Carboscories : carbonatation minérale en Nouvelle-Calédonie

Carboscories : carbonatation minérale en
Nouvelle-Calédonie

CARBONATATION MINERALE IN-SITU

 La carbonatation in-situ concerne deux cibles principales : • les réservoirs naturels de péridotites ; • les réservoirs naturels de basaltes, terrestres et océaniques. Sanna et coll. (2014) indiquent qu’une tonne de péridotite, en place, permet de stocker 630 kg de CO2, par injection de CO2 à 90°C à une pression partielle (pCO2) de 100 bar. Par rapport au contexte du projet Carboscories, Kelemen, Matter et coll. (2008, 2009, 2011), dont on peut citer les co-auteurs français Marguerite Godard et Philippe Gouze du Département de Géosciences de l’université Montpellier 2, font état de l’existence de vastes quantités d’ophiolites (~6000 km2) en Nouvelle-Calédonie, dont une très grande proportion est constituée de péridotites. Dans la mesure où la minéralisation in-situ nécessite l’injection de quantités massives d’eau, on conçoit que le verrou de la carbonatation in-situ est l’accès à la roche (et à l’eau), qui est contrôlé par sa porosité. Pour la minéralisation in-situ des massifs dolomitiques, Kelemen et Matter (2008) indiquent qu’un projet de minéralisation insitu comprendrait le forage du massif rocheux, la fracturation hydraulique du volume de roche pour créer la porosité nécessaire à l’injection, le pompage pour l’injection de fluides chauds pour le préchauffage du milieu à une température optimale de 185°C, puis l’injection de CO2 purifié à 25°C. La minéralisation in-situ des basaltes est aussi dépendante de la porosité, et implique des réactions de dissolution et de précipitation qui ne sont pas bien comprises à ce jour. Le projet CarbFix, auquel contribue le CNRS / Université Paul Sabatier de Toulouse (France), a été initié en 2007 et est le principal démonstrateur dans ce domaine. Le projet inclut la capture et la séparation des fumées émises par la centrale géothermique de Hellisheidi en Islande, le transport sur 3 km d’un flux enrichi en CO2 (98% CO2, 2% H2S), l’injection du CO2 entièrement dissous dans l’eau à pression élevée à une profondeur entre 400 et 800 m, la surveillance et la vérification du stockage. Le projet CarbFix concerne l’injection de 2200 tonnes de CO2 par an. La carbonatation minérale étant facilitée par la dissolution du CO2 dans la phase aqueuse, CarbFix injecte le CO2 entièrement dissous dans l’eau à un débit de 0,07 kg/s. Le CO2 injecté est isotopiquement marqué au C14, offrant une méthode directe pour étudier les réactions géochimiques de minéralisation de CO2 et pour quantifier le CO2 réellement stocké. L’injection a débuté fin 2010, et le projet CarbFix est aujourd’hui en cours d’analyse de carottes pour comprendre et quantifier la carbonatation qui a résulté de l’injection. Rapport bibliographique du projet «Carboscories» BRGM – Avril 2015 14 

CARBONATATION MINERALE EX-SITU 

La carbonatation ex-situ est de loin l’objet principal des recherches et développements en CM. Progressivement, la classification (voir Figure 1) des voies de CM qui s’est imposée distingue la Carbonatation Minérale Directe (CMD) et la Carbonatation Minérale Indirecte (CMI). La CMD rassemble des procédés dits « en une étape », où les étapes de lixiviation et de précipitation sont concomitantes et se déroulent dans l’enceinte d’un seul et même réacteur. Sanna et coll. (2014) caractérisent la CMD comme « the simplest approach », ce qui paraît bien réducteur dans la mesure où assurer la concomitance des étapes susmentionnées n’est pas chose simple, ces étapes nécessitant des conditions opératoires souvent antagonistes. Au sein de la CMD, on distingue les procédés en voie sèche, qui mettent en jeu des réactions gaz-solide, et les procédés en voie aqueuse, qui impliquent des suspensions et des réactions gaz-liquide-solide. Le procédé étudié par le consortium Carboscories s’inscrit dans les procédés de CMD en voie aqueuse. La CMI réunit les procédés au sein desquels l’étape de lixiviation des matières premières, qui aboutissent à la formation d’oxydes ou d’hydroxydes de Mg/Ca, et l’étape de carbonatation impliquant les cations lixiviés et le CO2 ne sont pas concomitantes, mais bien séquentielles. Par rapport à la CMD, la CMI paraît plus complexe du point de vue des équipements mis en jeu et de leur séquençage, mais est a priori bien plus simple du point de vue de la maîtrise des réactions et mécanismes mis en jeu. Quelles que soient les voies de CM, les facteurs qui conditionnent la performance des solutions développées sont : • la nature des matières premières ; • la consommation nette d’énergie, à laquelle peuvent contribuer de nombreux facteurs, comme les conditions de pression et température du procédé, le broyage mécanique utilisé pour obtenir une granulométrie adéquate (surface réactive) des matières premières, des prétraitements des matières premières visant à augmenter leur réactivité, la régénération d’additifs chimiques, etc. Si une température croissante diminue la dissolution du CO2 dans l’eau, elle augmente la cinétique de dissolution des roches. L’augmentation de la pression partielle de CO2 (pCO2) a un rôle favorable sur la solubilité et la spéciation du CO2 dans l’eau, aux températures adaptées à la CM ; • l’utilisation d’additifs chimiques ; • la consommation d’eau : le ratio des proportions solide-liquide (S/L) est un facteur d’efficacité important des procédés de CM en voie aqueuse ; • le taux de conversion des matières premières en carbonates ; • le temps de réaction, qui est conditionné par la cinétique des réactions limitantes. Pour la CMD en voie aqueuse, qui intéresse tout particulièrement le consortium Carboscories, l’étape limitante est la lixiviation, qui requiert la diffusion des cations hors de la phase solide. Cette étape est limitée par la faible acidité (concentration faible en protons) de la suspension, et freinée par la formation systématique de couches passivantes autour des Rapport bibliographique du projet «Carboscories» particules réactives, dont l’origine et les propriétés semblent très variables et dépendent de manière très sensible des matériaux et des conditions opératoires. 

CARBONATATION MINERALE INDIRECTE 

La Carbonatation Minérale Indirecte (CMI) regroupe les solutions technologiques qui utilisent plusieurs étapes de manière séquentielle. L’intérêt de la CMI est qu’elle offre la possibilité d’optimiser chacune des étapes séparément. Cela permet par exemple d’aller au terme de la dissolution des matière premières, mais aussi d’envisager de produire des carbonates purs en fin de procédé, les étapes précédentes ayant permis d’éliminer les autres phases et impuretés. A titre d’exemple, Munz et coll. (2009) ont montré qu’il est possible, à des pressions et températures bien contrôlées, de faire précipiter les carbonates et la silice séparément. La CMI repose sur une complexité technologique forte, qui implique plusieurs réacteurs et des changements de conditions opératoires, notamment de température et pH, le long du procédé. On retrouve parmi la CMI de nombreux procédés de pH-swing. L’étape de dissolution fait généralement appel à des acides et bases fortes (HCl, H2SO4 et HNO3), qui, s’ils ne sont pas régénérés à des coûts énergétiques significatifs, sont consommés lors du procédé. En attaquant une serpentine avec de l’acide chlorhydrique HCl à 150°C, puis en neutralisant la solution à la chaux NaOH pour obtenir un pH de 8, Lin et coll. (2009) ont pu faire précipiter la silice dans un premier temps, puis le Mg dissous sous forme de ( ) Mg OH 2 (s)en remontant le pH à 11. L’étape de carbonatation qui s’en suit consiste à faire réagir le ( ) Mg OH 2 (s) avec du CO2 dans une suspension aqueuse : Mg OH +4CO MgCO +H O ( )2 (s) 2 (g) 3 (s) 2 → Ce type d’approche pour la CMI, en dépit de la maîtrise des produits qu’elle offre, nécessite une quantité importante d’additifs et une consommation énergétique rédhibitoire pour leur régénération. Des acides organiques comme l’acide acétique par exemple (Teir et coll., 2007), donnant des pH faiblement acides, ou l’utilisation d’agents chélatants (citrate, oxalate ou EDTA) (Krevor et Lackner, 2009, 2011) dans des conditions d’acidité faible assurées par la dissolution du CO2, ont permis d’obtenir des taux et cinétiques de dissolution très élevés. Ces auteurs ne traitent pas dans leurs articles des questions de récupération du Mg, ni de la régénération des additifs, ce qui ne permet pas d’analyser la viabilité de ces options de CMI. Sanna et coll. (2014) ajoutent concernant ces travaux que les temps de dissolution obtenus (voir Figure 2), même dans le meilleur des cas, impliqueraient de très grandes installations pour être économiques. Notons que le consortium CARMEX a finalement fait la démonstration de la non-viabilité de la voie utilisant des agents chélatants (bonfils et coll., 2012). 

Table des matières

1. Introduction
2. Principes generaux de la carbonatation minerale
3. Carbonatation minerale in-situ
4. Carbonatation minerale ex-situ
4.1. Carbonatation minérale indirecte
4.2. Carbonatation minérale directe
4.3. Le procédé CARMEX
5. La valorisation des produits de mineralisation
6. Impact du procede de carbonatation minerale
7. Les demonstrateurs
8. Conclusion.
9. Bibliographie

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