Modélisation des diagrammes d’excitation

Les étoiles B

Résultats de l’analyse des spectres FUSE

La Table 5.1 présente les densités de colonne de chaque niveau d’énergie du H2 observés dans les spectres FUSE des 6 étoiles Be de ce sous-échantillon. Pour toutes ces étoiles, la vitesse radiale du H2 favorise une origine circumstellaire. Dans le cas de HD259431, la vitesse radiale du gaz observé est proche de celle du nuage moléculaire dans lequel l’étoile est enfouie (Finkenzeller & Jankovics 1984). Les diagrammes d’excitation, présentés sur la Figure 5.1, montrent que, pour toutes ces étoiles, le H2 est thermalisé jusqu’à J = 3 avec des températures de l’ordre de 100 K. Lorsque les niveaux d’énergie supérieurs à J = 4 sont observés, leurs densités de colonne correspondent à des températures comprises entre ∼500 et ∼1600 K. Les conditions d’excitation du H2 autour de ces étoiles favorisent donc une interprétation en termes de multi-composantes en température L’excitation du H2 semble être similaire d’une étoile à l’autre, ce qui suggère une structure commune aux environnements circumstellaires de ces étoiles. Sachant que les valeurs des v sin i sont très différentes d’une étoile à l’autre, les six étoiles sont vraisemblablement vues sous des angles d’inclinaison différents (angle de l’axe de rotation par rapport à la ligne de visée). La seule configuration qui permet d’observer une structure commune quel que soit l’angle d’inclinaison est une géométrie sphérique. Par conséquent, les conditions d’excitation du H2 suggèrent la présence d’une enveloppe sphérique autour des étoiles Be de l’échantillon. A l’heure actuelle, les seuls modèles permettant d’expliquer l’excitation du H2 sont des modèles de régions de photodissociation (PDRs). Donc afin de mieux comprendre les conditions d’excitation du H2 et contraindre sa localisation par rapport à l’étoile, j’ai utilisé un modèle de PDR stationnaire.

Modélisation des diagrammes d’excitation

Description du modèle de PDR 

J’ai utilisé le modèle de PDR J. Le Bourlot et al. dont je vais faire ici une brève description (pour plus de détails voir Le Petit 2002). Ce programme est en accès libre et peut être trouvé l’adresse suivante : http ://aristote.obspm.fr/MIS/. Ce code permet de modéliser une couche de gaz et de poussière en plans parallèles de densité uniforme, supposés l’état stationnaire. Une grille pas variable permet d’échantillonner le nuage en fonction de la profondeur optique τ , de manière suivre précisément l’évolution des différentes quantités physiques. En chaque point, le code résout : – le transfert de rayonnement, qui est résolu en tenant compte d’une part de l’absorption du champ de rayonnement par les poussières dans le continu, et d’autre part, dans les raies des espèces suffisamment abondantes et absorbant dans l’UV, savoir H, D, H2, HD et CO. – la chimie : ∼100 200 espèces chimiques, ∼1000 4000 réactions, laissées au choix de l’utilisateur. – l’excitation des espèces : le programme calcule les populations des niveaux d’énergie de plusieurs espèces (hors equilibre thermodynamique local), ce qui permet de déterminer leurs émissivités et les taux de refroidissement associés. Trois processus d’excitation sont intégrés dans le code : (i) l’excitation et la désexcitation par transitions radiatives tenant compte du pompage par le fond de rayonnement cosmologique et, pour H2 et HD, du pompage UV ; (ii) l’excitation et la désexcitation collisionnelles; (iii) l’excitation au cours de la formation chimique. – le bilan thermique : qui fait intervenir de nombreux processus dont certains sont particulièrement complexes. Le code prend en compte des effets de chauffage et refroidissement, en supposant que le taux de chauffage est égal au taux de refroidissement. Pour ne citer que quelques exemples, le code tient compte de l’effet photoélectrique sur les grains et sur les PAHs, de la formation de H2 sur les grains, de l’ionisation par les cosmiques, etc… De plus amples informations sur ces processus sont données dans l’article de Black (1987). Il convient de souligner un point particulièrement important, savoir que le code tient compte de l’auto-écrantage du H2 (self-shielding, voir paragraphe 1.4.2, chapitre 1). Les paramètres d’entrée du programme sont : – La valeur de l’extinction visuelle totale du nuage – La densité du nuage – Intensité du champ de rayonnement gauche – Intensité du champ de rayonnement droite – Le type spectral de l’étoile éclairant le nuage – La distance de l’étoile au nuage – La vitesse turbulente (élargissement Doppler) – La température initiale du nuage – Le nombre de niveaux de H2 pris en compte 2 Modélisation des diagrammes d’excitation 79 – Le rapport R = Av / E(B-V) – Le rapport gaz sur poussière (en cm−2 ) – Le rayon minimum des grains – Le rayon maximum des grains Le programme tient compte d’un certain nombre d’autres paramètres d’entrée qui sont généralement fixés par défaut des valeurs estimées pour le milieu interstellaire, par manque de contraintes observationnelles, comme : – Le fichier de chimie qui contient les abondances, la liste des atomes et molécules ainsi que les réactions chimiques prises en compte dans le modèle. – Le flux de rayons cosmiques – L’albedo des poussières – La masse volumique des grains – La pente de la distribution de grains A chaque itération, en chaque point du nuage, les paramètres physiques calculés sont les suivants : – Les abondances relatives des espèces – Les populations des niveaux de structure fine de diverses espèces atomiques comme C, C +, O et Si+, des niveaux rotationnels de HD, CO, CS et HCO+, et des niveaux rovibrationnels des états électroniques X, B et C de H2. – Les taux de chauffage et de refroidissement – Les températures du gaz et des grains – Les probabilités de photodissociation des espèces – Les taux de formation et de destruction de H2, HD, et de CO. A partir des abondances des espèces et des populations des niveaux, les densités de colonne et les émissivités peuvent être calculées, et sont directement confrontables aux observations qu’elles soient en absorption ou en émission. 

Modélisation des diagrammes d’excitation 

J’ai donc modélisé, l’aide du code de PDR, les diagrammes d’excitation du H2 pour les étoiles Be de l’échantillon. La Table 5.2 présente les paramètres d’entrée principaux utilisés dans le modèle pour chaque étoile. Outre la température effective de l’étoile et l’extinction qui sont connues, il faut supposer une densité totale de gaz et une distance entre le gaz et l’étoile. N’ayant que peu d’information sur la taille des grains présents dans l’environnement des étoiles de ce sous-échantillon, j’ai utilisé dans le modèle une taille de grains de poussière comprise entre 3.5×10−7 et 3×10−5 m, ce qui couvre la majorité des grains présents dans les nuages interstellaires. Cependant, j’ai du, ˆ dans certains cas, éliminer les plus petits grains pour expliquer les densités de colonne de H2 observées. En effet, en utilisant des grains de taille supérieure au micron, le chauffage devient moins efficace puisqu’on limite l’effet photo-électrique, et le taux de formation de H2 est plus faible (Habart et al. 2004a). Les résultats de cette modélisation sont présentés sur la Figure 5.2. La forme générale des diagrammes d’excitation est assez bien reproduite par les modèles, cependant, l’ex- 80 Les étoiles Be Fig. 5.2 – Résultats du modèle de PDRs superposés aux diagrammes d’excitation observés. 5.3 Modèles confrontés aux observations 81 Tab. 5.2 – Paramètres utilisés dans modèle de PDRs pour chacune des étoiles Be. Etoile ´ Distance Densité volumique Rayon mini Rayon maxi gaz/étoile totale de gaz des grains de des grains de (pc) (cm−3 ) poussière (m) poussière (m) HD176386 0.004 1×106 3.50e-07 3.00e-05 HD250550 0.03 2×103 1.00e-06 3.00e-05 HD85567 0.08 7×102 3.50e-07 3.00e-05 HD259431 0.012 3×103 1.00e-06 3.00e-05 HD38087 0.15 1×103 1.00e-06 3.00e-05 HD76534 0.15 3×103 3.50e-07 3.00e-05 citation des niveaux d’énergie les plus élevés ne peut pas être expliquée par un modèle stationnaire. En effet, les niveaux les plus excités sont des traceurs du gaz chaud très dense et très proche de l’étoile. Si le milieu est très dense, la probabilité de rencontre entre trois atomes d’hydrogène n’est plus négligeable (Le Petit 2002). Dans de telles conditions, le processus de formation du H2 n’est plus dominé par la formation sur les grains. L’insertion des réactions trois corps dans le code pourrait permettre d’expliquer ces observations. Par ailleurs, petite distance des étoiles, le champ de rayonnement est très intense, ce qui peut faire intervenir des mécanismes dépendant du temps tels que des chocs, dont on pense qu’ils pourraient modifier les processus de formation/excitation de H2 (e.g. Draine & McKee 1993; Chieze et al. 1998). Or ces mécanismes dépendant du temps ne sont pas pris en compte dans le modèle qui suppose un état stationnaire. Par conséquent, la prise en compte de tels processus physiques dans le code pourrait permettre d’expliquer les densités de colonne relativement élevées de ces niveaux ainsi que leur excitation.

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