Anthropologie positive

L’Anthropologie, son importance, ses définitions, son domaine

Connais-toi toi-même, IvѿՕҭ σԑᾶvҭov, Thaïes et ensuite Socrate qui s’appropria si heureusement cet apophtegme, ont atteint plus haut qu’ils ne savaient peut-être. Ils croyaient n’émettre qu’une pensée morale et ils ont posé la loi du progrès humain. La connaissance de soi est, en effet, parallèle à celle qu’on acquiert du monde, et si l’homme devait se connaître entièrement, il n’arriverait à cette hauteur de vue qu’après avoir épuisé l’étude de tout ce qui est hors de lui. (Jules Baissac). Il y a dans l’homme un sentiment si vif et si clair de son excellence au-dessus des bêtes, que c’est en vain que l’on prétend l’obscurcir, par de petits raisonnements et de petites histoires vaines et fausses. (Nicole).

IMPORTANCE DE L’ANTHROPOLOGIE

Depuis Bacon, dont le traité De augmentatis et dignitate scientiarum est un premier essai de systématisation et de classification des sciences, l’esprit humain toujours soucieux de régulariser ses conquêtes, ne cesse de diriger [2] ses efforts vers une ordonnance logique des différentes branches de la connaissance, afin d’en former un tout harmonique, où soient méthodiquement indiqués les degrés successifs de cette grande échelle lumineuse qui, comme dans la vision de Jacob, va de la terre au ciel, et de ses rayons embrasse l’univers et l’homme, l’espace et la pensée. La science ! c’est bien le dieu inconnu auquel l’humanité obéit souvent sans le connaître, et dont le culte grandit chaque jour, gouvernant les intelligences, subjuguant les esprits, soumettant les cœurs en dominant la raison. Les grands ouvriers de l’idée y viennent sacrifier chacun à son tour. On se dispute à l’envi le privilège de codifier les grandes lois par lesquelles elle se manifeste. Bacon après Aristote ; après Bacon, l’Encyclopédie, Bentham , Ampère , Charma , Auguste Comte , Herbert Spencer , autant d’astres qui brillent sur la voie de l’humanité, ont entrepris cette œuvre d’autant plus difficile que son exécution suppose un savoir profond, universel. Sans nous arrêter à apprécier le résultat plus ou moins remarquable auquel chacun a abouti, ou à discuter les principes de hiérarchisation adoptés par les uns et contredits par les autres, disons que dans l’ensemble des branches qui forment l’arbre de science, l’anthropologie, depuis une trentaine d’années, est l’étude qui offre le plus d’attraits aux esprits chercheurs, désireux de résoudre le ‘grand problème de l’origine, de la nature de l’homme et de la place qu’il occupe dans la création. Le sujet est bien digne d’ailleurs de cette émulation où l’on voit toutes les « intelligences d’élite essayer de trouver une solution, sans que la controverse prenne jamais fin ; sans que le plus perspicace ou le plus savant ait rencontré une exposition tellement logique, une démonstration tellement claire, que le sens commun y tombe d’accord avec les déductions scientifiques, signalant enfin cette vérité dont on a soif, cette lumière après laquelle on aspire. C’est qu’il s’agit de l’homme : l’être vain, ondoyant et divers de Montaigne, le roseau pensant de Pascal, le primate du professeur Broca. Étudier 1’homme, quoi qu’on veuille et sous quelque point de vue que l’on se place, comme naturaliste ou comme philosophe, c’est embrasser l’ensemble des caractères qui constituent l’être humain. Et combien, variées ne se présentent pas les questions qui surgissent à chaque instant de l’investigation ! L’homme, c’est le dieu et la bête réunis en des proportions indéfinissables. Que l’on croise sur son chemin un être chétif et malingre, laid et difforme, ajoutant â ces disgrâces de la nature l’horreur des dépravations morales, lâche et malpropre, cynique et rampant, prêt à mordre le pied qu’il lèche et baise, trouvant enfin ses délices dans l’ordure et une joie féroce dans la perpétration du crime ; que plus loin, on se trouve en face d’un sage se livrant en holocauste pour le triomphe de la vérité et l’amélioration de ses semblables, beau et fort, doux et humble, luttant contre l’adversité avec la patience et la constance inébranlables du juste, pourra-t-on jamais se figurer qu’ils sont de la même espèce, de la même famille ? C’est pourtant ce contraste qui fait la grandeur de l’homme. Pouvant descendre jusque dans l’abîme de la plus profonde ignorance et se complaire dans les fanges du vice, il peut aussi monter jusqu’aux sommets lumineux du vrai, du bien et du beau. D’Antinoüs dont la beauté rayonne à Thersite dont la laideur [4] grimace, de Jésus dont la bonté pardonne à Judas dont la trahison fait horreur, de Humboldt au crétin auvergnat, de Toussaint-Louverture au nègre abruti, il paraît exister une distance infranchissable ; mais, en fait, il n’y a entre eux aucune solution de continuité : tout s’harmonise et tout concorde à proclamer la dignité de l’espèce humaine placée si bas et capable de monter si haut. Assurément, que l’homme soit un animal, primate ou bimane, il sera toujours un animal privilégié, doué d’un esprit supérieur..

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