Les difficultés rencontrées sur le chemin de la maturité

Airbus Opération est une coopération internationale spécialisée dans les travaux de construction aéronautique. Elle réalise l’assemblage final de certains avions comme l’A320 et l’A350. La société intervient aussi dans la fabrication de certains composants comme les mâts réacteurs. Son effectif comprend 10 000 salariés. Avec un tel effectif, elle dispose d’un Comité d’Établissement (CE), instance représentative du personnel depuis début 2015. Le CE assure l’expression collective des salariés et permet la prise en compte de leurs intérêts dans les décisions relatives à la vie dans l’entreprise (gestion et évolution économique et financière, organisation du travail, formation professionnelle, techniques de production). Le service achats du CE à la possibilité de faire des achats groupés a des tarifs préférentiels pour en faire bénéficier les salariés de l’entreprise lorsqu’ils effectuent une « demande de prix » (DP). Depuis 2015, le service traite les demandes des salariés toulousains par mail et en utilisant des fiches types pour gérer chaque demande jusqu’au bout. Dans un objectif de traçabilité et de gestion de la performance de cette activité, le responsable des achats du CE Airbus Opérations a décidé d’entreprendre une démarche BPM..

UTILISATION DU CADRE DE MATURITE

Évaluation du niveau initial de maturité 

Lorsqu’il a décidé d’entreprendre la démarche BPM, le responsable des achats du Comité d’Etablissement Airbus opération à Toulouse, souhaitait avant tout dématérialiser le processus de demande de prix (DP) de son service. En effet chaque DP était initiée par mail puis suivie grâce à une feuille type dépendant du type de demande. La démarche BPM a donc été entreprise dans un premier objectif de centralisation des données sur un logiciel. Cette section montre, à travers la méthodologie du cube de maturité présenté dans le Chapitre II, comment la démarche BPM a été progressivement installée dans le service. Comme toute organisation qui souhaite entreprendre la démarche BPM concernant une activité déjà pratiquée dans son entreprise, le service achat du CE possédait déjà les positions de « faire » et de « savoir-faire ». Étant donné leur fonctionnement par « fiches types » nous pouvons également ajouter à leur profil initial les deux positions « conception » du domaine professionnel et culturel : l’identification et la formalisation des flux et des activités. Au début de la démarche, le service Achat du CE Airbus possédait donc bien le « profil minimum » constaté dans le Chapitre II. Ce profil initial est représenté en Figure IV.1. Si on utilise l’échelle du CMMI pour évaluer la maturité initiale BPM du service, elle serait de 1 car aucun processus de la cartographie n’était formalisé. 

Suivi de l’évolution de la maturité BPM lors de l’implémentation de la démarche

La démarche utilisée pour implémenter le BPM dans le service achat du CE Airbus suit l’approche proposée dans le Chapitre II. Nous avons donc profité au maximum de la « force de gravité » présente dans le cube, en ayant une approche basée sur les comportements. La première étape de la démarche a été de rassembler l’ensemble des informations concernant le fonctionnement de l’activité sous la forme d’un cahier des charges. Dans le cube de maturité, cette étape correspond à l’identification des ressources et des objectifs (1) depuis l’expression du besoin par le demandeur à l’intégration de la demande dans le progiciel de type ERP (Entreprise Resource Planning) du service. Ce cahier des charges a principalement été rédigé par le responsable du service achat avant qu’il soit accompagné par des consultants. Par la suite, les trois premiers échanges de deux heures avec le consultant ont permis d’appréhender ces requêtes et de préciser certaines fonctionnalités. La deuxième étape de la méthode a consisté à interpréter le cahier des charges précédemment défini pour (2) proposer une cartographie de processus respectant toutes les règles du cahier des charges (i.e. les règles internes et externes souhaitées). Cette étape a nécessité une demi-journée de travail par semaine ainsi qu’un point hebdomadaire d’une durée d’une heure pour suivre la progression et le respect des règles exprimées dans le cahier des charges. Une fois la cartographie de processus validée, l’utilisation de l’outil Iterop a permis assez rapidement (3) d’implémenter le processus, en le connectant aux applications existantes, et utilisant les données initialement identifiées, puis (4) d’orchestrer le processus. Ce n’est qu’une fois l’orchestration validée que le service achat du CE Airbus a intégré le logiciel dans ses opérations. Après une demi-journée de formation, la cartographie de processus définie avec le responsable des achats a été mise en production. Autrement dit, le service achat s’est laissé guider par le workflow et a donc pu valider l’objectif consistant à (5) appliquer les processus définis. Une fois le processus mis en production, il a été possible de commencer à suivre son déroulement pour évaluer la performance du service. Pour cela il a d’abord fallu (6) identifier les indicateurs de performance de l’activité (KPI). Des indicateurs « génériques » sont présents par défaut sur certains BPMS, mais la plupart des KPIs désirés par le responsable des achats étaient spécifiques et ont donc dû être (7) configurés manuellement, ce qui a nécessité 4 heures de travail (réflexion, et implémentation). Une fois les KPIs configurés, l’exécution du processus a pu être suivie par ses superviseurs. Les résultats remontés ont révélé de potentiels points améliorables sur certaines activités ou bien même sur la cartographie de processus en elle-même, comme la surcharge de certains acteurs ou la notification en masse. La cartographie de processus a pu être (8) diagnostiquée par les responsables, leur permettant de mieux (9) comprendre le séquencement des activités et de percevoir des axes d’amélioration sur le processus, comme, par exemple, l’ajout d’activités ou la suppression de notifications par mail. C’est ainsi qu’un nouveau cycle BPM a pu être entamé : en formulant de nouveaux besoins, en les ajoutant au processus, en faisant évoluer le workflow et en mettant en production les améliorations. Les KPI ont ainsi révélé que les modifications effectuées ont bien permis d’améliorer la performance du processus des demandes de prix, montrant par exemple la baisse  de charge des acteurs et la diminution du nombre de notifications. La Figure IV.3 montre l’évolution de la maturité BPM du service achats après la mise en  production du processus de demande de prix.

Les difficultés rencontrées sur le chemin de la maturité

Lors de la réalisation de la démarche BPM, nous avons rencontré deux principales difficultés. Le premier défi est fréquemment rencontré par les entreprises qui mettent en place du BPM : la résistance au changement et la difficulté de prise en main de l’outil. Le processus de demande de prix sur la base d’un cahier des charges établi par le responsable du service achats à partir de sa connaissance du métier et des retours de ses collaborateurs. Mais le processus a ensuite été formalisé et implémenté sans la participation des acteurs principaux. Une fois le processus mis en production les différents acteurs ont donc tout d’abord exprimé une certaine résistance au nouvel outil qui ne correspondait pas tout à fait à leur habitude. Cependant ces demandes d’évolutions ont pu mettre en évidence la facilité de faire évoluer le processus rapidement. Ainsi le processus modélisé initialement a servi de base et il est aujourd’hui continuellement amélioré par les demandes de ses acteurs. Le deuxième défi est également souvent rencontré par beaucoup d’entreprises qui se lancent dans la démarche : la difficulté de modéliser, souvent due au manque de connaissance en modélisation, ou bien au manque de compétences pour appréhender toutes les complexités du fonctionnement d’une entreprise. La section IV.4 illustre l’utilisation de l’approche développée au Chapitre III afin d’obtenir, de manière automatisée, une cartographie de processus respectant le cahier des charges initial correspondant à l’étape 2 de la démarche présentée précédemment. La cartographie de processus résultante y est comparée à la cartographie conçue manuellement par le consultant Iterop.

GENERATION DE LA CARTOGRAPHIE DE PROCESSUS

Dans notre contexte l’étape de modélisation a finalement été achevée grâce à la collaboration établie entre un consultant BPM et un spécialiste du fonctionnement de l’entreprise : le responsable des achats. Le service achats du CE Airbus et l’équipe Iterop ne partageant pas le même cœur de métier, la sémantique du vocabulaire pouvait différer ou prêter à confusion. Il a donc été nécessaire de procéder à de multiples échanges et tests, sous la forme de demi-journées hebdomadaires pour faire évoluer la cartographie de processus et de points hebdomadaires d’une heure pendant 2 mois, autour du processus modélisé pour s’assurer du bon respect des règles formulées dans le cahier des charges Cette section présente le résultat qu’aurait pu obtenir le prototype générateur de cartographie de processus présenté au Chapitre III. IV.4.1. Cahier des charges initial Dans le cahier des charges de la demande initiale, les règles suivantes étaient écrites : La cartographie de l’entreprise comporte un processus de gestion des demandes de prix 1. Le demandeur effectue sa demande 2. Le service achat doit qualifier la demande 2.1. Un acheteur est désigné responsable de la demande 2.2. L’acheteur peut demander des modifications au demandeur 2.2.1. Dans le cas d’une modification, le demandeur doit revoir sa demande et la transmettre à nouveau 3. En cas d’existence d’un supérieur hiérarchique, sa demande doit être validée avant la transmission au service achat 3.1. La demande peut être acceptée et transmise ou bien refusée par le supérieur 4. Un mail est envoyé au demandeur une fois sa demande qualifiée 5. L’acheteur dispose de temps pour rassembler les offres des fournisseurs et les transmettre au demandeur 5.1. Au moment de la transmission, l’acheteur peut demander une validation par le responsable des achats 5.1.1. Le responsable des achats peut alors valider la demande et la transmettre au bien faire une demande de modification à l’acheteur 6. Le demandeur reçoit les offres et doit valider ou non la préconisation de l’acheteur 6.1. En cas de non-validation, la demande est retournée à l’acheteur qui doit faire une meilleure proposition 7. Certaines demandes font l’objet d’une intégration CEX3 (le progiciel de type ERP du service achats) par les opératrices de saisie 8. La demande d’achat est saisie dans CEX3 9. Un mail récapitulatif est envoyé au demandeur Un deuxième élément important du cahier des charges concerne le respect d’une contrainte imposée aux CE : la commission des marchés, commission

Traduction en exigences de processus

Les règles définies dans la section précédente ont ensuite été converties en exigences de processus conformément au métamodèle de formalisation des règles décrit dans le Chapitre III. Par exemple, la règle externe a été implémentée comme présenté en Figure IV.4 : Un Ensemble de règles « régissant les Comités d’Entreprise » fournit la règle suivante : « la commission des marchés doit vérifier que les appels d’offres respectent bien les règles de consultations fixées en interne, pour les transactions dépassant 30 000 € de transaction financière ». Une alternative possible pour que cette règle soit respectée soit d’imposer les deux exigences de processus suivantes : – L’activité « Appel d’offres » doit contenir une activité « prévenir la commission des marchés » – L’activité « Recherche Offre » doit être suivie de l’activité « prévenir la commission des marchés »

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