Les societes denuees de la personnalite juridique en droit interne

La société dénuée de la personnalité juridique dans un cadre nouveau de droit des sociétés et du droit de l’entreprise

La réforme du droit des sociétés nous incite à retracer en bref l’évolution de la société sans personnalité juridique en Belgique (1), dont il a résulté une forme unique : la société simple (2). Nous allons voir que l’ancienne société irrégulièrement constituée (3) n’acquiert plus obligatoirement la personnalité juridique par la volonté du législateur.

L’évolution de la société sans personnalité juridique belge

Avant la réforme de mai 2019 qui a bouleversé le droit belge des sociétés, dans le cadre des travaux qui ont mené à un avant-projet de loi introduisant le Code des sociétés et associations, les professeurs Van Ommeslaghe et Geens avaient suggéré dans leur rapport de réduire le nombre de sociétés de personnes et d’en retenir une seule : la « maatschap » ou « société simple ».

A l’architecture ancienne, qui continuait à refléter une sorte de primat du droit civil, même si le Code de 2001 fournissait au droit des sociétés un cadre formellement autonome, se substitue un cadre nouveau, que le plan du Code de 2019 reflète avec netteté. Il n’existe plus désormais que deux catégories radicalement distinctes de sociétés : les sociétés de personnes (Livre 4) et les sociétés par actions (Livres 5, 6, 7, 15 et 16), toutes, s’agissant de leur identité en tant que société, ne conservant en commun que trois dispositions relatives aux « apports », au sens propre du droit des sociétés tel que celui se trouve cristallisé dans les articles 1:8, 1:9 et 1:10.

Quant aux sociétés de personnes, elles comprennent désormais la société simple, qui peut, le cas échéant, prendre la forme d’une société « interne » (art. 4:1). La société momentanée ne constitue plus une variété distincte de société (comp. Code 2001, art. 47), encore qu’il demeure évidemment possible de constituer une société simple « pour une opération déterminée » (art. 4:3). Si les associés en conviennent, la société simple pourra être dotée de la personnalité juridique, laquelle devient ainsi optionnelle, et prendre la forme d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite (art. 4:22 et s.). La société agricole et le groupement d’intérêt économique sont supprimés . La société irrégulièrement constituée rentre dans cette forme unique et nous allons voir que la société simple a des attributs adaptés à sa forme particulière.

Une forme unique : la société simple 

L’article 4 :1 alinéa 1er du CSA dispose que « la société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre leurs apports en commun en vue de partager le bénéfice patrimonial direct ou indirect qui pourra en résulter. Elle est conclue pour l’intérêt commun des parties ». Par ailleurs, la spécificité du caractère occulte de la société interne n’est pas abandonnée et nous la retrouvons au même article à l’alinéa 2 qui prévoit que « la société simple est  » interne » lorsqu’il est convenu qu’elle est gérée par un ou plusieurs gérants, associés ou non, agissant en leur nom propre ». Les associés peuvent donc valablement désigner un gérant non associé.

Le caractère occulte de l’alinéa 2 est protégé par l’article 4 :14 du CSA qui traite de la responsabilité illimitée et solidaire des associés de la société simple envers les créanciers de celle-ci. Cet article en son alinéa 2 crée une dérogation en ce qui concerne les créanciers dont la créance trouve sa source dans l’activité de la société simple interne : « les tiers n’ont de recours qu’à l’égard de l’associé ou du gérant qui a traité avec eux en nom personnel. Les tiers n’ont pas d’action directe contre les autres associés ».

L’ancienne société irrégulièrement constituée devient une société simple

En ce qui concerne les sociétés dotées de la personnalité juridique, les travaux préparatoires confirment qu’« une société ne peut être créée en dehors des cadres définis par le CSA ou par une législation spéciale. De la sorte, une société qui ne répondrait pas à la définition d’une des formes de sociétés prévues dans ce Code ou dans une législation spéciale doit nécessairement être qualifiée de société simple ».

Pour les sociétés dénuées de la personnalité juridique de l’ancien code des sociétés, sous l’acronyme C. Soc., l’article 2, §4, alinéa 2 disposait clairement qu’en l’absence du dépôt de l’acte constitutif au greffe du tribunal de commerce, la société qui n’était ni une société en formation, ni une société momentanée, ni une société interne, était soumise aux règles concernant la société simple et, en cas de dénomination sociale, à l’article 204 qui concernait les règles relatives aux sociétés en nom collectif et en commandite simple.

L’article 2:6, CSA maintient la règle selon laquelle une société acquiert la personnalité juridique le jour du dépôt de l’acte constitutif au greffe du tribunal de l’entreprise. Si cette disposition ne reprend plus le contenu de l’article 2, §4, alinéa 2, C. Soc., il nous paraît que défaut de dépôt au greffe peut être sanctionné par la reconnaissance de l’existence d’une société simple, compte tenu du caractère consensuel de celle-ci et de l’impossibilité de reconnaître une autre forme de société. Par ailleurs rappelons-le, l’attribution de la personnalité juridique à une société relève de la volonté des associés ou de la personne du constituant.

Table des matières

INTRODUCTION
I. LES SOCIETES DENUEES DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE EN DROIT INTERNE
I.1 La société dénuée de la personnalité juridique dans un cadre nouveau de droit des sociétés et du droit de l’entreprise
I.1.1 L’évolution de la société sans personnalité juridique belge
I.1.2 Une forme unique : la société simple
I.1.3 L’ancienne société irrégulièrement constituée devient une société simple
I.2 La société dénuée de personnalité juridique et la société sensée être dénuée de la personnalité juridique en droit fiscal : l’empreinte du CSA dans le CIR 1992
I.2.1 La nouvelle définition de la société en droit fiscal
I.2.2 Les sociétés dénuées de la personnalité juridique en droit fiscal : art. 29 CIR 1992
I.2.3 Les Sociétés sensées être dénuées de la personnalité juridique selon le droit fiscal
I.2.3.1 L’entreprise agricole de l’article 8 : 2 du CSA
I.3 Les dispositions transitoires
I.4 L’imposition des revenus d’une société transparente
I.4.1 La transparence fiscale : base légale
I.4.2 Attribution immédiate des revenus
I.4.3 La nature des revenus imposables
I.4.4 La détermination du montant imposable
I.4.5 Le régime des pertes professionnelles : mesure anti-abus
I.4.5.1 La condition de la nature des autres revenus de l’associé
I.4.5.2 La condition des besoins légitimes de caractère financier ou économique de l’activité en association transparente
I.4.5.3 La limitation de la déduction des pertes
II. LES SOCIETES DENUEES DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE DANS LA SPHERE INTERNATIONALE
II.1 L’octroi de la personnalité juridique : une question de souveraineté nationale
II.2 La transparence fiscale au regard de la Lex societatis en l’absence de convention préventive de la double imposition
II.2.1 Le « partnership »
II.2.2 La Lex societatis
II.2.3 Le droit fiscal et la Lex societatis
II.2.4 Le régime fiscal du partenariat transparent étranger
II.2.4.1 La classification du partenariat étranger
II.2.4.2 La Belgique comme Etat de la source : opération outbound
a. La qualité des participants au partenariat étranger
b. L’impôt des non-résidents INR : art. 227 CIR1992
II.2.5 Entité transparente étrangère comparable à une société de droit belge
II.2.5.1 La confrontation avec la société résidente belge
II.2.5.2 Cas particulier : le « General partnership » américain
II.3 La transparence fiscale du partenariat étranger quand une convention préventive de double imposition CPDI s’applique
II.3.1 Les CPDI : généralités
II.3.2 L’applicabilité des CPDI
II.3.3 La problématique du conflit de classification des partenariats étrangers
II.3.3.1 En cas de conflit de qualification subjective dans l’Etat de la source
a. Interprétation de l’article 4 de la convention (primauté de la qualification par le biais de l’Etat de la résidence)
b. La Circulaire AAF n° 3/2013 (AAF/97-0380) dd. 05.02.2013 : cas d’entités « hybrides »
II.3.3.2 En cas de conflit de “qualification objective” dans l’état de la résidence
a. L’interprétation de l’article 23 de la convention
b. La Cour de cassation belge s’est emparée de l’interprétation de la convention
CONCLUSION

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