Le discours social sur l’inclusion et la participation sociale en France

Le discours social sur l’inclusion et la participation sociale en France 

Les notions d’inclusion et de participation sociale sont souvent utilisées comme des expressions similaires dans le langage courant mais également dans des textes. Pourtant, si l’inclusion sociale et la participation sociale sont indissociables, elles représentent deux éléments singuliers. En effet, l’inclusion sociale est le fait de rendre l’ environnement social et physique plus accessible, on peut alors parler de société inclusive. La participation sociale s’apprécie en fonction de l’interaction entre les caractéristiques d’une personne et la qualité d’accès de son environnement (Fougeyrollas et al., 2018). En France, le terme d’inclusion sociale est plus souvent utilisé pour parler en fait de participation sociale.

Depuis une trentaine d’années, l’inclusion et la participation sociale (Gardou, 2012, 2017) des personnes présentant une DI sont au cœur des préoccupations politiques et des discours sociaux internationaux (Lachapelle et Boisvert, 1999 ; Ravaud, 20 Il), comme le montre la convention des Nations Unies (2006) relative aux droits des personnes en situation de handicap. En France, c’est la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du Il février 2005 qui a placé « la question du handicap au cœur des préoccupations contemporaines» (Robin, 2018, p. 7). Cette loi répond à la demande de plus en plus prégnante des personnes concernées, notamment à travers des regroupements auto-représentatifs tels que l’association Nous Aussi, d’ être consultées et prises en compte dans les décisions politiques et sociales pouvant les impacter. Cette loi vise une meilleure inclusion et participation sociale des personnes en situation de handicap, c’est à dire de faire en sorte que toute personne puisse être activement partie prenante de la société à laquelle elle appartient, que ce soit par le travail, à travers des activités de loisir, ou encore par l’accès aux transports en commun (Brouard et Roussel, 2004). D’ailleurs, dans son rapport, Zéro sans solution, Piveteau et al. (2014) estime que c’est« dans le milieu le moins spécialisé possible que tout projet de vie a, sur le long terme, vocation à s’inscrire» (p. 67). Il affirme que pour cela, il faut « beaucoup progresser sur les conditions de participation des personnes en situation de handicap» (p. 69). La loi répond également à un besoin d’égalité et de justice des personnes en situation de handicap qui demandent à être reconnues comme citoyens et citoyennes à part entière (Nous Aussi, 2016). Ces enjeux se retrouvent entre autres autour du droit de vote et du droit au mariage qui sont en voie d’ être accordés, comme l’a annoncé Sophie Cluze l, secrétaire d’État chargée des Personnes Handicapées, en 2018. En effet sous couvert de tutelle ou de curatelle, certaines personnes ayant des déficiences n’ont pas accès à des droits fondamentaux tels que le droit de vote, ce qui constitue une importante  restriction de la participation, de l’inclusion sociale et du respect des droits et libertés des personnes.

La convention des Nations Unies (2006) et la loi française (2005) promeuvent donc l’inclusion et la participation sociale des personnes en situation de handicap et leur reconnaissent le droit de vivre dans la société, avec les mêmes droits et la même liberté que tous. Pour répondre à cet impératif la société tente de s’organiser autour et avec les personnes concernées de façon à être en cohérence avec les politiques sociales et les attentes individuelles et collectives. Ainsi, selon le ministère de l’emploi et de la solidarité (Colin et Kerjosse, 2001), les services offerts aux personnes en situation de handicap doivent «favoriser l’autonomie de ces personnes, en réduisant les obstacles à leur insertion» (p. 72). Piveteau (2014) confirme que le service public doit accompagner la personne en situation de handicap à «élever le niveau de choix, d’influence et de contrôle» (p. 24) qu’elle peut avoir sur sa vie et que cet accompagnement doit viser « à confirmer la personne dans sa place agissante » (p.39). En effet, favoriser l’inclusion et la participation sociale des personnes en situation de handicap ne serait pas cohérent sans la collaboration active des personnes concernées. Comme l’a expliqué Cluzel lors d’un discours en 2017 : « les personnes sont expertes de leur situation et c’est cette expertise sur laquelle nous devons tous nous appuyer pour construire des solutions (… ) l’autodétermination est un enjeu central du développement de l’autonomie des personnes en situation de handicap» (Cluzel, 2017, 57ème édition congrès Unapei). Pourtant, bien que l’expertise des personnes en situation de handicap soit indispensable lorsqu’il s’agit de favoriser leur inclusion et leur participation sociale, dans les faits, le chemin est encore long et les revendications ne trouvent pas toujours de réponse gouvernementale.

Enfin, l’ autodétermination et la participation sociale sont essentiellement liées. En effet, l’ autodétermination est un des leviers pour faciliter l’inclusion et la participation sociale des personnes présentant une DI (Soresi, Nota et Wehmeyer, 2011) et réciproquement l’inclusion et la participation sociale favorisent le développement de l’autodétermination (Walker et al. 2011).

L’autodétermination des personnes présentant une déficience intellectuelle 

L’autodétermination réfère à la gouvernance de sa vie sans influence externe indue (Wehmeyer, 1999), c’est à dire à la capacité d’être maître d’œuvre de sa vie. L’autodétermination est « l’ensemble des habiletés et attitudes requises chez une personne lui permettant d’agir directement sur sa vie en effectuant librement des choix non influencés par des agents externes indus» (Wehmeyer, 1996, traduit par Lachapelle et Wehmeyer, 2003, p. 208). Exprimer ses préférences, prendre des décisions ou revendiquer ses droits sont des exemples de manifestations de l’autodétermination d’ une personne. Avec l’apprentissage et les expériences, la personne présentant une DI développe son autodétermination. Cet apprentissage est principalement accompagné par des professionnels de l’éducation tels que des éducateurs spécialisés. En effet, plus une personne a l’occasion de décider pour elle-même, plus elle sera en mesure de trouver sa place dans la société à laquelle elle appartient. De la même façon, plus la société s’ouvre et se rend accessible aux personnes en situation de handicap, plus celles-ci auront l’occasion de développer leur autodétermination. Le développement de l’autodétermination des personnes présentant une DI est important (Wehmeyer et Abery, 2013), notamment en raison de ses liens positifs sur les autres dimensions de la qualité de vie (Schalock, 2000 ; Lachapelle et al., 2005). Il s’agit du bien-être émotionnel (Arias, Ovejero et Morentin, 2009), de la confiance en soi (Wehmeyer, 1996), de l’inclusion et de la participation sociale (Walker et al., 2011), du taux d’emploi et des revenus (Wehmeyer et Palmer, 2003).

L’accompagnement des personnes présentant une déficience intellectuelle en France 

En France, les personnes présentant une DI sont le plus souvent accompagnées au sein de structures associatives. Dans les années 40′, les parents d’enfants en situation de handicap militent pour trouver des solutions d’hébergement et d’ accompagnement pour leurs enfants. À cette époque, la prise en charge des enfants et adultes ayant des « capacités différentes» (F ougeyrollas et al., 2018) est sous la responsabilité des parents puisqu’il n’y a pratiquement aucun établissement spécialisé. Quelques hôpitaux, asiles ou institutions religieuses admettent des personnes ayant des déficiences mais sans proposer d’éducation alors que l’Éducation Nationale n’ accueille que très peu les enfants en difficulté (Castel, 1995). Les familles avec un enfant en situation de handicap se sentent en décalage avec le reste de la société car « le handicap, mal perçu, est caché » (Minet, 2017, p. 102). Les représentations négatives du handicap sont communes, ce qui pousse les familles concernées à se retirer des villes, à rester discrètes et à se regrouper entre elles.

Puis le contexte économique des Trente Glorieuses (entre 1946 et 1975), (Fourastier, 1979) permet d’accéder à une meilleure vie et une volonté sociale qui favorisent la création d’associations adaptées (Ville, Fillon et Ravaud, 2014). Les parents endossent alors un rôle de parents responsables dont la mission est d’offrir un meilleur confort de vie à leurs enfants, ils créent les premières associations parentales (Paumier, Lagisquet et Philibert, 2009).

À la [m des années 50 naissent les premières associations parentales qui ont pour but de fournir aux enfants un accompagnement éducatif adapté à leurs besoins et un cadre de vie satisfaisant. Certaines associations se sont rapidement multipliées sur le territoire national et se sont rassemblées en Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei). L’Unapei a été créée en 1956, suite aux changements législatifs d’ après-guerre qui, selon Juhel (2012), ont permis de mettre en place des interventions psychopédagogiques et médico-sociales. À l’origine, ces associations étaient des lieux d’accueil et d’information pour les nouveaux parents d’enfants présentant une DI. Ces lieux ont aidé les parents à se construire une identité de parents d’enfants en situation de handicap (Minet, 2017; Gardou, 2012). Ils ont également eu un rôle important dans la prise en charge des personnes, ils ont souvent suppléé les carences des administrations, et de nombreuses associations gestionnaires d’établissements ont eu un rôle de pionnier (Cour des comptes, 2003). Aujourd’hui, l’Unapei regroupe 550 associations appartenant au secteur médico-social partout en France.

Le secteur médico-social est un ensemble complexe offrant un accompagnement à des personnes en situation de précarité, d’ exclusion, de handicap ou de dépendance (Osorio-Montoya, Trilling, Monteiro, ViaBon et Albert, 2014). L’Unapei et ses associations font partie de cet ensemble médico-social. Ce secteur est organisé par quatre textes législatifs qui sont la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médicosociales, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, la loi du Il février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et la loi du 21 juillet 2009 portant la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (Agence Nationale d’ appuis à la Performance, ANAP, 2013). Le secteur médico-social français est caractérisé par une grande diversité. En effet, sur le territoire national il existe 36 000 établissements dont 8 200 sont des établissements d’ accueil (Osorio-Montoya et al., 2014). Ils ont différents statuts juridiques (établissements publics, établissements privés sans but lucratif et établissements privés à but lucratif) et proposent des accompagnements variés (séjour en ambulatoire ou en milieu ouvert, établissement de travail, résidence). Selon les données les plus récentes, toutes situations de handicap confondues, ces établissements offrent près de 450000 places, pour une dépense globale publique (État, Conseils généraux, assurance maladie) de 16 milliards d’euros par an (Vachey, Jeannet, Auburtin, Varnier et Gazagne, 2012) .

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 Problématique et contexte
La problématique de recherche
Préambule
Le discours social sur l’inclusion et la participation sociale en France
L’autodétermination des personnes présentant une déficience intellectuelle
L’accompagnement des personnes présentant une déficience intellectuelle en
France
Les acteurs de l’accompagnement de personnes présentant une déficience
intellectuelle
Les enjeux du travail d’accompagnement
Mon expérience du cadre institutionnel français relative à la déficience
intellectuelle
Cadre de référence de la recherche
La déficience intellectuelle
De l’exclusion à la participation sociale des personnes
Évolution des pratiques d’accompagnement des personnes
Les concepts actuels liés à la DI
L’autodétermination
La théorie de l’autodétermination
Le modèle écologique de l’autodétermination
Le modèle fonctionnel de l’autodétermination
Le modèle socioécologique du développement de l’autodétermination
L’autodétermination des personnes présentant une DI
Chapitre 2 Cadre théorique
L’ethnographie institutionnelle comme cadre
Préambule
L’organisation sociale de la connaissance
Repères théoriques
Les outils conceptuels
L’ethnographie institutionnelle comme méthode
Une approche critique et subjective
La rigueur de la méthode
Chapitre 3 Méthode
Choix méthodologiques
Discussion d’orientation
Terrains de recherche
Stratégie de recrutement
Les participants à la recherche
Collecte et analyses de données
Collecte de données
Analyses de données
Analyse de contenu
Analyse selon l’El
Chapitre 4 Résultats
Partie 1 : perceptions et pratiques d’intervention
Les perceptions de l’autodétermination
Les pratiques d’intervention visant à promouvoir l’autodétermination
Partie 2: organisation sociale des pratiques d’intervention
Les discours qui façonnent les pratiques d’intervention
Les textes qui guident les pratiques d’intervention
Partie 3 : Description des relations sociales de régulation
Chapitre 5 Discussion et conclusion
Discussion
Cartographie de l’organisation sociale concernant l’autodétermination
Pistes d’action
Piste1: les modèles d’intervention et les outils cliniques
Piste 2 : la gestion du risque
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *