxième taxation de notre exposé est la taxe Caïman. Cette taxe a été introduite à l’article 5/1 et l’article 220/1 du CIR 1992 en 2015  par le gouvernement Michel I. Elle a pour but de taxer des revenus produits par des constructions juridiques à l’étranger. Les revenus sont taxés dans le chef du contribuable belge qui détient des parts dans la construction juridique, comme si c’était directement les siens . Elle vise en particulier à taxer des revenus qui pourraient échapper au fisc belge. C’est une taxation par transparence parce que le mécanisme passe outre l’existence de la construction juridique pour établir l’impôt .

La plupart des définitions que nous exposerons dans cette section ont été inscrites dans le CIR 1992 par une loi de 2013 . Cette loi est antérieure à l’introduction de la taxe Caïman dans le CIR 1992. Elle a créé l’obligation de déclaration des constructions juridiques présentes à l’étranger et a naturellement servi de base pour la mise en place en 2015 de la taxe Caïman.

Le CIR 1992 évoque deux types de constructions juridiques dans son article 2, § 1, 13°. Nous avons :
1) D’une part, le placement des biens et des droits par un acte fondateur ou une décision de justice sous la responsabilité d’un administrateur dans un but déterminé. Cela implique autant des constructions juridiques avec ou sans personnalité juridique. C’est par exemple, le cas de l’Anstalt ou la Stiftung au Liechstestein  .
2) D’autre part, les constructions juridiques qui disposent de la personnalité juridique et qui subissent un impôt de moins de 15 % déterminés sur la base imposable de l’impôt des sociétés belges .

Les constructions juridiques établies dans l’espace économique européen ne sont toutefois pas considérées comme des constructions juridiques au sens de l’article 2, §1, 13°. En revanche, certaines peuvent être considérées comme telles si elles sont reprises dans un Arrêté royal . C’est le cas notamment des SICAV- FIS luxembourgeoises .

Les fondateurs sont repris dans l’article 2 §1 14° du CIR 1992. Un fondateur est soit une personne physique soumise à l’impôt des personnes physiques soit une personne morale soumise à l’impôt des personnes morales prévu à l’article 220 du CIR 1992. Il y a cinq cas de figures où nous sommes en présence d’un fondateur de construction juridique :
1) celui qui a constitué la construction juridique en dehors de son activité professionnelle.
2) celui qui a apporté des biens ou des droits en dehors de son activité professionnelle.
3) celui qui hérite ou qui héritera des personnes susmentionnées dans les cas un et deux.
4) celui qui détient des droits économiques sur les biens ou des droits juridiques sur des actions ou parts dans une construction juridique du deuxième type.
5) celui qui a conclu un contrat prévu à l’article 2, §1, 13°, c et pour lequel une ou des primes afférentes à ce contrat sont acquittées .

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : La taxation par transparence
Section 1 : Aspects généraux
Section 2 : La taxation des associations et sociétés sans personnalité juridique
Section 3 : La taxe Caïman
Chapitre 2 : L’ancien régime du Code des impôts sur les revenus de 1992
Introduction
Section 1 : Les dispositions transitoires de la loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales du 13 avril 2019
Section 2 : L’application générale du recouvrement aux taxations par transparence
Section 3 : Article 393 CIR 1992
Sous-section 1 : Commentaire général
Sous-section 2 : Son application pour la taxe Caïman
Sous-section 3 : Son application pour les sociétés sans personnalité juridique
Sous-section 4 : Les conséquences de l’article 393 §2 CIR 1992
Section 4 : Article 399 CIR 1992
Section 5 : Le régime des entrepreneurs non enregistrés
Chapitre 3 : Le Code du recouvrement
Section 1 : Le nouveau Code du recouvrement
Section 2 : L’application du Code aux taxations par transparence
Section 3 : La codébition
Sous-section 1 : La définition du codébiteur
Sous-section 2 : Le droit commun
Sous-section 3 : L’article 11, al. 2, du Code du recouvrement
Sous-section 4 : Le recouvrement fiscal sur le codébiteur
Chapitre 4 : La taxation des sociétés sans personnalité juridique et le Code du recouvrement.
Section 1 : Le recouvrement sur les sociétés sans personnalité juridique
Section 2 : Les solidarités présentes dans le Code des Sociétés et des Associations (CSA)33
Sous-section 1 : La société simple
Sous-section 2 : L’entreprise agricole et les anciens GIE
Section 3 : Le régime de la responsabilité solidaire des dettes dues par un entrepreneur non enregistré
Section 4 : Les autres solidarités
Chapitre 5 : La Taxe Caïman et le nouveau Code du recouvrement
Section 1 : La notion de personne
Section 2 : La codébition et la Taxe Caïman
Chapitre 6 : Quelles perspectives pour le recouvrement des taxations par transparence ?
Section 1 : La codébition
Section 2 : La notion de personne dans le Code du recouvrement
Conclusion

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