L’incrimination penale de la corruption

Historique de l’incrimination de la corruption

La corruption publique, visée par les articles 246 à 253 du Code pénal, a été sanctionnée par la loi du 8 juin 1867 introduisant le Code pénal. Ces articles ont subi une modification substantielle en 1999 , et ont été complétés par l’introduction de l’incrimination de la corruption privée, régie par les articles 504bis et 504ter, introduits par la loi du 10 février 1999. A l’origine de cette loi de 1999, la Belgique, pointée du doigt par différents Etats-membres européens, mise en cause pour une législation faiblarde et un manquement à ses obligations internationales. En effet, à cette époque, un certain nombre d’instruments internationaux ont été adoptés dans le but d’incriminer la corruption par différentes institutions , avec, à leur tête, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques . De plus, au milieu des années 1990, la corruption de fonctionnaires publics est devenu un thème conséquent du débat public belge, tant dans les médias que sur la scène politique. En effet, la prise de conscience résulte de la prolifération d’affaires concernant des agents publics belges et le financement de certains partis politiques par le biais de commissions issues de la corruption.

Définitions

La corruption est « le fait, pour une personne, de proposer ou de donner à une autre personne un avantage pour que celle-ci pose ou s’abstienne de poser un acte qui relève de sa fonction ou de son activité et/ou le fait pour une personne qui exerce une fonction ou une activité déterminée de proposer ou d’accepter de poser ou de s’abstenir de poser un acte relevant de cette fonction ou activité en échange d’un avantage qui lui est donné ou proposé » .

La notion de corruption comprend d’une part, la corruption active, qui est l’action de celui qui fait une proposition de corruption et, d’autre part, la corruption passive, qui est l’opération de celui qui sollicite ou accepte. Ces notions sont trompeuses : il ne faut pas croire que la corruption dépend de l’unique action du corrupteur, et que le corrompu reste dans une position passive où il ne fait que réagir à l’offre du corrupteur. La personne corrompue peut tout à fait solliciter la corruption ou en faire la proposition. La distinction entre corruption active et corruption passive provient d’une Convention de l’Union européenne qui définit également la notion de fonctionnaire et qui harmonise les sanctions applicables à l’infraction de corruption.

La responsabilité pénale des personnes morales 

Avant une loi de 1999 et par application de l’adage latin societas delinquere potest, sed non puniri, une société, en droit belge, pouvait effectivement commettre une infraction mais ne pouvait subir une peine de ce fait. Il fallait absolument relier cette infraction à une personne physique déterminée, étant entendu qu’une personne morale ne pouvait bien évidemment pas être soumise à une peine privative de liberté.

Cependant, la nécessaire imputabilité de l’infraction à une personne physique ne contentait plus et la jurisprudence était, d’un côté parfois très sévère envers les dirigeants d’entreprise, et d’un autre côté, parfois très laxiste puisque bon nombre d’acquittements ont eu lieu en raison de l’impossibilité d’identification précise d’une personne physique responsable . Pour ces raisons, le législateur est intervenu et, désormais, la personne morale peut être, depuis la loi du 4 mai 1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales , le sujet passif d’une action publique . L’article 5 du Code pénal prévoit cette possibilité pour les personnes morales ayant la personnalité juridique et les êtres qui y sont assimilés . C’est par ce biais qu’une société pourra être déclarée responsable de l’infraction de corruption.

Cette loi a constitué un premier pas conséquent franchi par la Belgique dans le cadre de la lutte contre la corruption.

LES TYPES DE CORRUPTION ET LEURS ELEMENTS CONSTITUTIFS

La corruption publique 

Notions et personnes impliquées
L’adjectif « publique » de la corruption vise la qualité publique de la personne qui est susceptible d’être corrompue et vise également celle du comportement qui est l’objet de la corruption . En effet, le Code pénal rend coupable de corruption passive les personnes qui exercent une fonction publique et qui acceptent de se laisser corrompre, voire même sollicitent d’être corrompus. Le caractère public du comportement, quant à lui, découle du lien entre ce dernier et la fonction de la personne. Il peut s’agir d’un acte qui est de la compétence du fonctionnaire public, d’un acte auquel il concourt, auquel il est associé, voire dont il peut influencer l’issue. A côté du corrompu public, nous trouvons le corrupteur, celui qui se rend coupable de corruption active, c’est-à-dire la personne qui propose à une personne exerçant une fonction publique une offre, une promesse ou un avantage quelconque afin qu’elle adopte certains comportements visés par l’article 247 du Code pénal.

Eléments constitutifs de l’infraction
1. La qualité publique de l’auteur
Le corrompu, comme nous l’avons dit, est la personne qui exerce une fonction publique, le sujet de la corruption passive. Les travaux parlementaires de la loi de 1999 énoncent que cette notion « couvre toutes les catégories de personnes qui, quel que soit leur statut, exercent une fonction publique ». Peuvent notamment rentrer dans le champ d’application de la corruption publique passive : les fonctionnaires publics, les magistrats et les jurés, les titulaires d’un mandat électif, les préposés et commis, les opérateurs économiques privés et les personnes morales non visées par l’article 5, dernier alinéa du Code pénal . Le Code pénal assimile également à des fonctionnaires publics les candidats à une telle fonction, les personnes qui se présentent comme pouvant incessamment exercer cette fonction et les fonctionnaires qui, usant de fausses qualités, se prévalent de la qualité de fonctionnaire public alors qu’ils ne l’ont pas . Les fonctionnaires publics étrangers, européens et internationaux sont également visés par les dispositions concernant la corruption publique . Le corrupteur peut être n’importe quelle autre personne : il est l’auteur de l’infraction de corruption active. Il va faire une proposition au corrompu afin d’obtenir de lui un certain comportement.

léments matériels de l’infraction
a. L’acte déclencheur
Il faut tout d’abord remarquer que l’incrimination de la corruption concerne un acte unilatéral, la corruption passive et la corruption active étant des infractions distinctes. D’une part, l’article 246 du Code pénal énonce que l’acte unilatéral consistant à solliciter d’une autre personne un avantage pour adopter un comportement déterminé dans le cadre de sa fonction publique suffit pour constituer l’élément matériel de corruption passive. D’autre part, ce même article stipule que, pour constituer une incrimination de corruption active, l’acte unilatéral posé par la personne qui propose un avantage à un fonctionnaire public pour qu’elle adopte un comportement déterminé, est nécessaire. Ainsi, les actes couverts par la loi en ce qui concerne la corruption sont la proposition ou l’approbation pour le corrupteur passif et la sollicitation et l’octroi pour le corrupteur actif .

b. L’avantage de toute nature
En sus de ces actes couverts, la corruption requiert « une offre, une promesse ou un avantage de toute nature » , en tant que moyen pour arriver à la corruption. L’important ne se trouve pas dans la nature ou la valeur de l’avantage, mais bien dans le lien qui existe avec le but poursuivi par la corruption, c’est-à-dire celui de faire adopter un comportement déterminé par le fonctionnaire public .

c. L’objectif de la corruption : le comportement déterminé
L’objet de la corruption doit reposer sur l’accomplissement par le fonctionnaire d’un acte de sa fonction ou entrer dans le cadre de l’exercice de sa fonction. Si le comportement sollicité par une personne contre un avantage de toute nature sort entièrement du cadre de la fonction publique du fonctionnaire, l’acte ne rentre pas dans l’incrimination de corruption . Pour constituer l’incrimination de corruption, le fonctionnaire doit recevoir un avantage pour adopter trois types d’actes qui constituent des circonstances aggravantes graduelles : un acte juste mais non sujet à salaire, un acte injuste ou un acte tellement injuste qu’il constitue un crime ou un délit.

Table des matières

INTRODUCTION
I.- L’INCRIMINATION PENALE DE LA CORRUPTION
A.- CONTEXTE GÉNÉRAL
1) Historique de l’incrimination de la corruption
2) Définitions
3) La responsabilité pénale des personnes morales
B.- LES TYPES DE CORRUPTION ET LEURS ELEMENTS CONSTITUTIFS
1) La corruption publique
2) Le trafic d’influence
3) La corruption privée
C.- LES PEINES ENCADRANT LA CORRUPTION
1) Préalable : l’obligation de dénonciation des agents de l’Etat
2) Les peines privatives de liberté et les amendes
3) La confiscation
II.- LE TRAITEMENT FISCAL DE LA CORRUPTION 
A.- AVANT LA LOI DU 1ER SEPTEMBRE 2006
1) Mise en situation
2) Les possibilités de déductibilité fiscale des pots-de-vin
B.- LA LOI DU 1ER SEPTEMBRE 2006 ET LES REFORMES POSTERIEURES
1) L’action belge sous l’impulsion de l’OCDE
2) Le contenu de la loi
C.- L’ARTICULATION DES SANCTIONS PENALES ET FISCALES
1) Les sanctions fiscales de la corruption
2) A la croisée des chemins entre droit pénal et droit fiscal : la loi Una Via
III.- QUELQUES NOTIONS DE DROIT COMPARE FRANÇAIS
A.- L’ACTION FRANÇAISE SOUS L’IMPULSION DE L’OCDE
B.- LE CHAMP D’APPLICATION ET LES CONSEQUENCES DE L’INTERDICTION DE DEDUCTIBILITE
1) Champ d’application de l’interdiction de la déductibilité fiscale
2) Conséquences de l’application de l’article 39, 2bis CGI
C.- LA DEDUCTIBILITE DES FRAIS PROFESSIONNELS : QUID DES AUTRES DEPENSES DE CORRUPTION ?
CONCLUSION

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