Une pression sociale pour les femmes sans-abri

Le terme de « genre » en vue de désigner une différence qui n’est pas d’ordre biologique entre un homme et une femme est apparu dans les années 1950 aux Etats-Unis au sein du milieu médical. Le terme de « genre » va être employé dans les années 1960 par des historiens pour désigner l’idée selon laquelle il y a une construction autour de l’homme et de la femme nait. Ce terme a pris de l’importance sur la seconde moitié du XXe siècle, et encore plus au XXIe siècle. Cette vision sociétale, voire même cette idéalisation de l’homme et de la femme au prisme du genre a aujourd’hui des conséquences sociales importantes.

Une précarité sexuée 

La conduite sociale peut être définie comme « l’ensemble des réactions observables sur des individus » où vont influer le corps, l’esprit et le monde extérieur selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Les comportements vont être légitimés ou non en fonction de la collectivité et des normes et des règles existantes. Les normes culturelles se rattachent à des coutumes propres à une communauté conduisant à une unité dans les comportements des individus.

L’acceptation du genre, une lente installation

Depuis toujours et dans chaque société l’homme et la femme ont eu un rôle distinct, s’installant plus ou moins naturellement, finalement tout en s’imposant. Le domaine de l’anthropologie est pionniers dans la question du genre. Dès le début du XXe siècle, des anthropologues démontrent par des études que les rapports sociaux et la division sexuée sont le fruit de pratiques culturelles propres à chaque société.

Alors qu’aux Etats-Unis les chercheurs et historiens abordent déjà l’idée révolutionnaire du « genre », en France il y a une forme de résistance à cette nouvelle idée qui va renouveler les rapports sexués. Cette résistance est liée à une forme d’incompréhension face à un terme qui ne désigne ni le féminin ni le masculin alors qu’en réalité on parle déjà de « sexe social » ou de « rapports de sexe » se référant aux mêmes idées que le « genre ». En réalité, les écrits en France vont s’aligner sur la même période que les anglo-saxons, notamment à travers Simone De Beauvoir et sa célèbre phrase « On ne nait pas femme, on le devient » (1949). Dans son ouvrage Le deuxième Sexe Simone De Beauvoir explique que la civilisation agit sur les individus en les façonnant, induisant une unique vision du féminin. Elle se questionne sur le féminin et le masculin, sur la façon dont ces deux sexes sont construits socialement en partant d’une différence biologique qui finalement devient une différence sociale. Or, complexe est la barrière entre le naturel et le culturel. Pour mieux comprendre, Simone de Beauvoir tient à différencier « sexe inné » de « sexe social acquis » faisant référence aux différences de genre. Cette idée va être étudiée de plus en plus en profondeur, notamment par Margaret Mead, anthropologue du début du XXe siècle s’étant intéressée aux rapports aux hommes et aux femmes, aux divisions sexuées et aux rôles bien distincts qui sont attribués au sein de notre société. A cette époque elle n’utilise pas encore le terme de « genre » mais elle parle de rôle ou de division sexuée séparant ainsi l’homme et la femme au-delà des différences physiques qui leurs sont imputables. Suite à ces femmes pionnières dans l’émergence du genre, Ann Oakley, sociologue de la deuxième moitié du XXe siècle, en reprenant les écrits précédents, y compris ceux de Claude Lévi-Strauss donne une explication du « genre » en avançant que « le sexe se rattache au biologique et le genre au culturel » (1972). La perception du genre peut varier d’une société à une autre, mais également d’un individu à un autre. Selon elle, le sexe est « invariant » et le genre est « contingent ». A la fin du XXe siècle et suite aux travaux de plusieurs historiens et historiennes, le « genre » va devenir moteur d’une série de recherches et d’évolution. L’idée est de distinguer une donnée biologique qu’est le sexe féminin ou masculin d’une construction sociale qu’est le genre.

Néanmoins, beaucoup des réfractaires à ces nouvelles théories se sont posés la question d’un nouveau mot, qu’est le « genre » qui finalement désignerait simplement une différenciation des sexes d’un point de vue social et non plus biologique. Or, dans de nombreux écrits, et notamment dans ceux de x, on comprend que le genre ne peut pas se rapporter uniquement à l’idée de « sexe social » puisqu’il ne désigne pas des différences biologiques mais bien les différences sociales. L’idée derrière l’analyse du genre est de déconstruire l’aspect sexué de l’homme et de la femme pour en comprendre les différences qui se construisent entre eux au sein d’une société. C’est dans les années 1980, notamment sous l’influence des écrits de Michel Foucault que le genre va être étudié au prisme du pouvoir dans une société dirigée par des normes sociales.

Une image construite de la femme : la pression du genre

Aujourd’hui nous vivons au sein d’une société qui a intériorisé des normes, un mode de vie et une vision préétablie des sexes masculins et féminins. La question du genre et des différences que cela conduit se pose depuis de nombreuses années au sein de notre société. Goffman, dans son ouvrage « L’Arrangement des sexes » de 1970 posait déjà la question « Comment dans une société moderne, les différences biologiques non pertinentes entre les sexes en viennent-elles à sembler d’une telle importance sociale ? ». En effet, la pression du genre est présente dans toutes les classes sociales. Les différences de genre se créent au moment de la socialisation primaire, dès le plus jeune âge. En effet, on ne tolèrera pas les mêmes choses à un petit garçon qu’à une petite fille. Certains comportements seront acceptés chez un garçon alors que d’autres ne le seront pas car ils sont considérés comme étant propres au comportement d’une fille. Le processus de socialisation génère une forme de produit de société, en formatant un petit garçon et une petite fille qui deviendront plus tard un homme et une femme avec une vision des deux sexes bien distincte.

De nombreuses enquêtes sociologiques ont montré comment les comportements envers les enfants diffèrent selon qu’ils soient un garçon ou une fille. Des parents vont avoir plus tendance à pousser leur fils à devenir indépendant, à avoir un esprit de compétition, alors qu’avec leur fille ils vont avoir tendance à la préserver, à lui apprendre à être soignée et attentionnée. Tous ces signaux envoyés par l’entourage dès le plus jeune âge engendrent une intériorisation chez les enfants de cette vision des deux sexes. Se mettent alors en place des rôles qui seront propres à chaque sexe. Se crée un prisme genré à travers lequel les individus perçoivent le monde et les relations sexuées. C’est ainsi que se crée une norme sociale qui est intériorisée et reproduite.  La vision du genre au sein de notre société peut être observée comme une construction sociale ou comme une donnée biologique. Une vision naturaliste du sexe masculin et du sexe féminin tend à hiérarchiser les deux genres du fait de la différenciation biologique. Néanmoins, cette différenciation ne justifie pas à elle seule cette perception des deux sexes différente. A la question biologique s’ajoute la question d’arrangements sociaux qui se sont construits et qui ont été intériorisés. Le corps, et surtout l’apparence qui est donnée à ce corps renvoie une image au sein de la société qui finalement a une place capitale en ayant une fonction sociale. Cette situation découle ainsi sur le fait de « faire du genre » qui crée un réel clivage entre le sexe masculin et le sexe féminin et qui fait s’installer une réelle séparation entre les hommes et les femmes. Ce phénomène sociétal conduit à penser un genre masculin et un genre féminin, tous deux biens distincts et différenciables en partie par le corps. Ces normes sociales ayant été façonnées rendent les individus assignés à leur sexe, ce qui les conduit à se comporter en fonction de leur biologie. Selon DETREZ et SIMON « le corps des filles subit un dressage extrêmement précis». Le terme de « dressage » n’est pas anodin et renvoie à l’idée de façonner, modeler la femme afin qu’elle soit conforme aux yeux de tous et face à ce que la société attend d’elle. Il y a une forme de catégorisation des individus qui sont contraints à se conformer au sein de la société en fonction de leur sexe. Pour continuer sur la question du genre et de la conceptualisation d’un homme et d’une femme, il y a une inégalité avérée sur les rôles esthétiques et une importance réellement différente entre ce qu’on attend d’un homme d’un point de vue esthétique et ce qu’on attend d’une femme.

Table des matières

INTRODUCTION
1. UNE SOCIETE GENREE : UNE PRESSION SOCIALE POUR LES FEMMES SANS-ABRI
1.1 Une précarité sexuée
1.1.1 L’acceptation du genre, une lente installation
1.1.2 Une image construite de la femme : la pression du genre
1.1.3 Les femmes sans-abri, une image qui bouscule les représentations sociales
1.2 Une vision de la femme socialement définie entrainant une perte de confiance
1.2.1 Femme sans-abri : une place difficile au sein de la société
1.2.2 Les stratégies d’invisibilisation des femmes sans-abri
1.2.3 Un mécanisme d’estime de soi complexifié
2. UNE VIE DE DANGER ENTRE SURVIE ET EXISTENCE
2.1 Une vie de rue où prime l’importance d’une mise à l’abri
2.1.1 La vie dans la rue, l’utopie naissante de chasser une souffrance, pour en réalité en débuter une autre
2.1.2 De l’errance de fuite à l’errance de quête, une errance féminine spécifique
2.1.3 Un quotidien marqué par la volonté de subsister
2.2 Jusqu’à quel point répondre aux besoins physiques devient un impératif ? 27
2.2.1 Un besoin d’hygiène différencié
2.2.2 Les femmes sans-abri face à leur corps
3. LES FEMMES SANS-ABRI, UN CERCLE VICIEUX ENTRE ESPOIR ET DESILLUSION
3.1 Une perspective optimiste initiée à la fois par l’Etat, les structures privées et les comités citoyens
3.1.1 Le rôle de l’Etat et des institutions face au sans-abrisme
3.1.2 Des structures aidantes à destination des femmes sans-abri, une lutte pour l’espérance
3.1.3 Des initiatives citoyennes, une main tendue
3.2 Les femmes sans-abri ancrées dans une vie de rue sont face à un parcours nécessitant du temps pour se reconstruire, freinant le processus de réinsertion 42
3.2.1 Des actions envers les femmes sans-abri rendues compliquées du fait d’une méconnaissance de ce public
3.2.2 Des femmes en marge de la société
3.2.3 Une réflexion complexe autour de la réinsertion dans la société
CONCLUSION

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