Contraintes de production et premières sélections

Contraintes de production et premières sélections

Afin de comprendre comment les images d’archives sont utilisées dans un journal télévisé, intéressons-nous au fonctionnement et à la construction d’une édition. Avant qu’une séquence d’images soit recyclée, il faut qu’un fait devienne un événement et que cet événement soit « choisi » par une rédaction comme digne d’intérêt pour figurer dans son édition. Ensuite, d’événement, il doit devenir événement médiatique, être mis en images ; il sera filmé puis les images seront montées pour constituer un reportage ; une fois encore, comme le disait Henri Cartier Bresson, il sera nécessaire d’effectuer de nouvelles sélections. Ce n’est qu’au terme de ce parcours que certaines images deviendront des archives. Pour étudier la communication journalistique, à travers la communication documentaire, il faut expliciter, en amont, les différentes étapes de sélections pesant sur les documents avant que ceux-ci ne revêtent le statut d’archives. C’est-à-dire analyser l’ensemble des sélections effectuées tout au long de la chaîne de production : du choix des sujets à la diffusion de ceux-ci ; ce qui constitue les étapes préliminaires de la « création » d’archives.

Nous verrons, dans ce chapitre, que la réalisation des reportages d’un journal télévisé est, elle-même, le résultat de nombreuses contraintes qui pèsent sur les images et qui déterminent celles qui, en aval, seront soumises au traitement des documentalistes. C’est pourquoi, pour avoir une vision claire des pratiques de la communication documentaire, il faut considérer cette dernière comme incluse et dépendante d’un système supérieur commerciaux et en relation avec d’autres partenaires tels les agences de presse ou les groupes de communication. Enfin, d’après nos observations et lectures, même si elle diffère des autres par les moyens financiers qu’elle met en oeuvre et par sa ligne éditoriale, il semble que chaque chaîne de télévision fabrique ses sujets d’actualités de manière plus ou moins identique, qu’il s’agisse de M6, LCI ou Al-Jazeera. À la différence de certains titres de la presse écrite, l’entreprise de presse audiovisuelle est toujours intégrée à une chaîne de télévision appartenant elle-même à une autre instance dont les objectifs poursuivis sont pour la plupart commerciaux. Pourtant, comme le précise Jean-Charles Paracuellos141, dans son ouvrage sur l’économie des médias, à qui j’emprunte le titre de cette sous-partie, le poids des chaînes de télévision dans le tissu économique d’un Etat est très modeste.

Car, dans aucun pays, la part de l’économie de la télévision dans le PIB ne dépasse 1% et ce, même si nous incluons les Effectivement, il est impossible d’analyser le discours tenu par la télévision sans prendre en compte les fortes contraintes économiques qui pèsent sur les conditions de fabrication des programmes de ce média. Si la pression économique de la rentabilité se comprend aisément pour les chaînes privées, le débat, initié en 2008, concernant la suppression de la publicité sur le réseau public français met en lumière les moyens entreprise de télévision dépend avant tout des moyens financiers que ses propriétaires (Etat ou actionnaires) sont prêts à risquer pour elle en fonction d’objectifs de rentabilité (ou de moindre perte) et/ou d’influence. Cette logique de rentabilité joue au niveau de chaque programme. Pourtant, tous les programmes de la grille ne sont pas soumis à une comptabilité analytique rigoureuse, mais le souci de rendement reste présent partout. Autrement dit, un programme dispendieux doit générer de l’audience. Au vu de ces considérations de rentabilité, l’entreprise de presse audiovisuelle se voit obligée d’adopter des stratégies économiques et de développement en adéquation avec celles de son groupe d’appartenance. C’est-à-dire qu’incluse dans une entreprise audiovisuelle fabriquant d’autres programmes que le journal télévisé, la rédaction est soumise à une mutualisation de nombreux services, comme ceux de l’administration.

Au niveau strict de la création de l’information audiovisuelle, il existe une séparation entre les services de l’administration et ceux de la rédaction. Bien que les services administratifs n’interviennent que dans une moindre mesure sur la réalisation concrète du journal télévisé, il convient de garder à l’esprit que la rédaction n’est pas une entité indépendante possédant ses propres structures et moyens d’action mais un « simple » service au sein d’une entreprise. Pour illustrer cette réflexion, nous pouvons, par exemple, remarquer que la durée du Six’ du dimanche est dépendante des autres programmes de la grille, et en particulier de la durée du Sport Six. Ce qui signifie qu’il faut intégrer le service de la rédaction nationale dans la logique d’un groupe et d’une grille de programmation. De plus, afin de mesurer la taille humaine et réduite de la rédaction nationale du Six’, quelques chiffres peuvent nous éclairer.

 

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