Bilan politique de Marie de Médicis en 1616

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Un mécontentement généralisé

Les revendications politiques sous la Régence de Marie de Médicis

Les Grands forment une puissance commune dans le Royaume de France. Leurs revendications politiques sont donc à prendre en considération et sérieusement. Deux facteurs principaux alimentent leur puissance. Le premier facteur concerne la puissance militaire. Les Grands sont généralement les gouverneurs de provinces. L’exemple du prince de Condé Henri II de Bourbon en est le plus significatif. Ce dernier est gouverneur de la Guyenne et commande ainsi l’armée. Le deuxième facteur vient de leur puissance de sociabilité. Il y a dans un cadre générale la mobilisation d’une foule immense qui se sent prête à se mettre à leur service. Cette mobilisation se nourrit grâce aux réseaux d’amitiés et de clientèle. Il s’agit là d’une solidarité horizontale, c’est-à-dire d’un lien des Grands entre eux. Ils forment un groupe uni face au pouvoir royal. Se groupe à cette union une solidarité verticale où les Grands s’unissent avec les petites noblesses.
Les Grands disposent d’exigences politiques multiples. Ils rêvent tout d’abord d’une monarchie tempérée où le roi gouverne en maître avec les nobles à ses côtés. Depuis François Ier, le pouvoir de décision sur les personnes présentes au Conseil revient au roi. Les Grands contestent donc cette habitude et souhaitent désormais une convocation au Conseil du roi. Ensuite, ils s’opposent à l’absolutisme royal. Puis, les nobles souhaitent l’attribution de charges qui leur est spécialement réservée comme par exemple des postes de gouverneurs ou postes de commandement dans l’armée. De plus, comme je l’ai énoncé précédemment, la politique extérieure est fortement dénoncée. Les Grands se heurtent notamment à la régente Marie de Médicis. Elle ne souhaite pas faire la guerre à l’Espagne. Au contraire, la reine s’en fait son allié principal. Claude Guichard Déageant ajoute dans ses livres. En parallèle à ce don d’argent faramineux distribué au prince, la régence attribue cette fois-ci au comte de Soissons le gouvernement de la Normandie. Nous pouvons alors imaginer que cette politique de don entraînerait un lien fort entre le pouvoir royal et les Grands. Or, l’inverse se produit puisque toutes ces promesses ne satisfont pas les Grands qui eux en veulent toujours plus. C.G. Déageant rappelle également la mise en garde des Grands à l’encontre du pouvoir royal sur son champ d’action à l’encontre du roi en jouant sur l’aspect divin. En effet, il cite : « Dieu prenoit des soins particuliers du Roy, & prometoit de grandes prosperitez à l’innocence & à la candeur de ses mœurs »23.

Le mode d’action seigneurial au XVIIe siècle

Au début du XVIIe siècle, le Royaume de France est sujet à des affrontements récurrents qui opposent l’ordre nobiliaire et l’autorité royale. Ces confrontations généralisées se concluent bien souvent par des guerres civiles à l’intérieur des frontières du royaume. Le champ d’action de la seigneurie nobiliaire est pour elle un devoir moral et impératif. Il est censé permettre de remettre la monarchie dans le droit chemin. Le but d’une révolte résulte en l’ouverture d’une possible négociation entre la seigneurie nobiliaire et le pouvoir royale. Or, il faut bien comprendre que toute révolte n’est pas faite pour durer. Elle est pensée pour se mettre au service du roi et non contre le roi en personne. Selon Guy Saupin, « dans l’esprit des Grands, la révolte nobiliaire n’est jamais anti-monarchique, mais au contraire pour le plus grand profit de l’autorité royale qui peut ainsi renouer avec ses vrais fondements »24. Pour l’historien, tout mode d’action de contestation nobiliaire doit « permettre au roi de sortir de l’hypnose dans laquelle il s’est laissé subjugué »25. D’ailleurs, pour la période qui concerne Louis XIII, le roi noue de bonnes relations avec les Grands et ce depuis sa tendre enfance. En effet, alors encore enfant, il est en contact avec plusieurs personnalités du royaume et des capitales voisines d’Europe. Ces Grands se soumettent au jeune dauphin et suivent un rituel précis. Madeleine Foisil, historienne moderniste, spécialiste de la fin du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle, décrit cette ritualisation de soumission de leur part : « Les voici qui s’inclinent devant lui, qui, en signe de soumission et de respect, baisent la main que l’enfant leur présente ; qui lui promettent obéissance et fidélité »26.
Dans le but d’exprimer son mécontentement et de souligner sa frustration grandissante, la seigneurie nobiliaire adhère à la prise des armes. Cette action sonne alors comme un avertissement pour l’autorité monarchique. Leur mode d’action paraît à la fois simple et unique. Il est censé faire prendre conscience au roi de la situation déplorable que traverse le royaume. Il suit un rituel précis et chronologique. Dans un premier temps, les nobles annoncent leur départ de la cour royale pour se retirer dans leurs terres ou alors les gouvernements qu’ils possèdent. Dans un deuxième temps, ils se tiennent à recruter de possibles clients qui adhèrent à la vision contestataire des seigneurs avec en vue l’objectif de fortifier une révolte. Le client peut se définir de la manière suivante. La définition que donne Michel Nassiet, professeur d’histoire moderne, semble être la plus claire à mes yeux : « Un client se définit par sa relation avec un patron: le client rendait des services de toutes sortes, le patron le faisait bénéficier de sa protection et lui octroyait des récompenses en fonction des circonstances, menues et quotidiennes (recevoir à table, éduquer les enfants du client dans sa maison) ou plus importantes (le recommander pour une pension ou une charge royales ou un bénéfice ecclésiastique). C’était donc une relation inégalitaire, « verticale », mais impulsant un échange, une réciprocité qui contribuait au lien social »27. En outre, ils multiplient dans un troisième temps les mouvements et prennent par la force des places fortes. Les armées des princes prennent un malin plaisir de saccager, de mettre à sac ces bastions et d’organiser des pillages pour se renflouer financièrement. Dans un quatrième et dernier temps, ils écrivent et envoient des manifestes à destination de l’autorité monarchique. La motivation du geste et leur revendication figurent sur le manifeste. Les critiques à l’encontre du pouvoir royal sont aussi mentionnées. Le but est de mettre à genoux un gouvernement royal accablé par son discrédit et dans impasse politique

Des guerres civiles à répétition

Au cours de sa durée de sept années, la régence de Marie de Médicis est confrontée à plusieurs reprises à des guerres civiles. Un affrontement sans merci se distingue entre l’ordre seigneurial et le gouvernement royal. Le sentiment d’un climat de tensions se ressent à l’intérieur des frontières du royaume. La combinaison entre l’instabilité politique et l’engraissement financier et de pouvoir de Concini laisse place à une frustration générale chez les nobles. Les seigneurs tentent à maintes reprises, notamment entre les années 1614 et 1617, de tirer profit de la faiblesse et des limites de la régence. La reine voit alors son autorité défiée par ces révoltes. Par ailleurs, il y a le souhait des Grands d’obtenir divers titres et l’attribution de nouvelles pensions financières.
La première guerre civile, également nommée la Guerre des princes, éclate au cours de l’année 1614. Les princes quittent la cour le 13 janvier en signe de protestation à l’encontre de la politique menée par la régente. Le prince de Condé laisse une lettre à la reine avant son départ. Il résume dans cette lettre les revendications faites par les princes du Royaume de France. Il faut selon lui dans un premier temps renvoyer les mauvais conseillers et mettre à leur place les princes de sang. Dans un second temps, l’alliance avec le Royaume d’Espagne ne présage rien de bon pour le royaume. Il faut donc y mettre un terme définitif. Dans un troisième temps, la royauté doit envisager une réduction des impôts. Dans un quatrième et dernier temps, la convocation des États Généraux semble primordiale dans la mesure où Marie de Médicis ne peux plus gouverner seule. Ce dernier argument entre en adéquation avec la proclamation de la majorité royale de Louis XIII le 2 octobre de la même année. La journée du 15 mai voit la signature du traité de Sainte-Menehould entre les nobles et le pouvoir royal. Cette journée entraîne la validation de la convocation des États généraux à Paris quelques mois plus tard. Ces États Généraux s’ouvrent le 27 octobre et se concluent le 23 février 1615 par un échec cuisant des Grands. Les États Généraux sont arbitrés par le clergé. Un antagonisme s’illustre entre la noblesse et le Tiers Etat.
La seconde guerre civile prend place entre les années 1615 et 1616. Une opposition parlementaire en est l’origine où le maintien de la paulette est au centre du débat. Il s’agit, rappelons-le, d’un impôt que les parlementaires payer par obligation pour avoir une place au parlement. Cette place au parlement peut se léguer à son fils. Les Grands sont contre la paulette. Cette opposition s’accentue et prend des proportions sans précédent. Le 24 mai de l’année 1615, un arrêt interdit aux Grands de se mêler des affaires de l’État. Ces derniers sont l’infante du Royaume d’Espagne Anne d’Autriche. Le prince de Condé suggère de prendre les armes. Il est immédiatement suivi par le duc de Rohan et le duc de Bouillon. Condé exige d’obtenir réparation et d’être remboursé sur le champ par l’État. Le traité de Loudun signé le 3 mai de l’année 1616 met fin à cette guerre civile et permet au prince de Condé de rentrer au Conseil du roi. Il acquiert par la même occasion la somme d’un million et demi de livres ainsi que le gouvernement de la Guyenne. Par ailleurs, les protestants obtiennent eux un sursis de six ans à la remise de leurs places de sûreté au pouvoir royal.
L’année 1616 voit à nouveau une frustration générale apparaître. En l’espace de deux ans, une troisième guerre civile apparaît à l’horizon. Nous pouvons à présent nous demander si cette nouvelle crise, qui ronge au passage l’intérieur du royaume, est celle de trop pour un gouvernement qui est désormais à bout de souffle. Une bonne moitié du Royaume de France se sent concernée par cette instabilité. Les contemporains voient la menace d’une possible extension du conflit à l’ensemble du territoire et un enlisement de l’événement. La raison de cette frustration est engendrée par le nouveau ministère mis en place par Concini au mois de mai 1616. Ce ministère applique une politique de fermeté. L’exemple le plus concret est le suivant. Le prince de Condé demeure le principal instigateur des deux dernières guerres civiles. Il est perçu alors comme un élément trouble. Il se distingue au sein du royaume en faisant trop de vagues. Le personnage montre désormais trop souvent les dents et émet des exigences de plus en plus excessives et disproportionnées aux yeux de l’autorité royale. A la demande de Marie de Médicis, le ministère de Concini l’arrête le 1er septembre 1616 et l’emprisonne au château de Vincennes. Il est libéré tardivement au cours de l’année 1619. L’arrestation du prince de Condé attise une grande sympathie de la noblesse pour le personnage, mais entraîne aussi « une solidarité aristocratique contre le coup de force royal »30 ainsi qu’une « sédition populaire »31. De ce fait, une nouvelle guerre civile est de mise. Le duc de Nevers se trouve à la tête de la noblesse révoltée. Ce conflit prend une ampleur supplémentaire avec la publication d’un manifeste commun rédigée par les Grands à l’intention de l’autorité royale.

Le manifeste de 1617

La date du 12 février 1617 marque une nouvelle étape dans l’accentuation de la contestation des Grands. Les princes rédigent un manifeste commun. Ce manuscrit est à destination de la cour royale et plus précisément à Marie de Médicis. Cette lettre décrit les maux que connaît le Royaume de France. Elle pointe également du doigt Concini comme le principal responsable de ces maux. La seigneurie met également en garde la reine de rester éveillée et vigilante à l’encontre des états voisins et de manière plus précise du Royaume d’Espagne qui est un ennemi de la couronne. Le comportement méprisant qu’affiche la reine à l’égard des Grands lui est aussi reproché. En effet, Marie de Médicis a tendance à se comporter de la sorte avec ces derniers quand ils l’a conseillent sur les mesures à prendre pour rétablir la stabilité du royaume. Elle balaie d’un revers de la main les conseils des seigneurs et privilégie ceux qui sont donnés par son Favori.
Bien que le manifeste fasse état de plusieurs revendications, le sujet principal est sans conteste le favori Concini, et sa femme Leonora Galigaï. Ils sont pour les princes les principaux responsables, les principaux coupables des maux du Royaume de France. Au XVIIe siècle, la xénophobie est extrêmement présente dans la société. De ce fait, les princes voient ces personnages uniquement comme des étrangers qui pillent le royaume, le mettent à sac dans le seul but d’en tirer profit. Claude Guichard Déageant relaye dans ses « Mémoires » cette perception, ce sentiment qu’ont les seigneurs à l’égard de Concini et de sa femme. L’auteur cite que les deux florentins « n’avoient autre objet que d’élever leur fortune particuliere, au préjudice de l’Etat »32. L’intérêt financier dont est sujet le favori semble, du moins aux yeux des princes, emboîter le pas sur les intérêts généraux du Royaume de France. Ils déplorent également l’exercice tyrannique du gouvernement de Concini réalisée dans l’oppression. Toujours selon l’auteur, les Grands exigent sans condition possible de « renvoyer dans leur Pays les deux sujets de scandale qui étoient cause du mécontentement commun »33 et ceux dans le but de remettre la stabilité du royaume sur de bons rails. En somme, la seigneurie souhaite clairement que l’on expulse les deux favoris hors du Royaume de France et qu’ils soient reconduits à Florence, ville dont ils sont originaires.
Les princes réclament aussi la prise du pouvoir royal par le jeune roi qui est délaissé, mis à l’écart par sa mère et Concini. Claude Guichard Déageant rappelle qu’il est réclamé explicitement par les princes de « persuader de faire sans plus de remise agir le Roy au maniment de ses affaires, que c’étoit choses qu’il desiroit, bien qu’il n’en fit aucun semblant, que ne le faisant pas, cela seul étoit capable de la precipiter dans des mal-heurs extrêmes, & de renverser de fond en comble le Royaume qui se soûlevoit déjà de toutes parts, notamment sous pretexte qu’on détournoit le Roy de la connoissance de son Etat »34.
L’auteur des mémoires cite également d’autres demandes tenues par les seigneurs comme celui d’ « exhorter la Reine d’augmenter ses devotions au service de Dieu & à l’exercice des bonnes œuvres qu’il recommande, de faire faire les prieres de quarante heures, specialement à Paris, de donner ordre que les petits enfants de douze ans & au dessous y fussent entr’autres employez, que l’on fit faire une Procession solennelle, & qu’elle fit en sorte que le Saint Sacrement fût mieux tenu qu’il n’étoit dans la pluspart des Bourgs & Villages de ce Royaume »35. Les Grands mettent en garde Marie de Médicis qu’en cas où leurs exigences ne sont pas écoutées et appliquées, notamment en ce qui concerne l’expulsion des favoris hors du Royaume de France, « elle auroit le deplaisir de les voir bien-tost perir miseràblement en sa presence, & tomber en un état qu’elle n’avoit point encore prévu, & d’éprouver l’effet de la menace de Dieu, disant que l’enfant seroit contre la mere & la mere contre l’enfant, au détriment de l’Etat, & au très grand peril de la Religion en toute l’Europe »36. Cet avertissement, pour l’heure au stade de prédiction, est en passe de devenir réalité et de se concrétiser pleinement à travers les pensées et la dissimulation que le jeune Louis déploie avec l’aide de ses compagnons. Personne ne se doute alors une seconde, du moins pour le moment, que ce simple avertissement lancé par les grands seigneurs est parsemé de clairvoyance et résulte plus d’une prédiction dans un futur qui leur est assez proche.
Désormais avertie, l’autorité royale n’émet pas de réponse écrite aux revendications princières. Les seigneurs ont le pressentiment que leur manifeste commun n’obtient pas les effets escomptés. Selon eux, un sentiment d’indifférence et de mépris se dégage à leur égard. Or, le sentiment d’insécurité surgit bel et bien au sein du pouvoir royal. Le surintendant des finances Barbin et le secrétaire d’état à la guerre Richelieu émettent leur souhait de démissionner du gouvernement. Ils essuient le refus de Marie de Médicis. Les avertissements pousse Léonora Galigaï dans la crainte, voir même dans la peur. Cette dernière souhaite de plus en plus se retirer en Italie. Outre cette agitation ascendante, le couple italien se confronte tragiquement au décès de leur fille. Léonora fait le lien entre cette tragédie et l’agitation seigneuriale. Elle voit cela comme un signe de Dieu, une sorte de colère divine. Elle en déduit qu’elle et son mari n’ont plus rien à faire dans le royaume. Si Léonora semble être raisonnable dans son choix de partir, son époux et sa confidente la régente ne l’entendent pas de cette oreille et préfèrent utiliser la force et se battre plutôt que de se retirer. En ce sens, sous la direction du Maréchal d’Ancre, les villes d’Amiens, Ancre et Péronne sont fortifiées. Des munitions et des armements s’accumulent en Picardie pour face à une éventuelle rébellion armée. Les villes de Quilleboeuf et Pont-de-l’Arche, situées aux abords périphériques de Rouen, se tiennent en état de défense. Concini montre plus que jamais les crocs dans l’éventualité d’une quelconque menace. En plus de l’accumulation d’armes et munitions, la cour royale se tient à riposter notamment à l’aide d’une propagande royale dans le but de contrer le manifeste des Grands et ainsi leur faire perdre du crédit.

Vers un réveil politique de Louis XIII ?

Un roi relégué au second rang

Une légitimité royale contestée

L’héritier légitime de Henri IV demeure parfaitement conscient de sa dignité royale, de sa fonction de régner en maître sur le trône du Royaume de France et d’être à la tête de tous ses sujets, et ce, dès les premières années de son règne. En effet, « le dauphin […] se trouve investi de la dignité royale à l’instant même de la mort de son père »37. Il est alors dans la logique que Louis XIII doit régner dans la plénitude sur son royaume en raison de sa proclamation de majorité royale depuis l’année 1614. La majorité a lieu de manière générale en France à l’âge de treize ans, alors que la majorité pour les autres hommes est de vingt-cinq ans. Comme nous l’avons rappelé auparavant, la majorité royale du prince est proclamée le 2 octobre 1614 au Parlement. La période de majorité entraîne instinctivement le droit ainsi que le devoir de l’exercice royale dans la totalité et non partiellement. Par ailleurs, il est important pour le futur roi de connaître les affaires de l’État dont il est le dirigeant. Cette connaissance s’alimente par l’expérience pratique de l’exercice. Cependant, la majorité politique de Louis XIII annonce une période de difficultés et de remises en cause dans l’affirmation de son pouvoir royal. Cette période assez délicate pour le jeune prince peut se décliner en deux facteurs essentiels.
Le premier de ces deux facteurs est le suivant. En raison de sa majorité, Louis XIII doit normalement jouir de la légitimité absolue dans l’exercice plein de son pouvoir. Il clame d’ailleurs haut et fort sa volonté de régner en maître sur son royaume le jour de la proclamation de sa majorité par son discours : « J’entends gouverner mon royaume »38. Une phrase courte et simple qui en dit long sur la détermination du prince. Néanmoins, tout ne se passe pas comme prévu. En effet, cette difficulté de gouverner s’appuie essentiellement sur ce goût qu’adoptent en commun sa mère Marie de Médicis avec son Favori florentin Concini. Avec une volonté de fer, les deux personnages se tiennent à éloigner le roi légitime de toutes ses fonctions, toutes ses activités royales et également à le reléguer au second plan dans le maniement interne des affaires de l’État. De plus, la régente n’hésite pas à le traiter en incapable. « Convaincue de l’imbécillité de son fils, la reine le traite en imbécile »39. Par les présomptions de Marie de Médicis à son égard, le voilà mis à l’écart des affaires de son royaume. L’hostilité de la reine s’affirme de plus en plus entre la fin de l’année 1615 et le début de l’année 1616. Par exemple, elle lui octroie la possibilité d’assister au Conseil Royal. Ce dernier lui est fréquemment fermé. Sa première présence au Conseil lui est permise le 2 juillet 1609 par son père défunt qui le lui avait autorisé l’accès. Il y est admis une nouvelle fois lors de sa treizième année. Sa mise à l’écart du Conseil s’aperçoit dès le mois de mai de l’année 1616 à l’aide du registre de présence pour cette institution. Selon Pontchartrain, ancien secrétaire d’État de Marie de Médicis, Louis XIII est sans cesse éloigné et expulsé de tous conseils et de toutes affaires40. Entre les mois de mai 1616 et avril 1617, le roi assiste seulement vingt-neuf fois au Conseil royal. L’assistance à ce Conseil reste pour le moins essentielle, voire fondamentale, dans l’apprentissage du gouvernement de son royaume. Louis XIII est donc privé de Conseil, et donc par extension, est privé de toute forme de connaissance liée aux affaires royales. C.G. Déageant note d’ailleurs « qu’il demeurât à Sa Majesté que le seul nom de Roy »41.

Une distance affective

Outre cette légitimité royale remise en cause par la régente dans l’incompréhension totale, Louis XIII doit aussi affronter au quotidien la grande distance et le manque affectif de sa mère. En effet, alors que le jeune roi voue au cours de son enfance une haute estime ainsi qu’un amour sincère pour son père, les relations entre la mère et le fils, qualifiées de distantes et hautaine par les historiens, sont à l’inverse vouées à l’échec. Une tension est palpable entre les deux individus. Selon Michel Carmona, Henri IV aurait prononcé ces mots à la régente avant sa mort : « La fin de ma vie sera le commencement de vos peines »42. Le roi prédit de son vivant la situation dégénérescente du royaume et des tensions entre la mère et l’enfant. Les deux personnages ont un tempérament similaire et une personnalité quasiment identique.
« Secret, vindicte, défiance, opiniâtreté, ce sont là les traits essentiels de la personnalité de Marie de Médicis ; ils coïncident étonnamment avec ceux de Louis XIII »43. Ce délaissement affectif, ce rapport entretenu dans une teinte de froideur, ce recul spontané de la régente à l’égard de son fils laisse une cour royale dans l’étonnement et la stupéfaction. Cette incompréhension entre les deux personnages est perçue par Jean-Christian Petitfils comme « Les mois et les années qui suivirent furent particulièrement difficiles pour un souverain traité comme un enfant et un enfant mal aimé : il est souvent éconduit par sa mère, qu’il redoute ; les coups de fouet continuent à lui être administrés »45. Selon cette citation de Ran Halevi, nous sommes en droit de constater le traitement inapproprié infligé sur la personne du roi, désormais majeur, par sa mère. Celui-ci, en dépit de sa majorité, n’est pas considéré en tant que tel mais à l’inverse comme un enfant incapable de touts faits et gestes. Sa mère l’humilie sans impunité. Deux autres événements illustrent cette humiliation quotidienne. Le premier événement est la négociation du mariage forcé avec Anne d’Autriche en 1615 qui se solde par un véritable désastre. Le deuxième événement est la réputation, qui est d’ailleurs largement diffusée sous forme de rumeur à travers la cour et par sa mère, du roi à entretenir des relations homosexuelles avec son confident Charles d’Albert de Luynes. Cette réputation soutenue par les contemporains, fait encore figure de débat sur la sexualité du roi de nos jours.
Cette distance entre mère et fils peut s’expliquer de plusieurs façons. La première raison qui illustre ce désert affectif maternel est le fait que Marie de Médicis donne, sans s’en cacher, sa préférence à Gaston46, petit frère de Louis. Cette préférence provoque le désarroi et la tristesse chez le jeune roi. La deuxième raison réside dans la jalousie excessive de la reine mère envers Anne d’Autriche l’infante d’Espagne. Elle craint la possible instabilité de sa place de régente. Ce doute lui pousse à adopter un comportement malveillant envers son fils. Il est mis à l’écart de toute responsabilité politique. Ce retrait royal de la scène politique s’explique aussi par la troisième et dernière raison qui est cette soif du pouvoir de Marie de Médicis.
Par ailleurs, le délaissement de la reine mère à l’égard de son fils est un paramètre essentiel à prendre en considération. Ce facteur affecte et dégrade la personnalité du jeune roi, déjà meurtri dans l’âme comme tient à le souligner Madeleine Foisil. En effet, l’historienne décrit son humeur « chagrine, inquiète, ombrageuse »47. Plusieurs critères sont la cause de cette personnalité mélancolique comme la mort de son père ; la séparation entre lui et son « frère » M. le Chevalier en partance pour Malte ; la mort de son frère cadet le duc d’Orléans en 1611 ; la séparation entre lui et sa sœur Elisabeth lors du double-mariage espagnol. Ces multiples causes donne la conséquence d’une personnalité et d’une sensibilité instable.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : UNE REGENCE DANS LA TEMPÊTE ?
Chapitre 1 : Bilan politique de Marie de Médicis en 1616
Chapitre 2 : La fureur des Grands
Chapitre 3 : Vers un réveil politique de Louis XIII ?
PARIE II : LE SECRET DU COUP D’ETAT
Chapitre 4 : L’emploi de la dissimulation, une préparation dans le secret
Chapitre 5 : Les décisions secrètes au sein de l’entourage du roi
Chapitre 6 : L’art politique du ballet
PARTIE III : LE JOUR DE GLOIRE DE LOUIS 
Chapitre 7 : Le complot mis en application
Chapitre 8 : « Merci, grâce à vous je suis roi ! »
CONCLUSION
SOURCE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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