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Contre-question du déclencheur

Théories précédentes de la négation explétive

Une théorie de la négation explétive se doit d’apporter une résolution à deux ques-tions, communes aux phénomènes dits de ‘polarité’ (voir Ladusaw (1996), Israel (1996) ; Giannakidou (1998)) : (i) la question du déclencheur (‘licenser question’) et (ii) la ques-tion de la sensibilité (‘sensitivity question’).
a. Question du déclencheur : quelle(s) propriété(s) formelle(s) partagent tous les prédicats qui déclenchent la négation explétive ?
Question de la sensibilité : pourquoi la négation explétive présente-t-elle une distribution limitée par sensibilité à une propriété sémantique ?

Question du déclencheur

Pour donner une réponse à la question du déclencheur, il s’agit d’identifier la pro-priété (ou les propriétés) à la fois nécessaire et suffisante à ce que l’occurrence de la né-gation explétive dans la portée d’un certain prédicat soit grammaticale. Les précédents travaux sur la question du déclenchement de la négation explétive s’inscrivent dans un effort théorique plus global, portant sur la question du déclenchement des éléments à polarité négative (negative polarity items), dont la négation explétive a longtemps été conçue comme une sous-espèce. Les éléments à polarité négative sont des éléments linguistiques dont la distribution est restreinte par sensibilité à une certaine propriété « négative » du contexte d’apparition, conçue comme (i) la monotonicité décroissante ou (ii) la nonvéridicalité.

Monotonicité décroissante

Depuis les travaux de Fauconnier (1975) ; Ladusaw (1979 ; 1992) et plus tard de Zwarts (1996), la monotonicité décroissante est considérée comme la propriété logico-sémantique qui déclenche les éléments à polarité négative. La monotonicité d’un opé-rateur caractérise le type d’inférence logique que permet cet opérateur. Définissons d’abord la monotonicité croissante, comme propriété qui caractérise les contextes dits « positifs » . Les contextes monotones croissants permettent les inférences qui vont des sous-ensembles aux sur-ensembles, voir (15).
Définition de la monotonité croissante :
Une fonction f est monotone croissante ssi pour tout élément X, Y, tel que X⊆Y, on a f(X)⊆ f(Y)
La monotonicité décroissante est une propriété qui caractérise les contextes dits « né-gatifs » , qui permettent les inférences qui vont des sur-ensembles aux sous-ensembles, voir (17).

Définition de la monotonité décroissante :

Une fonction f est monotone décroissante ssi pour tout élément X, Y, tel que X⊆Y, on a f(Y)⊆ f(X) a. Aïsha n’a pas mangé de crème glacée. [[Häagen Dazs]] ⊆ [[crème glacée]] ⇝ Aïsha n’a pas mangé de Häagen Dazs.
C’est dans la perspective selon laquelle la négation explétive est un élément à pola-rité négative que van der Wouden (1992), (1994) et van der Wurff (1999) ont d’abord proposé que les prédicats capables de sélectionner des clauses complément avec la né-gation explétive sont monotones décroissants. Cette proposition surgénère, dans la me-sure où, par exemple, la négation explétive n’apparaît pas dans la clause complément de prédicats tels que les verbes d’attitude émotive-factive regretter et être surpris, pourtant monotones décroissants (voir von Fintel (1999)).

Nonvéridicalité

Les travaux de Giannakidou (1998) (et travaux subséquents) ont proposé que les élé-ments à polarité négative dépendent de la propriété de nonvéridicalité, qui subsumerait celle de monotonicité décroissante. Dans ses premiers travaux, Giannakidou définit la nonvéridicalité comme une propriété non implicative, c’est-à-dire comme la propriété des opérateurs propositionnels qui n’impliquent pas la vérité de la proposition p qu’ils prennent pour argument (Zwarts (1995) ; Giannakidou (1999)), sans toutefois impliquer la falsité de p (ce qui correspond à la propriété des opérateurs antivéridicaux).
(Non)véridicalité objective :
Soit Op un opérateur propositionnel monadique. Les énoncés suivants sont valables :
Op est véridicale à la condition que Op p → p soit logiquement valide. Sinon, Op est nonvéridical.
Un opérateur nonvéridical est antivéridical à la condition que Op p → ¬p soit valide.
(Zwarts (1995))
La nonvéridicalité est ensuite relativisée à un état épistémique par Giannakidou (2011), puis par Giannakidou & Mari (2016b) ; (2017) (nonvéridicalité ‘subjective’).
État épistémique d’un individu i :
Un état épistémique M(i) est un ensemble de mondes associés à un individu i qui représente les mondes compatibles avec ce que i croit ou sait. (Giannakidou (1999))
États épistémiques (non)véridicaux :

Question de la sensibilité

La question de la sensibilité (voir Giannakidou (2002)) a pour objet d’expliquer pourquoi la négation explétive est un élément syntaxiquement et sémantiquement dé-pendant, comme le manifeste sa distribution limitée à certains contextes « déclencheurs »
La stratégie généralement adoptée pour répondre à cette question consiste à dériver la nature de la relation de dépendance (de ‘sensibilité’) entre la négation explétive et l’élé-ment déclencheur à partir de la fonction syntaxique et du contenu lexical de la négation explétive. Aussi l’une des théories les plus économes fait-elle l’hypothèse que la néga-tion explétive est une négation ordinaire, qui participe à une relation de concordance négative avec le prédicat matrice, dont la sémantique est « négative ».

Concordance Négative

Précédemment, des auteurs comme Espinal (1991 ; 1992 ; 2000a ; 2007) et Zeijlstra (2004), ont proposé que la négation explétive participe à une relation de concordance négative avec les prédicats dans la portée desquels elle apparaît. La relation syntaxique de concordance négative consiste en cela que deux ou plusieurs éléments qui sont né-gatifs par eux-mêmes concourrent ensemble à l’expression d’un seul sens négatif, voir entre autres Corblin et al. (2004) ; Penka (2010) ; Zeijlstra (2015) ; Zeijlstra (2016) ; Giannakidou & Zeijlstra (2017). En italien, par exemple, le marqueur de négation non peut être utilisé seul pour rendre une phrase négative, voir (21-a) ; de la même façon, l’expression indéfinie négative nessuno peut être utilisée seule pour rendre une phrase négative, voir (21-b). Utilisées conjointement, ces deux expressions contribuent à l’ex-pression d’un seul sens négatif, voir (21-c).

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