L’identification des individus pédophiles et les signes neurologiques

Pédophilie

La première section propose une définition de la pédophilie, qui n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire. Par la suite, les trois grands types de facteurs étiologiques possibles de la pédophilie seront présentés, à savoir les facteurs psychopathologiques, psychosociaux et neurologiques. Le terme pédophilie est formé des mots grecs paidos (enfants) et philia (amitié). C’est en 1886 qu’il a été employé pour la première fois sous le terme de paedophilia erotica par le psychiatre allemand Richard von Krafft-Ebing, dans son ouvrage « Psychopathia Sexualis ». Il désigne l’agissement sexuel d’un individu envers un enfant d’âge prépubère (von Krafft-Ebing, 1886/1965). Plus récemment, la Classification internationale des maladies (Organisation mondiale de la santé [OMS], 1993) définissait la pédophilie par la présence, chez un adulte, d’une préférence sexuelle pour des enfants d’âge prépubère (garçons et/ou filles), c’est-à-dire des enfants ne présentant aucun signe de développement des caractères sexuels secondaires (généralement âgés de 12 ans ou moins).

La présence de caractères sexuels secondaires renvoie à l’apparition de traits qui se développement pendant la puberté, par exemple l’augmentation de la pilosité sur le torse, l’abdomen, le visage et les parties génitales chez les garçons et le développement des seins et de l’augmentation de la pilosité sur les parties génitales chez les filles (Schwitzgebel, 2004). Cela dit, il est important de souligner que les agresseurs sexuels d’enfants ne sont pas nécessairement pédophiles et, qu’à l’inverse, les pédophiles n’agressent pas nécessairement autrui. Un agresseur sexuel d’enfant a évidemment COmmIS une ou plusieurs agressions, mais les enfants ne représentent peut-être pas son objet de désir préférentiel (ce qui doit être le cas pour la pédophilie). Ainsi, plusieurs pédophiles ne passent pas à l’acte, se contentant de leur monde imaginaire et de fantasmes. Par ailleurs, les motivations qui poussent un agresseur sexuel d’enfant nonpédophile à cibler cette catégorie de victimes diffèrent de celles des individus pédophiles qui passent à l’acte. Contrairement aux pédophiles, les fantaisies ou les comportements sexuels des agresseurs sexuels d’enfants ne sont habituellement pas dirigés vers les enfants d’âge prépubère. Ces derniers ciblent des enfants, davantage à cause du caractère vulnérable de ce type de victimes et de la facilité à avoir une emprise physique sur eux. La majorité des cas d’agressions sexuelles envers des enfants sont d’ailleurs fortuits, c’est-à-dire non planifiés. On qualifie ces agressions d’opportunistes, par opposition aux actes de prédation ou préférentiels des pédophiles (Seto, 2008).

Qui plus est, les individus pédophiles utilisent rarement la force pour arriver à leurs fins. Ces derniers ont plutôt tendance à faire preuve de manipulation ou à utiliser diverses méthodes de désensibilisation envers les enfants. À titre d’illustration, ils peuvent amadouer tranquillement leur victime, en passant progressivement d’attouchements inoffensifs vers des attouchements inappropriés. Ils peuvent aussi présenter de la pornographie à l’enfant ciblé, de façon à banaliser les activités sexuelles qui y sont présentées. La distinction entre ces deux catégories est importante, puisque le risque de passage à l’acte, de récidive et le type d’intervention à privilégier diffère selon qu’un individu appartient à l’une ou l’autre des catégories (Seto, 2008). Bref, un pédophile qui passe à l’acte est nécessairement considéré comme un agresseur sexuel d’enfant, mais l’inverse n’est pas vrai. Une agression sexuelle d’enfant n’indique pas nécessairement une pédophilie. Les raisons qui poussent à agir, le risque de récidive et le type d’intervention diffèrent selon qu’un individu appartienne à l’une ou l’autre de ces catégories. Alors que l’agression sexuelle non pédophilique d’un enfant est associée à des facteurs ponctuels, circonstanciels (p.ex. opportunité, perte d’inhibition, intoxication, affect négatif), le passage à l’acte pédophile suit généralement une escalade d’événements séquentiels (augmentation de la libido, fantasmes sexuels ciblés, consommation de pornographie juvénile, faibles capacités interpersonnelles, faible estime de soi, malaise en compagnie d’adultes). Ceci dit, les origines d’une attirance sexuelle et préférentielle envers des enfants demeurent incertaines et fortement débattues. Dans la prochaine section, nous discuterons de quelques hypothèses étiologiques de la pédophilie, en débutant par l’approche psychiatrique psychopathologique.

Étiologie de la pédophilie

Si des causes uniques, directes et des signes pathognomoniques de la pédophilie existaient, ils seraient déjà connus. Plus d’un siècle après la première publication de « Psychopathia Sexualis » (von Krafft-Ebing, 1886/1965), on ne sait toujours pas à quoi est due la pédophilie. Néanmoins, quelques théories multifactorielles ont été proposées afm de tenter d’expliquer l’étiologie complexe de la pédophilie (Ward & Beech, 2006). Toutes ces théories incluent au moins trois grandes catégories de facteurs potentiellement étiologiques, à savoir un trouble mental sous-jacent, des déficits psychosociologiques et des anomalies neurologiques. Ces trois types de facteurs sont décrits dans les sections suivantes. Comme nous le verrons, aucun facteur ne possède, à lui seul, une valeur explicative suffisante pour expliquer la pédophilie. Hypothèse du trouble psychiatrique. Dans la prochaine section, nous verrons de façon détaillée comment le Manuel Diagnostique et Statistique (DSM) des troubles mentaux a défmi la pédophilie au fil du temps. Nous présenterons les critères diagnostiques et nous verrons quelles sont les limites associées à l’hypothèse de la pédophilie comme trouble psychiatrique. Mais auparavant, il importe de connaitre la définition usuelle (médico-légale) d’un trouble mental. Définition d’un trouble mental. Le DSM est un guide diagnostique émanant de multiples consensus d’experts en psychiatrie.

Sa principale qualité est d’offrir une base commune (meilleure fidélité) pour l’ensemble des professionnels de la santé lorsque vient le temps de distinguer les comportements typiques et pathologiques, par une méthode de classification et de catégorisation. La plus récente version du DSM (DSM-5; APA, 2015, p. 20) définit un trouble mental comme suit : Syndrome caractérisé par une perturbation cliniquement significative de la cognition d’un individu, de sa régulation émotionnelle ou de son comportement, et qui reflète l’ existence d’un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques ou développementaux sous-tendant le fonctionnement mental. Les troubles mentaux sont le plus souvent associés à une détresse ou une altération importante des activités sociales, professionnelles ou des autres domaines importants du fonctionnement. Les réponses attendues ou culturellement approuvées à un facteur de stress commun ou à une perte, comme la mort d’un proche, ne constituent pas des troubles mentaux. Les comportements déviants sur le plan social (p. ex. sur les plans politique, religieux ou sexuel) ainsi que les conflits qui concernent avant tout le rapport entre l’ individu et la société ne constituent pas des troubles mentaux, à moins que ces déviances ou ces conflits résultent d’un dysfonctionnement individuel, tel que décrit plus haut.

Il est intéressant de noter que, selon cette définition, un trouble mental est un syndrome dont les symptômes représentent des manifestations d’un dysfonctionnement psychologique, biologique ou développemental. Plusieurs études ont tenté de démontrer un tel dysfonctionnement de l’une ou l’autre de ces sphères chez les pédophiles, sans consensus. Premièrement, les participants, généralement appréhendés pour être passés à l’acte, sont essentiellement recrutés dans des institutions psychiatriques ou carcérales. Ces participants présentent habituellement plusieurs problématiques, telles un trouble de personnalité antisociale, qUI sont elles-mêmes associées à des dysfonctions biopsychologiques. Le lien entre ces dysfonctions et la pédophilie, en tant que telle, est donc très difficile à établir. Par ailleurs, plusieurs pédophiles (par exemple des membres du clergé) présentent en fait des capacités intellectuelles et cognitives plus élevées que la moyenne de la population générale. La quête d’un dysfonctionnement psychopathologique sous-jacent à la pédophilie est donc toujours ouverte. Les manifestations supposées symptomatiques d’un trouble mental inhérent à la pédophilie sont présentées ci-après. Puisque la 5ème version du manuel a été publiée durant l’élaboration de cet essai, et que des modifications ont été apportées par rapport à la version antérieure, les critères des deux versions seront présentés. Critères diagnostiques DSM-IV-TR.

Tout d’abord, le DSM-IV-TR (APA, 2003) inclut la pédophilie dans une catégorie appelée paraphilies, qui regroupe un ensemble plus large de comportements sexuels, qui selon l’ouvrage, diffèrent significativement de ce qui est normalement attendu et accepté socialement. Plus spécifiquement, une paraphilie est définie comme une psychopathologie qui renvoie à la présence de comportements intenses et récurrents sexuellement fantaisistes et/ou de grandes envies sexuelles impliquant généralement des objets inanimés, une souffrance et l’humiliation de soi ou d’un partenaire, et des enfants ou autres personnes non consentantes, et ce, pour une durée de plus de six mois (Critère A). La présence de ces comportements ou de ces fantaisies doit aussi être à l’origine d’un désarroi prononcé ou de difficultés interpersonnelles (Critère B). On le voit bien, toute personne paraphilique qui ne souffre pas de ses activités pourrait ne pas recevoir le diagnostic (absence du critère B), ce qui est problématique pour les paraphilies illicites, en particulier la pédophilie. C’est pourquoi le DSM-N-TR précise qu’un passage à l’acte est suffisant, mais non nécessaire pour poser le diagnostic de pédophilie. En effet, si un fantasme sexuel 12 impliquant des enfants est intense (non défini) et répété (durée de 6 mois ou plus), sa seule présence suffit pour poser le diagnostic.

Table des matières

La pédophilie
Définition
Étiologie de la pédophilie
Hypothèse du trouble psychiatrique
Définition d’un trouble mental
Critères diagnostiques DSM -IV -TR
Critères diagnostiques DSM-5
Critères diagnostiques CIM-lO
Limites des critères diagnostiques
Hypothèse des troubles psychosociaux
Facteurs psychosociaux se manifestant à l’enfance
Relation d’attachement et expériences traumatisantes pendant l’enfance
Facteurs psychosociaux se manifestant à l’âge adulte
Hypothèse du trouble neurologique
Aspects neurodéveloppementaux
Facteurs intra-utérins et périnataux
Traumatismes crânio-cérébraux
Indices physiques
Taille corporelle
Dominance manuelle gauche
Ratio digital
Fonctionnement intellectuel, académique et neurocognitif
Fonctionnement intellectueL
Difficultés scolaires
Profils neurocognitifs
L’identification des individus pédophiles et les signes neurologiques
Auto-identification et questionnaires auto-rapportés
Pléthysmographie pénienne
Indices cérébraux structuraux
Tomodensitométrie
Imagerie par résonance magnétique structurelle
Neuroimagerie de l’excitation sexuelle chez des hommes de la population générale
Neuroirnagerie de l’excitation sexuelle chez des individus pédophiles
Chapitre 1. Functional neuroimaging of sexual arousal: A preliminary meta-analysis
comparing pedophile to nonpedophile men
Introduction
Methods
Results
Discussion
References
Discussion
Limites de l’étude
Références

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