Contributions disciplinaires à la sécurité industrielle

Contributions disciplinaires à la sécurité industrielle

L’histoire des différentes contributions disciplinaires à la sécurité industrielle est très souvent abordée de deux manières, soit en favorisant un point de vue ‘mono’ disciplinaire42, ces chemins que je souhaite mener ici, en favorisant d’abord une perspective tournée vers la multi (et l’inter)disciplinarité puis une perspective plus ‘enchevêtrée’, un peu moins linéaire que la suggestion de trois périodes distinctes. Malgré une certaine pertinence de cette vision linéaire, on constate beaucoup de développements parallèles concomitants, à quelques années près. On constate aussi que chaque domaine se développe de manière plus ou moins indépendante (malgré quelques circulations de concepts), sans qu’il soit véritablement remplacé par un autre, et ce depuis une trentaine d’années. De plus, le rôle des autorités de contrôle et de l’action publique est un axe de recherche et une question aussi importante que les trois autres aspects, et constitue un quatrième regard sur la sécurité industrielle, porté par d’autres traditions de recherche et disciplinaires (en particulier la sociologie de l’action publique, ou les sciences politiques). Mais étant donné la stratégie et les objectifs de ce chapitre, il est indispensable d’apporter quelques précisions préalables. Depuis quelques années, les appels à l’interdisciplinarité sont nombreux et les projets encouragés44. Le domaine des risques y est particulièrement propice45. Mais à l’expression d’interdisciplinarité s’ajoutent ceux de multidisciplinarité, de pluridisciplinarité, voire de polydisciplinarité ou encore de transdisciplinarité. Ainsi, afin de lever certaines ambigüités, trois distinctions sont retenues, sur la base d’une contribution de Morin, devenue classique.

Revenons sur les termes d’interdisciplinarité, de multi- ou polydisciplinarité et de trans-disciplinarité qui n’ont pas été définis parce qu’ils sont polysémiques et flous. Par exemple, l’interdisciplinarité peut signifier purement et simplement que différentes disciplines se mettent à une même table, à une même assemblée, comme les différentes nations se rassemblent à l’ONU sans pouvoir faire autre chose que d’affirmer chacune ses propres droits nationaux et ses propres souverainetés par rapport aux empiètements du voisin. Mais inter-disciplinarité peut vouloir dire aussi échange et coopération, ce qui fait que l’inter-disciplinarité peut devenir quelque chose d’organique. La polydisciplinarité constitue une association de disciplines en vertu d’un projet ou d’un objet qui leur est commun ; tantôt les disciplines y sont appelées comme techniciennes spécialistes pour résoudre tel ou tel problème tantôt au contraire elles sont en profonde interaction pour essayer de concevoir cet objet et ce projet, comme dans l’exemple de l’hominisation. En ce qui concerne la transdisciplinarité , il s’agit souvent de schèmes cognitifs qui peuvent traverser les disciplines, parfois avec une virulence telle qu’elle les met en transe. En fait, ce sont des complexes d’inter, de poly, et de transdisciplinarité qui ont opéré et qui ont joué un rôle fécond dans l’histoire des sciences ; il faut retenir les notions clés qui y sont impliquées, c’est-à-dire coopération, et mieux, articulation, objet commun et mieux, projet commun’. En complément sur la transdisciplinarité, on trouve des précisions dans un autre article de Morin ‘L’histoire de la science est traversée par de grandes unifications transdisciplinaires que jalonnent les noms de Newton, Maxwell, Einstein, le rayonnement de philosophie sous- jacentes (empirisme, positivisme, pragmatisme) ou d’impérialismes théoriques (marxisme, freudisme)’47.

Les coûts (ou les obstacles) des approches qui ont pout ambition de mobiliser plusieurs disciplines (dans des buts ‘multi’, ‘poly’, ou ‘inter’) ; sont nombreuses pour le chercheur, et au moins de trois ordres : cognitif, social et institutionnel. Sur le plan cognitif, c’est une stratégie de recherche qui est aventureuse, qui est un peu risquée. Elle invite à la promenade (ou randonnée) dans différents domaines, sans que le chercheur n’ait été évidemment formé au départ à tous les domaines. Le danger est de ne pas les maîtriser suffisamment, de faire du syncrétisme, voire de s’égarer. D’autre part, elle est cognitivement lourde. Comme le précise Claverie dans une réflexion sur ces aspects cognitifs ‘la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité (…) nécessitent un effort de pensée, un souhait de dépassement de la routine, une stratégie collaborative avec une énergie de partage des valeurs de communautés différentes. Ce processus correspond à une pensée volontaire, guidée par un souhait d’association entre représentations. Ce sont ces points de vue distincts, parfois des mêmes réseaux ou sous-réseaux qui doivent alors se croiser. Et il n’est pas facile d’adopter ceux de l’autre qui perturbe sa propre représentation. Le recours au symbolique est omniprésent, difficile et fatiguant. Le manque de motivation ou l’usure tendent à retourner au plus simple, dans le confort cognitif de la simple coordination des représentations spontanées’49.

 

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