Les moyens à disposition des professeurs des écoles
Les moyens de faire entrer les technologies de l’information et de la communication l’école sont multiples. Cependant, ils sont inégalement répartis au sein des établissements scolaires.
D’après un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale (IGEN)5, la moyenne nationale fait état d’un ordinateur pour 17 élèves en élémentaire et d’un pour 55 élèves en maternelle. Il ne s’agit ici que d’une moyenne, le rapport ne manquant pas de rappeler que la répartition de ces équipements est très hétérogène. Il ne s’agit ici que d’un indicateur, significatif certes, mais ne pouvant conclure à l’impossibilité de travailler à l’école et dans la classe en s’appuyant sur les technologies de l’information et de la communication. Cet indicateur, qui mériterait d’être complété par le taux de diffusion de vidéo-projecteurs et de tablettes numériques (également capables de faire fonctionner GeoGebra) dans les écoles, nous donne à voir la faible diffusion de ces outils. A titre projecteur pour l’ensemble des huit classes. Ce dernier a été dérobé au cours de l’année scolaire. Son remplacement ne pouvant se faire dans un délai suffisamment court, il était à la charge des enseignants de mobiliser leur matériel personnel. Il existe alors le risque d’une école à deux vitesses entre des établissements possédant des équipements performants et d’autres n’ayant que très peu de moyens.
Cette diffusion est en partie limitée par la question des coûts. Ces outils nécessitent des achats qui peuvent être conséquents pour les contributeurs au budget des écoles primaires. Les principales sources de financement sont les collectivités territoriales, c’est-à-dire, les maires et dans certains cas les départements mais aussi, le ministère de l’éducation nationale par le biais de plans d’investissements. En plus de ces achats viennent les questions de l’entretien du matériel et de la remise à niveau d’équipements obsolètes avec le temps. Il est donc illusoire de penser que les écoles bénéficieront d’une large panoplie d’équipements dans un délai court de quelques années et ce malgré les efforts des différents gouvernements.
Les politiques publiques incitatrices en matière de numérique à l’école ont été nombreuses et ne sont pas nouvelles. La première dès 1985 sous la mandature de Jean-Pierre Chevènement était le plan « Informatique pour tous ».
Plus récemment, trois plans sont cités par le rapport de l’IGEN comme témoignant d’un regain d’intérêt de l’Etat : « Le plan « École numérique rurale » en 2009 (doté de 67 M€), prévu originellement pour toucher 5 000 communes de moins de 2 000 habitants, en a finalement impliqué 6 700. Il a eu un impact fort sur les écoles concernées par l’apport de matériels récents (tableaux numériques interactifs et classes mobiles) qui ont permis de développer de nouveaux usages. Il a aussi amené d’autres communes à prendre l’initiative d’équipements comparables ».
Il est intéressant de noter le caractère incitatif que peut avoir ce plan, ce qui appuie la thèse d’une nécessaire impulsion au niveau étatique.
À la rentrée 2011, le Plan de développement des usages du numérique à l’école (plan DUNE) a été mis en œuvre afin d’accélérer de façon significative pour les années à venir l’usage pédagogique des outils numériques. Ce plan était doté par l’État de 30 M€ dédiés à l’achat de ressources numériques ».
« Les écoles seront concernées par le Plan numérique pour l’éducation, annoncé le 10 mars 2015 et présenté par le Président de la République le 7 mai. » Les retombées de ce dernier plan seront à observer dans les années à venir.
Partie théorique : théories en lien avec les hypothèses
Le langage mathématique et le langage informatique
La valeur illocutoire des discours
Nous l’avons dit le programme officiel insiste sur la dimension langagière des mathématiques avec des verbes d’action dans le chant lexical du discours : nommer, décrire, comparer.
Pour apporter un éclairage sur la question du langage nous allons présenter quelques généralités mises en évidence par la pragmatique linguistique.
La pragmatique s’intéresse au langage et au contexte dans lequel les discours sont émis. Un énoncé peut avoir un sens particulier en fonction du contexte d’énonciation dans lequel il est tenu. Pour plus de clarté, prenons l’exemple de la classe. Les énoncés formulés par un professeur à destination des élèves sont marqués, impactés par la situation d’apprentissage qui lie les parties-prenantes de cette situation d’énonciation. Le sens accolé au vocabulaire manipulé peut ainsi se trouver modifié par rapport à une situation autre, un dialogue entre deux élèves durant la récréation par exemple. Dans le cadre d’une séance sur les solides cette problématique est centrale. Les termes utilisés pour nommer les objets mathématiques ciblés par les programmes officiels sont chargés d’un sens commun que la situation d’apprentissage vient modifier. C’est le cas par exemple du mot « cube ». Un « cube » peut être compris comme un objet de forme cubique utilisé depuis la maternelle dans des jeux de construction. Mais le mot « cube » tel qu’utilisé par le professeur en classe fait référence à un autre type d’objet : un objet mathématique idéal. Il y a donc un écart entre les signifiés induits par le signifiant cube ». L’un des enjeux de l’apprentissage, du point de vu langagier, va être de rendre conforme aux exigences des programmes officiels le sens apposé au terme de « cube ».
Cette notion de langage liée au contexte est donc un appui nécessaire pour comprendre ce qui se joue lors d’une séquence sur les solides. Mais ce n’est pas le seul éclairage que la pragmatique linguistique peut apporter à notre sujet.
Austin avec son ouvrage Quand dire c’est faire6 paru en 1962 développe la notion d’acte de langage.
L’acte de langage représente l’ensemble des actions réalisées à travers un discours. Ce sont les valeurs illocutoires du discours : ce que l’on accomplit en disant quelque chose et à cause de la signification de ce que l’on dit. Le genre : « passation de consignes » est à classer dans la catégorie « acte illocutoire », de même que « dicter une phrase aux élèves ». Tout discours est porteur d’une valeur illocutoire que ce soit de décrire, d’ordonner, de féliciter, d’encourager, d’expliquer… Autant d’actes qui constituent l’enseignement. Produire un énoncé pour « décrire, comparer, nommer », comme l’exigent les programmes, consiste à produire des actes de langage à valeur illocutoire. Les retombées de cette notion sur la situation d’apprentissage sont de deux ordres : les programmes encouragent les élèves à l’action et les énoncés langagiers produits devront avoir une valeur perlocutoire attendue par le professeur.
La valeur perlocutoire d’un discours est ce que l’on accomplit par le fait d’avoir dit quelque chose. Par exemple, ce sera prouver à son locuteur (le professeur) que la notion enseignée est comprise et maîtrisée. C’est ce qui est recherché dans les évaluations.
Là, nous venons d’éclairer ce qui se joue dans la relation discursive entre le professeur et ses élèves. Il est également intéressant d’évoquer la particularité de la relation des mathématiques au langage.
Les mathématiques sont une discipline où les énoncés peuvent tour à tour prendre une valeur de constatation ou une valeur performative. Enoncés constatifs et énoncés performatifs sont deux catégories de classement des discours proposés par Austin.
Les énoncés constatifs peuvent être validés ou invalidés, ils sont accolés aux notions de vrai et de faux. Ce sera le cas par exemple de l’énoncé : « AB = 4 cm » qui peut mériter une vérification à l’aide d’une règle et se trouver invalidé en cas de mesure contraire.
Les énoncés performatifs peuvent être heureux ou malheureux, c’est-à-dire qu’ils peuvent ou non se réaliser. La réalisation dépend alors de paramètre lié aux conditions d’énonciation. Par exemple, l’énoncé « AB = 4 cm », s’il est proposé dans la consigne d’un exercice prend alors une valeur performative puisqu’il à un impact sur le monde : il impacte l’exercice proposé et exige que le segment [AB] soit adossé à une mesure de 4 centimètres. Il détermine par sa présence la mesure du segment sans qu’il soit question des notions de vrai ou de faux, il l’impose.
Les exemples choisis : « AB = 4 cm » identiques dans les deux cas met en lumière l’ambiguïté de la valeur d’un énoncé en mathématiques et l’importance du contexte dans la réception de ce dernier.
Pour lier cette notion au problème qui nous concerne ici, disons que ce qui nous mobilise s’intéresse à l’apprentissage de compétences d’ordre langagière ; des compétences qui se positionnent sur ces clivages définit par la pragmatique linguistique. Plus concrètement, les valeurs discursives ne sont pas simples à définir et vont constituer l’un des freins à l’apprentissage des notions. C’est à ce niveau que nous allons étudier les effets de l’utilisation en classe de GeoGebra.
L’informatique : un outil principalement langagier
L’utilisation d’un logiciel informatique, en l’occurence GeoGebra nous oblige à nous pencher sur la relation entre langage et informatique puis sur le lien entre cette relation et l’apprentissage des mathématiques.
L’outil informatique, pour ce qui nous concerne, permet de traduire visuellement des objets mathématiques définit par du discours. Il serait donc intéressant de se pencher sur la méthodologie permettant de passer d’une information textuelle, le code informatique à une représentation visuelle, l’affichage à l’écran. Dans le logiciel GeoGebra, la construction de figure se fait à partir de commande pré-enregistrées dans le logiciel. Un onglet contextuel permet de choisir la figure à représenter. Le logiciel propose alors à l’utilisateur de placer sur un repère un ou plusieurs points et parfois une mesure particulière. C’est ensuite à partir de ces informations minimales qu’il parvient à afficher le solide souhaité.
Prenons l’exemple du cube. Après avoir sélectionné ce type de solide dans le menu adéquat, il faut cliquer à deux endroits quelconques de la fenêtre principale où se situe le repère en 3 dimensions. De ces deux points est généré un cube. Essayons d’entrer dans le détail de ce que se propose de faire le logiciel à cet instant et quel rapport peuvent être fait avec le langage et la définition de ce qu’est un cube.
Puisque l’utilisateur a choisi comme forme le cube, l’ordinateur est capable d’anticiper plusieurs choses. Tout d’abord la figure demandée aura 8 sommets soit 8 points à placer dans l’espace. Ces points seront dénommé A, B, C, D, E, F, G, H. Les deux points que l’ordinateur demande de placer sont les points A et B. Une fois placés ces deux points forment les deux extrémités d’un segment. Hors, l’arête d’un cube est justement un segment de droite. Ainsi, le segment créé par ces deux points devient l’une des arêtes du futur cube. A partir de ce point un retour vers la définition de ce qu’est un cube permet de savoir qu’il est formé de 6 faces de formes carrées. De ce segment l’ordinateur est donc capable de définir un carré au dimension approprié, c’est-à-dire aux cotés mesurant AB et dont les angles sont perpendiculaires. Une des faces du cube est alors crée ainsi que 4 segments de droite qui constitueront des arêtes du cube : [AB], [BC], [CD], [AD] et 4 points A,B,C et D qui seront autant de sommets. Il reste à créer les 5 autres faces du cube. Ce qu’il fera en créant une autre face à partir d’une des 4 arêtes déjà obtenues. Afin de respecter les propriétés d’un cube cette nouvelle face devra se former sur un plan passant par le segment de droite formant l’arête voulue incliné à 90 degrés par rapport au plan de la première face. Cette opération est rééditée jusqu’à la formation des 6 faces du cube.
C’est donc ici un aller-retour entre la définition d’ordre langagière du cube et sa représentation graphique qui s’opère. Ce processus peut être explicité auprès des élèves. C’est celui qu’ils pourraient être amené à proposer s’ils devaient construire eux-même un cube.
La traduction d’un discours en quelque chose d’autre est inhérente à la notion de compréhension. Comprendre un discours c’est le traduire et le réinterpréter en image mentale ou en discours intérieur autre.
Les solides : Le problème de la représentation graphique d’objets mathématiques idéaux
Un travail sur les solides se fait à partir d’objets mathématiques précisément définis. Les programmes officiels mentionnent six solides : la boule, le cylindre, le cône, le cube, le pavé droit, la pyramide Un cube est un parallélépipède concave fermé à 6 faces carrés, 12 arêtes et 8 sommets.
Un pavé droit est un parallélépipède concave fermé à 6 faces rectangles, 12 arêtes et 8 sommets.
Un tétraèdre ou une pyramide est un polyèdre concave fermé, formé en reliant une base polygonale de n cotés à un point appelé l’apex, par n faces triangulaires (n doit être supérieur ou égal à 3).
Une boule ou une sphère est une surface composée de tous les points situés à une même distance d’un point appelé le centre.
Toute ces figures sont possibles dans un espace à 3 dimensions ce qui les distingue de figures de géométrie plane telles que le carré, le cercle ou le disque. On parle alors de géométrie dans l’espace.
