Influences psycho-sociales ses effets sur les difficultés scolaires

Comme annoncé supra, je pars de l’idée que le Travail Social en milieu scolaire ne peut trouver une place légitime et comprise que s’il connaît son environnement dans lequel il s’insère, ainsi que les processus qui s’y opèrent. Il me semble que cela est une condition nécessaire à la poursuite d’une mission commune, où tous participent à sa mise en œuvre en favorisant l’adéquation de compétences diverses.

Une bonne connaissance du système scolaire implique donc de s’intéresser à ses fonctions, ses mécanismes internes, son organisation hiérarchique, ses valeurs institutionnelles et ses évolutions historiques. Cet impératif de connaître s’avère par ailleurs tout autant nécessaire pour la pédagogie scolaire envers le TSMS. En faisant indirectement référence à cette obligation, le Département de l’instruction publique bernoise précise que « la réussite du travail social en milieu scolaire requiert en tout cas une collaboration étroite entre les milieux du travail social et ceux de l’école ». (DIP-BE, 2008) .

Il est donc nécessaire de poursuivre ce chapitre par une présentation de ce qu’est l’École aujourd’hui. Pour cela, je vais introduire partiellement ce concept, en m’appuyant sur les réflexions d’Ivan Illich (1971), co-fondateur du Centre Interculturel de Documentation (CIDOC) de Cuernavaca (Mexique), sur la complexité et la variété de forme qu’une telle Institution peut prendre. Viendra ensuite une présentation des fonctions de l’École et de ses effets à l’égard des parcours scolaires. Finalement, je souhaite présenter et décrire l’évolution de certains idéaux, comme celui de l’égalité des chances, et de leur impact sur l’organisation scolaire.

Pour introduire un concept de l’École très critique, j’emprunte ici quelques phrases à l’auteur précité. Dans l’introduction au chapitre phénoménologie de l’école, de son ouvrage Une société sans école (Illich, 1971), l’auteur démontre la variété des définitions que peut revêtir ce concept. Variétés qui ont notamment été imprégnées par leurs évolutions historiques.

« Certains mots finissent par perdre toute signification précise. Ils sont si souples que l’on peut les plier à n’importe quel usage. « Ecole » et « enseignement » en sont de bons exemples. […] Enfin, il nous serait possible de rassembler les différentes définitions données depuis l’époque de Comenius, ou même depuis Quintilien, et de chercher à savoir laquelle correspond le mieux à notre conception moderne […] Je verrai donc l’école comme un lieu où l’on rassemble des êtres humains d’un âge donné autour d’enseignants. Ils y sont soumis à une présence obligatoire et à la nécessité de suivre certains programmes… ». (Illich, 1971, p. 53)

Relevons que ces quelques lignes s’insèrent dans un ouvrage portant un regard très critique sur l’École et sur son impact sur la société toute entière. Néanmoins, cet extrait permet de mettre en évidence la nécessité d’une précision de ce qu’elle signifie, même quarante-cinq ans après.

Un autre exemple, qui démontre la multitude de concepts attribuables à l’École, se trouve chez Mathias Drilling (2009), professeur à la Haute École spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse. Pour ce dernier, il s’agit d’abord de distinguer ce que chaque type d’école (RudolfSteiner, Montessori, et autres) promeut en termes de fonction sociétale et comment elle parvient à la mettre en pratique. Ainsi, l’École ne possède pas un, mais plusieurs concepts, chacun étant imprégné en partie par le contexte dans lequel elle est amenée à se développer.

Après l’introduction de quelques bases conceptuelles, j’aborde ici les fonctions principales qui sont aujourd’hui attribuées au système scolaire. Ainsi, selon Dubet et Martucelli (1996, cité par Crahay 2012, p.24), on peut attribuer à l’École trois fonctions principales, dont celles :

➤ De former. Elle vise le développement de la personne. « Elle est liée au projet de construction d’une personne qui […] s’autodétermine et s’autorégule ». (Dubet & Martucelli, 1996, cité par Crahay, 2012, p. 24). C’est un processus avant tout individuel et autonome. C’est un « chemin » par lequel les individus cherchent à connaître « qui ils sont ». (Mollenhauer, 1998, cité par Spies & Pötter, 2011, p. 38)

➤ De socialiser. Elle doit permettre aux élèves de pouvoir « intégrer des normes, des habitus, des connaissances […] que privilégie le groupe social dans lequel ils sont appelés à s’intégrer ». (Dubet & Martucelli, 1996, cité par Crahay, 2012, p. 24)

➤ De sélectionner. C’est-à-dire de distribuer des compétences et des savoir-faire spécifiques. « L’école répartit des « biens » ayant une valeur sur le marché professionnel et la hiérarchie des positions sociales ». (Dubet & Martucelli, 1996, cité par Crahay, 2012, p. 24). La sélection s’opère par les perfomances scolaires qui déterminent la fillière à laquelle ils pourront accéder, par exemple.

Les deux premières fonctions, celles liées à l’instruction et à l’éducation, constituent essentiellement les fondements de l’enseignement scolaire du niveau primaire jusqu’au niveau secondaire. À partir de là, s’opèrent essentiellement la spécialisation et la formation à des aptitudes spécifiques en vue d’une profession définie (par la séparation en filières, par exemple). En Suisse romande, la fonction de distribution s’installe progressivement dès l’actuelle 9ème année HarmoS, début du secondaire I. En France, comme dans certains pays scandinaves, les fonctions d’éducation et de socialisation se perpétuent quant à elles jusqu’à l’âge de 15 – 16 ans (Crahay, 2012, p. 28).

On retrouve une distinction similaire chez Drilling (2009), qui reprend les fonctions de l’École telles que proposées par Helmut Fend (1974). La transmission de savoirs et de compétences correspond à la fonction de qualification. Elle vise la préparation à l’exercice d’un futur métier et à la vie sociale. Les qualifications acquises – écrire et compter – sont déterminantes pour la position occupée au sein du système professionnel (Drilling, 2009, p. 26). Ensuite, la fonction d’intégration fait référence aux normes et aux valeurs à adopter par un individu. La dernière fonction, celle de sélection, fait référence à la structure sociale, répartissant par ce biais les positions et les pouvoirs au sein de l’organisation sociale. L’Ecole vise ainsi à répartir les qualifications et les positions nécessaires au fonctionnement de la société (Drilling, 2009, pp. 26-27).

Table des matières

1 Introduction
1.1 La question de recherche
1.2 Les objectifs de recherche
1.3 Le terrain de recherche
1.4 Les liens avec le Travail Social
1.5 Motivations personnelles
2 Le cadre conceptuel
2.1 L’École comme institution
2.1.1 De l’égalité des chances à la justice corrective
2.1.2 L’égalité de traitement
2.1.3 L’égalité des acquis
2.1.4 Le système à filière
2.1.5 Introduction au système scolaire bernois
2.1.6 La préparation à la transition T1 : introduction à la préparation au choix professionnel (PCP)
2.2 Emergence du TSMS – en Suisse et ailleurs
2.2.1 En Suisse
2.2.2 À Genève
2.2.3 En Allemagne
2.3 Conditions à la mise en place d’un processus de coopération
2.3.1 Historique d’une nouvelle fonction
2.3.2 La création d’un concept de coopération
2.3.3 Caractéristiques d’un modèle de coopération
2.3.4 Importance de la relation inter-professionnelle : l’exemple zurichois
2.4 Les difficultés scolaires : en champ d’action pour les travailleurs sociaux et travailleuses sociales ?
2.4.1 Une approche systémique par le paradigme de la complexité
2.4.2 L’échec scolaire et évolution des approches
Construction du jugement
2.4.3 Influences psycho-sociales : ses effets sur les difficultés scolaires
2.4.4 États émotifs et difficultés scolaires
2.4.5 Influences de l’habitus et du genre
2.4.6 TREE – étude du Fonds national suisse de recherche
2.5 Objectifs et hypothèses de recherche
3 Démarche(s) méthodologique(s)
3.1 Recueils et analyses de documents
3.2 Recueils et analyses d’entretiens
3.3 Limites de ma démarche méthodologique
4 Conclusion

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