Physique des jets de plasma froid. Étude fondamentale des streamers guidés et applications à l’oncologie
Principes généraux des plasmas et des décharges
Qu’est-ce qu’un plasma ?
. Définition d’un plasma Un plasma est défini comme un gaz partiellement ou totalement ionisé. Ce terme a été proposé en 1928 par le chimiste et physicien Irvin Langmuir (Langmuir, 1928), en référence à l’aspect diffus et complexe du plasma sanguin. La Figure I.1 représente les différents « états » de la matière : solide, liquide, gaz et plasma. Figure I.1 : Représentation des différents états de la matière – solide, liquide, gaz et plasma Comme un plasma est typiquement constitué d’électrons, d’ions et de particules neutres, il est opportun de le caractériser par son taux d’ionisation 𝜒 {I.1} : 𝜒 = 𝑛𝑒 𝑛𝑒 + 𝑛𝑛 {𝐼. 1} 𝜒 représente ainsi le rapport entre la densité d’électrons libres (ne) et la somme des densités des espèces qui le composent, ici les particules neutres (nn) et les électrons libres (ne). Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, un gaz présente toujours un faible taux d’ionisation, notamment en raison du rayonnement cosmique. Ainsi, on considère qu’un gaz est à l’état de plasma si 𝜒 > 10−7 . Sur Terre, le degré d’ionisation de l’air ambiant est Chapitre I – Etat de l’art sur les jets de plasma froid et leurs applications Principes généraux des plasmas et des décharges 3 d’environ 𝜒𝑎𝑖𝑟 = 10−15 avec une densité électronique d’environ 104 𝑒. 𝑐𝑚−3 . Le passage de l’état gazeux vers l’état de plasma ne s’opère donc pas par un changement de phase mais par le franchissement d’un seuil d’énergie critique appelé seuil d’ionisation. Le terme « quatrième état de la matière » peut à cet égard paraître quelque peu galvaudé. ii. Différentes branches d’études des plasmas Figure I.2 : Graphique représentant les différents plasmas existant dans l’univers en fonction de leur température et leur densité électronique La Figure I.2 présente une classification des plasmas sur un graphique reportant leur densité électronique en fonction de leur température gazeuse. Leur densité électronique peut varier de 1 e.cm–3 pour les plasmas interstellaires à 1030 e.cm–3 pour les plasmas régnant au cœur des étoiles ou ceux issus de la fusion par confinement inertiel. Leur température électronique varie de plusieurs centaines de Kelvin pour les plasmas interstellaires et les jets de plasma froid à plusieurs centaines de millions de Kelvin pour les plasmas de tokamaks comme ITER ou au cœur d’une étoile. Chapitre I – Etat de l’art sur les jets de plasma froid et leurs applications Principes généraux des plasmas et des décharges 4 Les plasmas pouvant avoir des densités électroniques et des températures variant sur plusieurs ordres de grandeurs (Figure I.2) sont regroupés en plusieurs domaines d’études. Les 4 principaux sont les plasmas de fusion, les plasmas créés par laser, les plasmas spatiaux et les plasmas de décharge. Les plasmas de fusion sont étudiés pour reproduire le phénomène de fusion thermonucléaire contrôlée. Ces plasmas sont très chauds (~ 100 000 000K) et ont des densités électroniques très élevées. Pour cette raison, ils sont confinés dans un tore nommé tokamak à l’aide de forts champs magnétiques. On peut les trouver dans des structures comme le tokamak JET ou le futur tokamak ITER (Aymar, 2002). Ils présentent l’avantage de produire de grandes quantités d’énergie sans générer de déchets radioactifs, ce qui rend leur impact écologique extrêmement faible. L’étude des interactions Lasers-Plasmas consiste à étudier les plasmas créés à partir de lasers. Certains plasmas confinés par laser peuvent engendrer en leur sein des réactions de fusion qui sont souvent non contrôlées (e.g. les bombes nucléaires dites bombes H) ou contrôlées mais difficilement exploitables comme source d’énergie (e.g. laser Mégajoule (André, 1999)). Ces plasmas sont très chauds et atteignent des densités massiques supérieures à 1000 fois celle de la matière présente sur Terre. Le domaine des plasmas spatiaux est consacré aux plasmas du système solaire. Ces derniers représentent plus de 99% de la matière visible de l’Univers car ils sont les seuls à émettre de la lumière et donc à être visibles. Les plasmas spatiaux regroupent les étoiles (Baumjohann, 2012), le milieu interstellaire (Rickett, 1990), les aurores boréales (Paschmann, 2003), … Ils existent donc sur des gammes de température et de densité électronique extrêmement larges. Les plasmas de décharge sont des plasmas créés à partir de décharges électriques. Ils sont omniprésents dans la vie quotidienne ou à travers les objets que l’on utilise : télévisions à écran « plasma », processeurs et composants électroniques fabriqués par des procédés de plasma dédiés au dépôt de couches minces, tubes d’éclairage fluorescents (néons), éclairs … Les plasmas de décharge peuvent être répartis en deux catégories selon qu’ils ont ou non atteint l’équilibre thermodynamique local (ETL) : – S’ils l’ont atteint, alors la température des électrons est la même que celle des ions et des particules neutres (~105K), ils seront donc chauds et qualifiés de thermiques. On regroupe dans cette catégorie tous les arcs électriques. – S’ils n’ont pas atteint cet équilibre, alors la température des ions et des particules neutres peut être beaucoup plus faible que celle des électrons (Te ~ 105K, Tions ~ 2000K et Tneutres ~ 300K pour les jets utilisés en médecine qui seront décrits dans les chapitres suivants). Ces plasmas sont qualifiés de « non-thermiques » ou plus communément de « froids ». Ces plasmas sont ceux qui ont été utilisés lors de cette thèse. Leur domaine est représenté par l’encadré PF sur la Figure I.2.
Décharges de Townsend
Le modèle des décharges de Townsend permet de bien représenter et comprendre ce qu’il se produit dans les plasmas de décharge pour des valeurs faibles du produit pression x distance. Afin de comprendre ce modèle, il faut d’abord introduire le phénomène d’avalanche électronique, qui se produit lorsqu’un électron rencontre un atome neutre et parvient à l’ioniser. Il faut pour cela que celui-ci ait une énergie cinétique supérieure à son énergie d’ionisation EI. Ainsi, lorsqu’un électron entre en collision avec un atome, il extrait de cet atome un électron des couches externes. Une réaction de collision électronique peut ainsi conduire à deux électrons qui, s’ils acquièrent une énergie suffisante, en produiront 4 et ainsi de suite. Le premier coefficient de Townsend 𝛼 est défini comme le nombre moyen de paires électron-ion créées par unité de longueur par un électron. (Chanin, 1964) (Rax, 2005)
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