Conception, fabrication et validation structurale des coques d’un catamaran de type Class-C

Les catamarans de type Class-C comptent aujourd’hui parmi les bateaux définis avec le règlement le plus souple, et également parmi les bateaux de sport les plus performants. En effet, la Class-C est une classe de développement qui permet aux équipes de développer des innovations à tous les niveaux, aussi bien lors des étapes de conception que de fabrication. La Class-C est ainsi le lieu de l’introduction de nombreux concepts, dont les performances sont jugées à la compétition de la Little Cup, dite Petite Coupe de l’America.

Actuellement les composants emblématiques de la Class-C sont les ailes rigides et les hydrofoils, qui génèrent une portance verticale permettant de sortir les coques de l’eau. Ces technologies intégrées sur des catamarans assurent un gain majeur de performances en navigation.

L’utilisation des hydrofoils rend le poids des Class-C d’autant plus discriminant que la vitesse des bateaux est décuplée en situation de vie de vol. En régate, l’objectif des équipes est de maximiser le temps de vol. Les matériaux composites sont présents sur les catamarans ClassC depuis plusieurs éditions de la Little Cup, et les avantages de conception associés à ces matériaux anisotropes se renforcent donc depuis l’intégration des hydrofoils. En effet les concepteurs ont la possibilité de concevoir un stratifié optimisé suivant les directions principales et les zones d’application des chargements. L’objectif de la conception des coques est alors de concevoir un stratifié qui minimise la masse du bateau tout en maximisant sa rigidité.

Le présent mémoire s’inscrit dans la continuité des travaux d’une équipe étudiante de l’ÉTS qui a conçu et fabriqué le premier Class-C étudiant, équipé d’une aile rigide et d’hydrofoils. Ce catamaran a été fonctionnel et l’enjeu des travaux aujourd’hui est de rassembler les connaissances acquises lors du premier projet pour concevoir un nouveau Class-C, Rafale II, avec des composants optimisés. Dans ce contexte, ce mémoire a donc pour objet la conception, la fabrication et la validation structurale des coques du bateau. Ce travail comporte la définition des structures et des cas de chargements appliqués aux coques, puis le choix des procédés de fabrication et le choix des matériaux. Les coques sont ensuite dimensionnées, et fabriquées. Enfin le dimensionnement mécanique des coques est validé par acquisition de données sous chargement.

Présentation d’un catamaran de type Class-C 

Les catamarans de la Class-C sont issus de la classification de Breeche Moore, élaborée dans les années 1960 pour cadrer le développement des catamarans. Cette classification définit quatre classes, de A à D, avec quatre paramètres : la longueur maximale, la largeur maximale, la surface totale de voilure et le nombre d’équipiers.

Tandis que les autres classes ont évolué, la Class-C a maintenu ses règles inchangées. Ainsi les catamarans Class-C doivent respecter les règles exhaustives suivantes :
• longueur maximale : 25 pieds,
• largeur maximale : 14 pieds,
• surface de voilure maximale : 300 pieds carrés,
• nombre d’équipiers : 2.

Les concepteurs des catamarans Class-C sont donc libres sur la géométrie des coques et de la voilure, sur les matériaux, et les procédés de fabrication (Killing, 2009). Une limitation a cependant été intégrée de sorte que les actionneurs électriques sont proscrits à bord du bateau en compétition : les seuls actionneurs autorisés sont les membres de l’équipage.

Cas de chargement principaux

Types de cas de chargement 

L’environnement d’un bateau est constitué de l’air, l’eau, l’équipage, et la Terre. Le bateau interagit donc avec ces quatre entités, et il faut considérer dans la conception d’un bateau que l’environnement est variable : les périodes et amplitudes des vagues sont irrégulières, le vent varie en intensité et direction. En conséquence de ces variations, le bateau est équipé de deux types de réglages :

1) réglages statiques : avant la navigation, ou ponctuellement durant la navigation, l’équipage règle des paramètres, comme par exemple la tension des haubans. Ces réglages sont utilisés pour des variations globales de l’environnement, dont le temps caractéristique est de l’ordre de l’heure ou supérieur;
2) réglages dynamiques : durant la navigation, l’équipage règle certains paramètres en continu, comme par exemple l’angle d’attaque des safrans, qui est ajusté par le barreur.

L’équipage perçoit différents indicateurs (ondes de risées visibles sur l’eau, observation des vagues, forces de réaction ressenties dans les commandes de réglages dynamiques etc.). Il interprète les indicateurs, puis effectue les réglages dynamiques en anticipation ou en réaction. L’équipage ajoute donc des variables dynamiques à l’environnement du bateau (Aubin, 2017).

Pour faciliter les calculs, on distingue plusieurs cas de chargement (Martin, 2006) :
1) cas de chargement statique équivalent : les efforts constants, le bateau est à l’équilibre;
2) cas de chargement dynamique : le catamaran est soumis aux variations dynamiques d’environnement;
3) cas de chargement exceptionnel : le bateau est dans une configuration non souhaitée. Ex : chavirage.

Généralement l’ensemble de la démarche de recherche est mené avec le cas de chargement statique. Pour intégrer le cas de chargement dynamique aux calculs, un facteur de sécurité est appliqué aux résultats d’études du cas de chargement statique. Ce facteur de sécurité est de 2 dans le cadre du catamaran de course au large Orange II, par souci accru de fiabilité (Martin, 2006). Pour le catamaran Class-C Groupama participant à l’ICCCC 2015, le coefficient dynamique appliqué est de 1,4 (Grossmann, 2016).

Étude de la stabilité du bateau 

Dans les trois situations de vie, le bateau atteint un équilibre stable.

La stabilité en translation selon l’axe Z   est assurée en situation de vie I par la variation du volume immergé de la coque, soumise à la poussée d’Archimède. En situation de vie III, la stabilité verticale est assurée par la variation de surface portante des hydrofoils en V (Vellinga, 2009) : lorsque le bateau s’élève de ∆z, la surface portante diminue, et inversement. Le bateau évolue donc autour de sa position d’équilibre en hauteur, qui est fonction de la vitesse de déplacement du bateau dans l’eau Vbateau. L’équipage ajuste également l’angle d’attaque de l’hydrofoil pour maximiser (L/D)hydro.

Dans les trois situations de vie, la stabilité en translation selon l’axe X (stabilité en dérive) est donnée principalement par le plan vertical des dérives portantes. Une composante d’antidérive est également donnée par la trainée des coques, dans les situations de vie I et II. Lorsque le bateau dérive , l’angle d’attaque de la partie verticale de l’hydrofoil augmente : la dérive diminue. Le bateau est donc stable en dérive.

Selon l’axe Y, la force aérodynamique de l’aile rigide a une composante motrice, qui est compensée par la trainée hydrodynamique (hydrofoils et/ou coques) et aérodynamique, qui comprend la trainée de l’aile et le fardage. Une augmentation de Vbateau implique l’augmentation de Vapparent (vitesse du vent par rapport au bateau), qui est la somme vectorielle de la vitesse du vent réel (vitesse du vent par rapport à la terre) et de Vbateau. Quand Vbateau augmente, la portance de l’aile rigide augmente, cependant à réglage fixe, l’angle d’attaque de l’aile rigide diminue. Et dans un même temps, la traînée du bateau augmente. La vitesse longitudinale du bateau se régule ainsi. Il est à noter que si l’angle d’attaque de l’aile rigide diminue géométriquement, l’équipage a toutefois la possibilité de régler l’angle d’attaque de l’aile. Par conséquent, lorsque le bateau accélère, l’équipage augmente l’angle d’attaque de l’aile. Ainsi la bateau continue d’accélérer jusqu’à atteindre l’équilibre avec la trainée du bateau. Et dans le cas d’un bateau à faible traînée comme un catamaran Class-C, Vbateau excède généralement la vitesse Vréel.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTERATURE
1.1 Présentation d’un catamaran de type Class-C
1.1.1 Composants principaux d’un catamaran et principes de navigation
1.1.2 Cas de chargement principaux
1.1.2.1 Types de cas de chargement
1.1.2.2 Cas de chargement statique sur un catamaran Class-C
1.1.2.3 Étude de la stabilité du bateau
1.2 Modélisation de structure composite
1.2.1 Modélisation analytique
1.2.2 Modélisation par éléments finis
1.3 Options de fabrication dans un contexte de bateau et de coques minces
1.3.1 Procédés de fabrication
1.3.2 Types de structures
1.3.3 Assemblage de structures composites
CHAPITRE 2 CONTEXTE ET CAS DE CHARGEMENT
2.1 Conception de la géométrie des coques
2.1.1 Géométrie externe des coques
2.1.2 Conception de la géométrie de la structure interne
2.1.2.1 Cloisons de traverses
2.1.2.2 Cloisons d’implantation du haubanage
2.1.2.3 Cloison légère
2.1.2.4 Raidisseurs avant
2.1.2.5 Cloisons de puits de dérive
2.1.2.6 Cloison arrière
2.2 Objectifs de conception
2.3 Cas de chargement de dimensionnement
2.3.1 Équilibre statique du bateau
2.3.1.1 Modélisation statique du bateau
2.3.1.2 Détermination des coordonnées des points d’application
2.3.1.3 Détermination des efforts
2.3.1.4 Sorties du modèle
2.3.2 Cas de chargement exceptionnel
2.3.3 Précontraintes
2.4 Matériaux utilisés
2.4.1 Matériaux de peau
2.4.2 Matériaux d’âme
2.4.3 Matériaux d’assemblage et de renforcement local
2.4.3.1 Assemblage des panneaux d’âme
2.4.3.2 Renforcement local
2.4.3.3 Assemblage des structures
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE ET CONCEPTION PRÉLIMINAIRE
3.1 Stratégie de modélisation
3.2 Test préliminaire
3.2.1 Objectifs
3.2.2 Fabrication
3.2.3 Observations au microscope optique
3.2.3.1 Comparaison des propriétés entre deux parois/ au niveau d’une paroi de nid d’abeille
3.2.3.2 Compaction entre deux parois en fonction de la zone
3.2.3.3 Comparaison des propriétés en Z+ et Z-
3.2.3.4 Comparaison des propriétés de lèvre de collage avec et sans silicone
3.2.3.5 Comparaison des propriétés du stratifié suivant la méthode de transition sandwich vers monolithique
3.2.4 Essai de flexion
3.2.4.1 Test expérimental de flexion trois points
3.2.4.2 Modèle FEM
3.2.4.3 Modèle analytique
3.2.5 Bilan et choix des matériaux
3.3 Pré dimensionnement du stratifié
3.3.1 Modèle
3.3.1.1 Choix de modélisation des constituants
3.3.1.2 Géométrie et maillage
3.3.1.3 Matériaux et propriétés
3.3.1.4 Conditions aux limites
3.3.1.5 Chargements
3.3.2 Analyse et post-processus
3.3.3 Recommandations sur le choix du laminé
CHAPITRE 4 MODÉLISATION DES CAS DE CHARGEMENT PRINCIPAUX ET DÉTERMINATION DU STRATIFIÉ
4.1 Modèle par éléments finis détaillé
4.1.1 Choix de modélisation des constituants
4.1.2 Géométrie et maillage
4.1.3 Matériaux et propriétés
4.1.4 Conditions aux limites
4.1.5 Chargements
4.2 Analyses et post-processus
4.2.1 Critère de rupture
4.2.2 Critère de flambage
4.2.3 Évaluation des déformations de la plateforme
4.3 Choix du stratifié
CHAPITRE 5 FABRICATION DES COQUES
5.1 Outillage
5.1.1 Moules
5.1.2 Contre-moules et inserts d’assise
5.2 Stratification des demi-coques et de la structure interne
5.3 Dispositif de cuisson
5.4 Cycle de cuisson
5.5 Assemblage
5.5.1 Assemblage des cloisons
5.5.2 Assemblage des demi-coques et finition
CHAPITRE 6 VALIDATION DU MODÈLE ÉLÉMENTS FINIS
6.1 Matériel d’acquisition de données
6.2 Choix position des jauges et cellules de charge
6.3 Montage et acquisition
6.4 Comparatif expérimental/ modèle
6.5 Navigations et considérations qualitatives
CONCLUSION

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