Analyse multi-échelle du comportement hygromécanique du bois

Ressource présente sur une grande partie du territoire terrestre, le bois a été un des premiers matériaux à être utilisé dans les constructions. Mis de côté à partir de la Révolution Industrielle, il redevient aujourd’hui un matériau d’intérêt dont les atouts sont redécouverts, car ils répondent particulièrement bien aux enjeux environnementaux et sociétaux actuels. Sur le plan technique, le développement et la mise sur le marché de nouveaux produits performants dérivés du bois offrent de nouvelles possibilités dans le domaine de la construction bois.

Issu du monde du vivant, le bois se distingue des autres matériaux de construction par la grande variabilité de ses propriétés. Cette caractéristique est un frein dans notre société industrielle, et l’amélioration de la prévision de ses propriétés semble essentielle pour la conception et la mise en œuvre de nouveaux produits, ainsi que pour adapter l’usage des sciages à leurs propriétés effectives. La structure multi échelle et anisotrope du bois et ses interactions complexes avec l’environnement rendent cette prévision difficile, nécessitant une compréhension approfondie de son comportement et de ses réponses à des sollicitations mécaniques et environnementales.

Le bois est un matériau sensible à l’humidité du fait de son caractère hygroscopique. En particulier, lorsqu’il est soumis à des variations d’humidité relative, le bois gonfle (humidification) ou se rétracte (séchage) de manière anisotrope. Bien que le comportement hygromécanique (au sens des déformations induites par un chargement hydrique) du bois ait été, depuis longtemps, le sujet de nombreux travaux de recherche, les mécanismes qui le régissent ne sont pas encore bien compris, que ce soit en termes d’interactions mécaniques ou de mécanismes de sorption d’eau, limitant ainsi sa prévision. Les enjeux encore existants sur cette problématique en font un sujet de recherche qui est toujours d’actualité.

A l’échelle du cerne, le bois est un matériau très hétérogène, constitué de bois initial et de bois final dont la structure et les propriétés sont très différentes, ainsi que leur comportement hygromécanique. La prise en compte de cette hétérogénéité semble donc essentielle pour comprendre et prévoir le comportement du bois à l’échelle macroscopique. L’origine des différences de comportement hygromécanique entre ces deux tissus, résultant d’interactions mécaniques et de mécanismes de sorption, ainsi que leur impact aux échelles supérieures, sont encore des sujets à débat. Ainsi, ce travail vise à comprendre et enrichir les relations entre la microstructure du bois, ses propriétés de sorption et son comportement hygromécanique en mettant en évidence l’influence de l’hétérogénéité au sein du cerne. Plus précisemment, il a pour objectif de comprendre comment les mécanismes de sorption et la structure du bois initial et du bois final influencent leur comportement hygromécanique, et comment le composite constitué de bois initial et de bois final se comporte.

Les études utilisant une approche statistique sont nombreuses et ont permis d’établir des relations générales entre la structure du bois et ses propriétés. Cependant, la grande variabilité du bois ne permet pas, avec une telle approche, d’obtenir des relations suffisamment précises pour comprendre tous les mécanismes mis en jeu et assurer une prévision fine du comportement hygromécanique. Une approche plus déterministe se développe depuis plusieurs années et consiste à caractériser la structure et les propriétés d’un même matériau pour s’affranchir au maximum de la variabilité. Une telle approche est adoptée dans cette thèse, en portant une attention particulière sur l’échantillonnage pour limiter la variabilité entre les échantillons et pouvoir établir des relations fines entre la structure et les propriétés du bois à l’échelle du cerne. Une caractérisation à la fois de la structure, des propriétés de sorption et du comportement hygromécanique est ainsi envisagée sur les mêmes échantillons.

Les caractéristiques spécifiques du matériau bois ont été à l’origine d’un domaine de recherche qui lui est propre, les sciences du bois, et qui regroupent des sujets interdisciplinaires. Ce mémoire commence donc par un chapitre bibliographique qui présente le matériau bois et permet d’introduire sa structure multi-échelle et ses propriétés, qui sont essentielles à garder à l’esprit pour comprendre à la fois la démarche de la thèse et les interprétations proposées. Les questions scientifiques encore ouvertes concernant le comportement hygromécanique du bois sont ensuite mises en lumière au travers d’un état de l’art, montrant en particulier le besoin d’approfondir la compréhension des différences de comportements qui existent entre le bois initial et le bois final, ainsi que leurs interactions au sein du cerne.

La ré-émergence de l’utilisation du matériau bois dans le domaine de la construction est fortement liée à la capacité de proposer un matériau performant, par rapport aux autres matériaux de construction, et dont on pourra assurer une bonne maitrise de ses propriétés. Ce chapitre a pour ambition de faire un état de l’art sur ce matériau et sur son comportement hygromécanique (au sens des déformations induites par un chargement hydrique) qui est plus spécifiquement abordé dans le cadre de ce travail de thèse.

Après une présentation du contexte historique du bois en tant que matériau de construction, les notions nécessaires sur sa structure et ses propriétés sont introduites pour comprendre la suite de la thèse et la complexité qui se cache derrière le comportement hygromécanique du bois. Un état de l’art sur la recherche concernant ce sujet est ensuite proposé, mettant en évidence les questions scientifiques qui ne sont pas encore résolues et la nécessité d’un travail à l’échelle du cerne. Enfin, une littérature spécifique à cette échelle, notamment sur la comparaison du bois initial et du bois final, est présentée.

Le bois est un produit que nous offrent les forêts. Avant d’analyser quels sont nos besoins en termes de matériau bois, il est essentiel de s’assurer que l’état de la forêt est apte à fournir cette ressource. Malgré la déforestation globale dans le monde, l’évolution du taux de boisement dépend fortement des régions.  Une diminution des surfaces forestières a surtout eu lieu ces dernières décennies en Amérique du Sud et en Afrique, alors qu’en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, le taux de boisement est resté stable ou a augmenté (progression de 1,2% en Europe entre 1990 et 2005) [1]. L’importance du bois dans la vie humaine est très bien illustrée par le volume mondial de bois ronds produit en 2015 de 3714 millions de m³ [2]. Ce matériau est à la fois une source d’énergie, de matériaux de construction, de matière pour les œuvres d’art et les instruments de musique, un outil de communication à travers le papier…

En France, le taux de boisement augmente. Entre 2006 et 2014, les volumes de bois sur pied prélevés ont représenté en moyenne seulement 54% de la production biologique nette (mortalité soustraite) qui était alors de 82,9 millions de m³/an [3]. La ressource forestière est principalement concentrée au sud et à l’est de la France . Avec 16,7 millions d’hectares, la surface forestière française est la 4ème plus grande de l’Union Européenne, après la Suède, l’Espagne et la Finlande. 64% des essences sont des feuillus, dont une grande majorité de chênes, ce qui fait de la France la plus grande surface européenne de feuillus. Les résineux restent toutefois plus utilisés que les feuillus dans le domaine de la construction. Ainsi, la ressource forestière est largement disponible en France et peut être exploitée de manière plus importante, avec une gestion durable.

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Introduction au matériau bois et état de l’art sur son comportement hygromécanique
1. Introduction
2. Le matériau bois
2.1. La filière forêt-bois
2.1.1. Etat de la forêt
2.1.2. La ré-émergence du matériau bois
2.1.3. Les enjeux de la filière
2.2. Un matériau naturel
2.2.1. Formation du bois
2.2.2. Fonctions du bois dans l’arbre
2.2.3. Variabilité du bois
2.3. Un matériau à structure multi-échelle et hétérogène
2.3.1. Echelle macroscopique
2.3.2. Echelle des tissus
2.3.3. Echelle cellulaire
2.3.4. Echelle pariétale
2.3.5. Echelle moléculaire
3. Propriétés hydriques et mécaniques du bois
3.1. Interactions eau-bois
3.1.1. Etats de l’eau dans le bois
3.1.2. Teneur en eau
3.1.3. Isotherme de sorption
3.1.4. Comparaison des isothermes de sorption du bois initial et du bois final
3.2. Propriétés mécaniques du bois
3.2.1. Anisotropie des propriétés élastiques du bois
3.2.2. Propriétés élastiques du bois à l’échelle macroscopique
3.2.3. Propriétés élastiques des tissus bois initial-bois final
3.3. Comportement hygromécanique du bois
3.3.1. Comportement macroscopique
3.3.2. Comportement hygromécanique du bois initial et du bois final
4. Relations comportement hygromécanique – structure
4.1. Déformations longitudinales
4.1.1. Historique et intérêt de leur prévision
4.1.2. Origine de l’instabilité longitudinale
4.1.3. Non-linéarité de la relation déformations longitudinales – teneur en eau
4.2. Comportement hygromécanique multi-échelle dans le plan transverse
4.2.1. Effet des rayons ligneux
4.2.2. Morphologie et arrangement cellulaire
4.2.3. Influence de la structure pariétale
4.3. Interactions bois initial-bois final
4.3.1. Influence sur le comportement hygromécanique
4.3.2. Caractérisation expérimentale du couplage
4.3.1. Modélisation du couplage du bois initial et du bois final
5. Conclusion
Chapitre 2 – Caractérisation du comportement hygromécanique à l’échelle du cerne
1. Introduction
2. Matériau et méthodes
2.1. Matériau
2.1.1. Choix de l’essence
2.1.2. Prélèvements
2.1.3. Préparation des échantillons
2.1.4. Conditionnement des échantillons
2.2. Méthodes
2.2.1. Mesures macroscopiques
2.2.2. Isothermes de sorption
2.2.3. Caractérisation de la microstructure
2.2.4. Mesure de l’angle des microfibrilles par diffraction des rayons X
3. Microstructure et comportement hygromécanique du bois initial et du bois final
3.1. Microstructure
3.1.1. Densité macroscopique
3.1.2. Angle des microfibrilles
3.1.3. Relation entre l’angle des microfibrilles et la densité
3.1.4. Morphologie cellulaire
3.1.5. Synthèse
3.2. Propriétés de sorption d’eau
3.3. Comportement hygromécanique
3.3.1. Déformations volumiques
3.3.2. Déformations principales
4. Relations Structure-Sorption-Gonflement
4.1. Relations microstructure – comportement hygromécanique
4.1.1. Influence de la densité
4.1.2. Influence de l’angle des microfibrilles
4.2. Relation microstructure – sorption d’eau
4.3. Relations sorption d’eau – comportement hygromécanique
5. Conclusion et problématique de recherche
Conclusion

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