Brittany Sizzla, sous toutes les coutures

Employée par Serge Moscovici dans son étude de la représentation sociale de la psychanalyse, la méthode de l’analyse de contenu est ainsi historiquement reliée à la naissance de la théorie des représentations sociales. Aussi, dans le cadre de cette recherche, elle constitue la technique privilégiée de cette réflexion sur l’image véhiculée par Brittany Sizzla.

Pour commencer, il est important de souligner que l’analyse faite ici du personnage a été rédigée à la manière d’un entonnoir, c’est-à-dire en partant d’une description générale pour arriver à l’étude de facettes particulières du personnage. Il convient également de rappeler que le choix des 33 extraits retenus et analysés d’Unité 9 a été effectué dans un souci de neutralité et d’objectivité. L’objectif principal était ainsi de couvrir le maximum de saisons possible afin de noter, s’il y a lieu, l’évolution des représentations médiatiques du personnage, et ce, tant sur les plans physique, moral que relationnel.

Brittany Sizzla, selon la bande image

Il Y a plusieurs façons d’aborder les représentations médiatiques véhiculées par le personnage d’une série. C’est pourquoi il s’agira de procéder par étape, en s’arrêtant d’abord sur la bande image, c’est-à-dire les caractéristiques physiques, mais aussi les actions entreprises par Brittany Sizzla.

La qualification différentielle, qui renvoie à l’aspect physique du personnage est particulièrement intéressante à décrypter. En effet, cette catégorie d’analyse constitue, sans nul doute, ce qui distingue radicalement Brittany Sizzla des autres protagonistes, et la rend aussi singulière. D’ailleurs, à la télévision, l’apparence physique demeure un élément fondamental de la représentation car elle constitue la première impression renvoyée aux téléspectateurs. Brittany Sizzla fait partie de ces personnages dont le style général mérite d’être détaillé.

Sa tenue vestimentaire et sa coiffure

Le style vestimentaire, aussi anodin que cela puisse sembler, est pourtant d’un intérêt majeur puisqu’il touche à un aspect fondamental de la représentation, à savoir: l’apparence. En effet, l’habit n’est pas un simple tissu servant à couvrir le corps humain, il est aussi et surtout porteur de significations: il suggère autant qu’il dissuade et voile autant qu’il dévoile. Le vêtement peut également être utilisé comme un moyen de revendiquer une appartenance sociale, il revêt donc un fort caractère communicationnel. A ce propos, le sociologue français Nicolas Herpin résume très bien la situation: « [d]ans la vie quotidienne, chacun est amené à interpréter le vêtement des personnes qu’il rencontre. A l’inverse, chacun compose sa mise en tenant compte du sens qui, dans une société, est attribuée aux tenues portées. [ … ] La tenue portée est, en effet, une source d’infonnations, sur la personnalité du porteur, sa position sociale, réelle ou revendiquée, et ses intentions; ces infonnations ne sont pas toujours fiables, mais il est difficile de ne pas en tenir compte» (1986, p. 35-36).

Dans le cas de Brittany Sizzla, plusieurs remarques peuvent être faites quant à ses tenues:
-Elles sont toutes, et sans exception, sportswear,
-Elles ne sont pas du tout féminines,
-Elles ont des coloris ternes, oscillant entre le gris, le kaki et le noir.

Ajouter à cela que la jeune femme se déplace en traînant les pieds, avec les mains dans les poches et une capuche sur la tête, ce qui est loin de contribuer à la rendre avenante. Bien au contraire. En fait, les vêtements sont souvent le reflet d’un état d’esprit ou d’une humeur .

Pour Brittany Sizzla, Ayisha Issa indique que c’est elle qui a choisi les vêtements du personnage « parce que moi je sais depuis le début pourquoi elle agit de manière à repousser le monde. Pour elle, être une femme, ça la rend trop vulnérable donc elle va essayer de prendre des choses, des outils un peu plus masculins pour garder sa dominance. C’est ça sa logique ». Ici, les habits du protagoniste lui servent donc de protection, de bouclier. Mais au-delà de ça, les dires de l’actrice illustrent parfaitement ce qu’écrivait Herpin il y a vingt ans: [ … ] le vêtement est un élément important dans la parade sexuelle. L’habit exprime aussi, de façon symbolique, des rapports d’autorité ou de prestige» (p. 36). C’est précisément ce que dégage Brittany Sizzla: une position de dominante asexuée. Cette position de domination sera d’ailleurs explicitée un peu loin lors de la présentation du modèle actantiel de Greimas.

Alors, bien qu’Ayisha Issa se soit vraiment approprié son personnage en donnant une signification particulière à ses faits et gestes, il n’en demeure pas moins difficile de lire entre les lignes de la série, en tant que téléspectateur, car à l’écran, tout ceci est loin d’être flagrant. C’est là qu’il est intéressant de constater que la tenue vestimentaire fait partie intégrante de la construction identitaire, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un personnage de fiction. L’habit est donc autant un élément constitutif de l’identité sociale réelle, que de l’identité sociale virtuelle, de par la manière dont Autrui l’interprète.

Ses tatouages et piercings 

Dans la société contemporaine, tatouages et piercings connaissent un succès grandissant et expriment l’affirmation d’une individualité. En effet, de par ces marques corporelles l’individu revendique le fait que son corps n’appartient qu’à lui, et lui seul. D’ailleurs, dans un récit de Russel Banks, le personnage de Chappie perçoit le tatouage de la manière suivante: « [ … ] je me sentais super-bien comme si j’étais une personne toute neuve avec un nouveau nom et même un nouveau corps. Ma vieille identité de Chappie n’était pas morte mais c’était devenu un secret. Un tatouage vous fait ce genre de choses: il vous fait penser à votre corps comme à un costume particulier que vous pouvez mettre ou enlever chaque fois que vous en avec envie. Un nom nouveau, s’il est suffisamment cool, a le même effet. Et faire l’expérience des deux en même temps, c’est connaitre le pouvoir ». Chappie a volontairement changé de nom pour devenir Bone, car un « os, c’est dur ».

Table des matières

Introduction
Chapitre 1: Mise en contexte
Chapitre 2: Concepts
2.1. Culture et identité
2.2. L’Autre
2.3. Des notions étroitement liées
Chapitre 3 : Problématique
3.1. Un constat qui ne date pas d’hier
3.2. Unité 9
3.3. La télévision, un média particulier
3.4. Le personnage de Brittany Sizzla
3.5. Orange is the New Black
Chapitre 4 : Cadre théorique
Chapitre 5 : Méthodologie
5.1. L’analyse de contenu
5.2. Entretiens semi-directifs
5.3. Analyse comparative avec Orange is the New Black
Chapitre 6 : Présentation et analyse des résultats
6.1. Brittany Sizzla, sous toutes les coutures
6.1.1. Brittany Sizzla, selon la bande image
6.1.1.1. Sa tenue vestimentaire et sa coiffure
6.1.1.2. Ses tatouages et piercings
6.1.1.3. Ses cheveux
6.1.1.4. Activités au sein de la prison
6.1.2. Brittany Sizzla, selon la bande sonore
6.1.2.1. Brittany Sizzla selon le modèle actantiel de Greimas
6.1.2.2. La langue, élément foncièrement identitaire
6.1.2.3. Les relations interpersonnelles de Brittany Sizzla
6.1.3. De Brittany Sizzla à Bouba
6.2. Un personnage, deux visions
6.2.1. La scène de trop
6.2.2. Une occasion manquée de sortir des sentiers battus
6.2.3. Et la représentativité ?
6.3. Comparaison avec la série Orange is the New Black
6.3.1. De Lietteville à Litchfield
6.3.2. De Bouba à Taystee
6.3.2.1. Tasha Jefferson selon le modèle actantiel de Greimas
6.3.2.2. Les relations interpersonnelles de Tasha Jefferson
6.3.3. Générique et environnement musical
Conclusion

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