Comportement et Modélisation des Elastomères

Comportement et Modélisation des Elastomères

Introduction et généralité sur les élastomères

Les élastomères appartiennent à la famille des hauts polymères, c’est-à-dire qu’ils sont constitués de chaînes macromoléculaires plus ou moins longues, avec ou sans ramifications. Ceci leur confère un point de fusion assez bas permettant une mise en forme aisée, une faible rigidité et une grande déformabilité. Ces propriétés font qu’il sont de plus en plus présents dans les industries aéronautique, automobile, du bâtiment… Ils sont utilisés sous forme de caoutchoucs (i.e. pratiquement sous forme brute), matières plastiques, vernis… Pour se restreindre à des utilisations mécaniques, on pourra citer leur emploi : – dans des pièces se substituant à des ensembles mécaniques complets, tels que les bras élastomériques développés dans l’industrie aéronautique, composés de baguettes de composites noyées dans une matrice élastomérique dont le rôle est, sur un hélicoptère, de remplacer les trois articulations d’une pale ; – en tant que matrice de multimatériaux ; cette technologie est notamment utilisée dans la fabrication de lamifiés métal-élastomère, ou encore dans les pneumatiques ; – dans des pièces qui mettent à profit leur grande déformabilité telles que les DIAS d’Ariane V chargés de transmettre les charges de poussée à la structure en l’isolant des oscillations ; – sur de nombreux mécanismes exploitant le pouvoir amortissant de certains d’entre eux. Il est possible de distinguer deux grandes familles d’élastomères, les caoutchoucs à usage général et ceux à usage spécifique. A l’état initial, l’élastomère est dans un état caoutchoutique, c’est-à-dire que les chaînes macromoléculaires peuvent glisser les unes sur les autres (c’est l’état, entre autre, du caoutchouc naturel). Ces libertés de déplacement permettent au matériau de subir de grandes déformations sans rupture. Cependant, les macromolécules étant indépendantes les unes des autres, le retour à l’état initial ne peut se faire sans une intervention extérieure, en vue d’augmenter ou d’établir son pouvoir de recouvrement élastique. Des liaisons entre les chaînes sont mises en place, créant ainsi un réseau tridimensionnel qui solidarise les chaînes entre elles. C’est ce qu’on appelle la vulcanisation ou réticulation des élastomères. Ce traitement confère alors à notre matériau trois plages de comportement, dépendant de la température d’utilisation. FIG. II.1 est représentée l’évolution du module d’Young en fonction de la température. Bien que schématisées, les transitions brutales d’un état à l’autre sont assez représentatives de la réalité. A des températures assez basses, on est en présence d’un palier de comportement i.e. les caractéristiques du matériau sont pratiquement indépendantes de la température. L’élastomère ne possède pas encore ses propriétés de haute déformabilité et de faible rigidité : il est en état vitreux, le module d’Young est de l’ordre du Gpa et a un comportement fragile. Une augmentation de la température conduit le matériau dans une zone de transition vitreuse que l’on a l’habitude de centrer (à ±25%) autour de la température de transition Tg. Dans cette zone, une partie des liaisons commence à rompre, ce qui permet ainsi un glissement d’une partie des chaînes les unes par rapport aux autres. Le comportement de l’élastomère est alors viscoélastique et les coefficients matériau sont fortement dépendants de la température. Enfin, si la température est bien au dessus de Tg, le matériau se trouve alors dans un état caoutchoutique. Le comportement en début de zone s’apparente à de l’hyperélasticité ou de la visco-hyperélasticité avec un module de Young égal à environ 1/1000e de celui de l’état vitreux. En fin de zone, on est en présence d’un écoulement. Il est évident que les propriétés de l’élastomère vont dépendre de sa vulcanisation, de sa composition mais aussi en grande partie, de la nature des adjonctions qui vont y être incorporées. Ces charges seront, dans la plupart des cas, des noirs de carbone ou des silices. Une description plus approfondie de leurs effets sera faite au § II.1.4 concernant les approches micromécaniques du comportement.

Comportement hyperélastique

Les élastomères sont souvent utilisés pour leur grande faculté de déformation. Cependant, ces chargements importants font apparaître plusieurs problèmes, en particulier la non-linéarité des déformations par rapport aux contraintes et le dépassement du cadre des petites perturbations (∇X~u 6= O( ¯¯F − ¯¯1)). Une manière de contourner ces difficultés, est d’utiliser une énergie libre de type hyperélastique. On obtient, à partir des résultats du chapitre I, pour un matériau isotrope, non dissipatif, dans le cas isotherme et sous les hypothèses , les lois de comportement  qui, avec les équations d’équilibre , définiront complètement l’évolution du matériau.On voit que le comportement du matériau ne dépend que du choix de l’énergie libre. Ce type de formulation peut être utilisé notamment pour des caoutchoucs naturels éventuellement chargés avec des particules de noir de carbone. 

 Energie libre

La littérature présente principalement deux catégories d’énergies libres (et par conséquent deux modèles, le comportement étant complètement déterminé par son choix). On distingue donc les approches statistiques et phénoménologiques. De nombreuses formes de l’énergie ont été proposées, des revues plus complètes sont proposées par Boukamel [1988] ; Jazzar [1993]. Ici ne seront présentées que les plus utilisées. • Approches statistiques Ces approches ont pour fondement des considérations de structures moléculaires. Une des principales, réalisée par Treloar [1943], est basée sur une étude thermodynamique et statistique d’un élastomère réticulé. Elle suppose une distribution gaussienne de la distance entre les extrémités des chaînes, l’équirépartition des points de réticulation, la prise en compte de l’entropie comme la somme des entropies élémentaires des chaînes et une transformation isochore (incompressibilité du matériau). Sous ces hypothèses, cette approche permet d’aboutir à une expression de l’énergie libre spécifique dite de Néohooke : ψ = 1 2 NkT(I1 − 3),avec N, le nombre de chaînes moléculaires par unité de volume, T la température absolue, et k la constante de Boltzmann. Le domaine de validité de cette description est d’environ 50% de déformation locale. D’autres études, modifiant l’une ou l’autre des hypothèses du modèle néohookéien, conduisent à des théories quelque peu modifiées. • Approches phénoménologiques Ces théories s’appuient sur des démarches purement mathématiques et expérimentalement corrélées [Treloar, 1957]. On expose ci-dessous les principaux modèles couramment utilisés pour des matériaux à transformation isochore : – Modèle de Mooney-Rivlin : ψ = a1(I1 − 3) + a2(I2 − 3). (II.3) Cette expression peut être considérée comme valide pour des plages de déformation pouvant aller jusqu’à 100%. – Modèle de Mooney : ψ = X 0≤m≤∞ 0≤n≤∞ amn(I1 − 3)n (I2 − 3)m, (II.4) Le domaine de validité de la généralisation du modèle précédent dépend du degré du polynôme choisi. – Modèle de Gent-Thomas [Gent et Thomas, 1973] ψ = a1(I1 − 3) + a3 ln(I2 3 ) (II.5) Cette description permet une modélisation correcte pour des déformations inférieures à 200%. – Modèle de Hart-Smith [Hart-Smith, 1966] ψ = a1 Z exp(a2(I1 − 3)2 )dI1 + a3 ln(I2 3 ) (II.6) Cette énergie libre spécifique décrit correctement le matériau pour des déformations inférieures à 500%. – Modèle de Ogden [Ogden, 1972] L’auteur de ce modèle choisit de faire intervenir les dilatations principales (1) (λ1, λ2, λ3) 

Incompressibilité et quasi-incompressibilité 

La solution d’un problème hyperélastique peut être déduite de la résolution des équations locales. Une autre approche consiste à chercher le champ minimisant l’énergie potentielle du système sur l’espace des champs de déplacement cinématiquement admissibles V, en imposant ou non une contrainte d’incompressibilité. (II.10) De manière plus générale, dans le cas d’un matériau hyperélastique, isotrope, incompressible ou quasi-incompressible, il est commode de considérer l’énergie libre spécifique sous la forme [Ogden, 1972 ; Chen et al., 1997] : ψ = ψ¯( ¯I1, ¯I2) + 1 ε G(J), (II.11) avec ¯I1 = I1I −1/3 3 , ¯I2 = I2I −2/3 3 , où ε est un petit paramètre positif décrivant le degré d’incompressibilité du matériau. Le cas ou ε = 0 correspond au cas incompressible, G(J) étant nulle aussi, on décline alors ψ sous la forme : ψ = ψ¯( ¯I1, ¯I2) = ψ¯(I1, I2). 

Comportement viscoélastique

Les modèles hyperélastiques présentés ci-dessus ne rendent pas compte de la sensibilité de certains matériaux à la vitesse de chargement, d’un caractère dissipatif ou d’un éventuel décalage de la réponse par rapport à la sollicitation. Ces phénomènes relèvent du caractère viscoélastique des élastomères. Même si ce phénomène est assez bien maîtrisé dans le cadre des petites déformations (combinaison des lois d’élasticité linéaire, de la théorie de la viscosité de Newton et le principe de superposition de Boltzmann [Christensen, 1971]), il n’en va pas de même pour les grandes transformations, où la viscoélasticité demeure un important domaine d’investigation. Dans ce cadre, deux grandes approches se détachent : – les formulations intégrales qui considèrent les contraintes comme une fonction de l’histoire des contraintes, – les formulations différentielles, qui sont principalement axées sur la théorie de l’état associé (cf. H. I.1), des matériaux standards généralisés ou des relations d’Onsager. Cette approche est pour une grande part basée sur les équations présentées au chapitre I.

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