Catalyseurs d’hydrotraitement Nature des sites actifs

Catalyseurs d’hydrotraitement Nature des sites actifs

Lors de l’hydrotraitement des essences, plusieurs types de réactions ont lieu: • l’hydrodésulfuration des composés soufrés qui peut faire intervenir des réactions d’hydrogénation, des réactions d’hydrogénolyse et des réactions d’isomérisation, • l’hydrogénation et l’isomérisation squelettale des hydrocarbures insaturés tels que les dioléfines et les oléfines; les conditions opératoires lors de l’hydrodésulfuration des essences étant trop douces pour permettre l’hydrogénation des aromatiques, • la recombinaison entre l’hydrogène sulfuré et les oléfines pour former des mercaptans. Compte tenu de la concentration en composés soufrés du milieu réactionnel, il est nécessaire d’utiliser des catalyseurs thio-résistants, c’est pourquoi les sulfures de métaux de transition (souvent à base de molybdène) sont généralement préférés. La nature exacte et le nombre des sites actifs des catalyseurs à base de sulfure de métaux sont l’objet d’un large débat scientifique. L’influence des promoteurs et des supports sur la nature des sites actifs est également mal connue et sujet à controverses. 

Catalyseurs non promus

 Origine de l’activité catalytique 

Les catalyseurs d’hydrotraitement non promus sont généralement à base de feuillets de sulfure de molybdène MoS2. D’après Prins [17], ces feuillets sont orientés de deux manières possibles sur l’alumine : soit parallèlement à la surface « basal bonding », soit perpendiculairement à la surface « edge bonding » (Figure 1- 1). La composition de ces structures planes est à l’heure actuelle bien connue, notamment grâce à de nouvelles techniques d’imagerie à l’échelle atomique (Figure 1- 2) [18].Bachelier et coll. [19] ont étudié l’impact de la teneur en oxyde de molybdène (entre 3 et 21% poids) sur les catalyseurs de type MoS2 /Al2O3. La réactivité d’un mélange composé de thiophène et de propène a montré qu’un maximum d’activité est observé pour 10% d’oxyde de molybdène. La sélectivité hydrogénation/hydrodésulfuration variant avec la teneur en molybdène, les auteurs en déduisent l’existence de deux sites actifs différents dont la distribution serait liée à la teneur en atome de molybdène. Kasztelan [20] a permis de mieux comprendre l’activité et la nature des sites catalytiques présents sur les catalyseurs MoS2 en étudiant les réactions d’isomérisation et d’hydrogénation de diènes (cis-1,3-pentadiene à 50°C et à pression atmosphérique) sur catalyseur MoS2 non promu. D’après l’auteur, ce sont les ions Mo qui sont actifs pour les réactions considérées. Compte tenu de la structure des cristaux de MoS2, tous les ions molybdène présents dans ce plan sont identiques. Kasztelan en conclut donc que l’hydrogénation et l’isomérisation sont réalisées par les mêmes ions molybdène, et selon lui, la différentiation des sites catalytiques ne peut pas s’expliquer par des localisations différentes des ions Mo 4+ . Le concept de dépendance de la nature de la réaction effectuée avec le degré d’insaturation de l’ion métallique a été proposé par Tanaka [21] pour l’hydrogénation des oléfines sur des sulfures : l’hydrogénation serait effectuée par un ion ayant trois insaturations de coordination tandis que l’isomérisation ne nécessiterait que deux insaturations de coordination. Selon cet auteur, c’est l’arrangement des ions sulfures et des lacunes à la surface qui déterminerait la réaction effectuée bien que tous les atomes de Mo soient identiques. Certains auteurs mettent en avant la compétition souvent observée entre les réactifs et proposent que ceux-ci interagissent avec le même ion Mo 4+ (site unique). D’autres notent que les sélectivités varient souvent différemment lorsque des paramètres de compositions ou de conditions de sulfuration changent et proposent l’existence de sites différents. En avançant une différence de sélectivité selon l’environnement de la molécule adsorbée et donc de l’état de surface de la phase active pendant la réaction, les théories de Kasztelan et de Tanaka se veulent « réconciliatrices » des interprétations de la littérature portant sur la nature des sites actifs en hydrotraitement. Quel que soit le nombre de sites actifs, il a été largement reconnu que les lacunes en anions S 2- au niveau des feuillets de MoS2 sont responsables de la formation de sites de coordination métalliques insaturés (« coordinatively unsaturated sites » CUS) [12, 22] et que ces derniers sont essentiels pour l’activité des catalyseurs aussi bien en hydrogénation qu’en hydrodésulfuration. La revue de Breysse et coll.[23] rassemble un certain nombre de travaux relatant le rôle de la phase sulfure pour les catalyseurs de type MoS2/Al2O3. Ainsi, la phase sulfure serait essentielle pour dissocier l’hydrogène hétérolytiquement (1) ou homolytiquement (2) grâce à des sites constitués de vacances et d’ions S 2- , puis cet hydrogène adsorbé migrerait vers la phase alumine afin d’être stocké. La dissociation de l’hydrogène sulfuré (3) s’effectuerait sur les même sites que dans le cas de l’hydrogène et ces deux molécules rentreraient en compétition directe.

Influence de l’empilement 

Le modèle Rim-Edge

 Dans les catalyseurs non promus, les atomes de molybdène sont présents dans des empilements de feuillets MoS2 maintenus par des forces de Van der Waals [12]. Il a été établi [24] que les réactions d’hydrotraitement sur les catalyseurs non promus s’effectuaient sur des sites associés avec les plans de bord: c’est le modèle « Rim-Edge ». Ce modèle a été développé en étudiant les réactions se produisant à partir du dibenzothiophène sur un catalyseur MoS2. Selon Daage et Chianelli [24], deux types de sites catalytiques existeraient (Figure 1- 3). Des sites « rim », actifs en hydrodésulfuration et en hydrogénation pour les grandes molécules comme le dibenzothiophène (3 lacunes de soufre), seraient présents au sommet et à la base des multi couches de MoS2. Les couches contenues entre les extrémités présenteraient des sites « edge », actifs en hydrodésulfuration seulement (une seule lacune de soufre). La concentration des différents sites dépendrait directement de la morphologie des cristaux de MoS2. Cependant, ces conclusions sont basées sur l’étude du dibenzothiophène seul et l’encombrement stérique de cette molécule n’est pas pris en compte. 

Le degré d’empilement

 En maîtrisant la croissance des empilements de cristaux, il paraîtrait donc envisageable de modifier la sélectivité d’un catalyseur, cependant, dans la pratique, il est très difficile de modifier significativement la morphologie d’un catalyseur et notamment son degré d’empilement. L’objectif des travaux de Da Silva [25] était d’étudier l’influence de la hauteur de l’empilement de feuillets de MoS2 sur l’activité et la sélectivité du système catalytique MoS2/Al2O3 pour des réactions d’hydrogénation, d’hydrodésulfuration et d’hydrodésazotation. Il s’est avéré impossible de faire varier l’empilement, seule la longueur des feuillets a pu être modifiée via la teneur en molybdène et la température de sulfuration. En travaillant sur l’hydrogénation du méthylnaphtalène et l’hydrodésulfuration du dibenzothiophène, cet auteur a souligné à son tour le rôle prépondérant des atomes de molybdène de bord et de coin dans l’activité catalytique. En revanche, Hensen et coll. [26] ont réussi a faire varier le degré d’empilement des feuillets de MoS2 de manière significative: entre 1,4 et 2,7, en faisant varier le support du catalyseur (Tableau 1- 1, Tableau 1- 2). En opposition aux conclusions de Daage et Chianelli, Hensen et coll. ont observé qu’un degré d’empilement plus élevé ne modifiait pas la sélectivité HDS/HYD dans le cas de l’hydrodésulfuration du dibenzothiophène (DBT) (Tableau 1- 2), car les deux réactions sont favorisées de la même manière avec l’augmentation du degré d’empilement. Ils en concluent que les réactions d’hydrodésulfuration et d’hydrogénation du DBT se réalisent via une adsorption planaire orientée. Dans le cas de molécules de taille plus petite comme le thiophène (Tableau 1- 1), seule la réaction d’hydrogénation est favorisée par l’augmentation du degré d’empilement. Les différences observées d’empilement et d’activités catalytiques pourraient être dues au changement de support. De plus les fractions d’atomes de mo- Chapitre 1: Etude bibliographique 32 lybdène disponibles à la surface catalytique sont très variables, ce qui rend difficilement interprétable les résultats expérimentaux de ce travail. En effet il a été établi que la quantité des atomes de molybdène est corrélée à l’activité catalytique [19]. Hensen conclut en insistant sur la complexité du système étudié car l’activité du catalyseur dépend de nombreux facteurs dont l’interaction métal-support, la morphologie de la phase MoS2, le choix du support et la taille des réactifs.

Influence de la nature du support 

L’influence de la nature du support sur l’activité catalytique est unanimement reconnue, mais en ce qui concerne l’influence sur les sélectivités, des contradictions subsistent. Hensen et coll.[26] ont étudié cette influence sur les réactions d’hydrodésulfuration et d’hydrogénation du thiophène et du dibenzothiophène ainsi que l’hydrogénation du toluène sur des catalyseurs non promus. Ils ont pu observer que le changement de support faisait varier largement la dis- Chapitre 1: Etude bibliographique 33 persion des agrégats MoS2 ainsi que leur morphologie en évaluant la fraction d’atomes de molybdène localisés sur les bords des feuillets de MoS2 ainsi que l’empilement moyen. Alors que l’utilisation du nitrilotriacétate (NTA) permet d’améliorer le degré d’empilement par rapport au catalyseur de base Mo/Al, il fait diminuer considérablement la dispersion des agrégats MoS2, cet effet étant expliqué par la diminution de l’interaction support-métal. L’utilisation de la silice comme support permet d’obtenir un degré d’empilement plus élevé mais en revanche, la proportion des atomes de molybdène de bord est plus faible (les cristallites sont plus gros). Zdrazil [27] a, quant à lui, observé une légère différence de sélectivité du taux d’hydrogénation / taux d’hydrogénolyse des liaisons C-S lors de l’hydrodésulfuration du benzothiophène (21 bars, 270°C) sur des catalyseurs MoS2 sur alumine d’une part et carbone d’autre part. L’intermédiaire hydrogéné dihydrobenzothiophène (DHBT) est plus présent dans le cas du catalyseur dont le support est de type carbone. La différence serait attribuée à une meilleure dispersion de la phase active dans le cas de l’alumine. L’ensemble de ces travaux semble montrer un effet important de la dispersion des agrégats et de la force des liaisons métal-support sur l’activité catalytique. En revanche, Miller et coll. [28] n’ont pas observé de différence significative de réactivité, ni de sélectivité lors de l’étude de l’hydrodésulfuration d’une essence de FCC en faisant varier la nature des supports de catalyseurs de type MoS2. L’activité d’hydrodésulfuration sur le catalyseur supporté par la silice est du même ordre de grandeur que celle observée sur le catalyseur supporté par l’alumine. Quant à l’addition de césium, censé rendre le support plus basique, elle n’a eu aucun effet. Ces auteurs concluent que l’activité catalytique est indépendante de la composition du support et de ses propriétés physiques ainsi que de la taille des particules de MoS2. La sélectivité observée s’explique selon lui, par l’existence d’un seul type de site actif et par une adsorption préférentielle des composés soufrés sur ces sites, bloquant ainsi l’accès aux oléfines. Les travaux récents de Benbelkacem et Bouchy [29] sur le dopage au lanthane de supports alumine vont dans le sens des travaux de Miller. Le dopage au lanthane a permis de diminuer l’acidité du support alumine gamma tout en conservant les propriétés électroniques de la phase MoS2. Les résultats obtenus n’ont pas montré d’effet bénéfique de la part du lanthane sur la sélectivité et l’activité hydrodésulfurante s’est vue diminuer. Ce dernier phénomène est attri- Chapitre 1: Etude bibliographique 34 bué à la diminution de la quantité de sites actifs sur le catalyseur dopé (hypothèse confirmée par l’analyse Infra Rouge d’adsorption de CO). La connaissance des catalyseurs non promus et de la nature de leurs sites actifs apparaît loin d’être complète à l’heure actuelle. Depuis l’amélioration majeure des catalyseurs par l’ajout d’un promoteur, les catalyseurs de type MoS2 non promus sont devenus assez peu intéressants aux yeux des industriels et les recherches se focalisent vers les catalyseurs de type CoMo ou NiMo, nettement plus actifs. Cependant, comprendre le système non promu est une première étape très importante pour les chercheurs afin de mieux comprendre les systèmes promus. 

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