Contrôle du panache d’ablation du laiton

Contrôle du panache d’ablation du laiton

Introduction

Après avoir étudié au cours du chapitre précédent la réponse de l’émission optique d’un panache d’ablation d’aluminium à la mise en forme temporelle des impulsions laser, nous allons nous intéresser maintenant au comportement d’un alliage de cuivre et de zinc, le laiton. L’étude de ce type de matériau est plus complexe à mener que celle d’un métal théoriquement bien compris comme l’aluminium. Néanmoins les applications pratiques de la maîtrise de l’ablation laser de matériaux composés et des phénomènes qui y sont associés sont considérablement plus étendus. En plus de tenter d’induire des modifications de l’excitation du plasma par la mise en forme temporelle des impulsions comme nous l’avons fait sur l’aluminium (chapitre précédent), il est envisageable de maîtriser les proportions ablatées de chacun des deux éléments composants l’alliage. Le laiton est un matériau adapté à ce type d’investigations car les températures de fusion et de vaporisation, ainsi que les potentiels d’ionisation du cuivre et du zinc sont différents (ces caractéristiques sont rappelées dans la table 4.1). De plus, l’étude de l’ablation de matériaux métalliques composés fait l’objet d’un nombre important de publication permettant d’intégrer notre étude dans un cadre bibliographique étendu. Par ailleurs, le cuivre et le zinc présentent des raies d’émission spectroscopiques dans la même plage de longueur d’onde et pouvant être résolues spectralement par notre dispositif expérimental. L’étude du panache d’ablation induit par laser sur les alliages métalliques est de première importance pour l’étude de la composition chimique d’échantillons par analyse spectroscopique de l’émission optique du plasma (LIBS) comme en archéologie [143,144] ou dans la restauration d’oeuvres d’art [145, 146]. L’utilisation de l’ablation laser pour l’analyse élémentaire d’échantillons s’avère de même très féconde dans les situations ou le matériau à étudier est difficilement accessible [147]. Dans ce cadre, l’utilisation des impulsions laser femtosecondes ouvrer de nombreuses perspectives en vertu de la faible extension de la zone affectée thermiquement par l’irradiation. L’étude de matériau composés en partie de zinc, comme le bronze, à partir du plasma d’ablation est reportée dans plusieurs publications récentes [146, 148] avec en particulier la comparaison de l’ablation induite par des impulsions laser de durées nanosecondes et femtosecondes. De plus, l’optimisation du procédé de LIBS a été démontrée en employant des impulsions femtosecondes pour l’ablation puis en réalisant une post-irradiation du plasma parallèlement à la surface avec des impulsions nanosecondes [149]. Dernièrement, la formation de nanoparticules à partir de l’ablation laser en régime femtoseconde de Al70Cu20F e10 a été étudiée [150]. L’ablation laser du laiton (CuZn) a été explorée, dans l’optique de l’analyse élémentaire des échantillons, tant par l’analyse de l’émission optique du panache d’ablation   que par des méthodes de spectrométrie de masse. Margetic et Al. ont démontré l’absence d’ablation sélective de l’un des deux métaux avec l’augmentation du nombre d’impulsions [153]. L’étude présentée dans ce chapitre s’inscrit dans une dynamique similaire à celle qui a motivé les études citées ci-dessus bien que notre équipe de recherche soit historiquement orientée vers les procédés de dépôt de couches minces. En effet, nous avons réalisé ces travaux en collaboration avec D. Gray et A. Klini de l’ « Insitute of Electronic Structure and Laser » (IELS) de la « Fundation for Research and Technology » (FORTH) de Crête. Notre étude s’est tout d’abord portée sur l’investigation du spectre de l’émission optique du plasma de CuZn induit par des impulsions laser femtosecondes non mises en forme. Cette entrée en matière nous a permis de sélectionner plusieurs zones spectrales représentatives de l’émission des atomes du plasma. Nous avons ensuite mené une exploration systématique de l’impact de différentes formes temporelles des impulsions laser sur l’émission dans ces fenêtres spectrales. Différents types d’impulsions laser ont été testées : impulsions étirées (jusqu’à des durées de 10 ps) et doubles impulsions (séparées au maximum par 14 ps). Différentes conditions énergétiques d’irradiations ont été explorées. Nous présentons enfin les résultats de plusieurs optimisations des distributions temporelles de l’énergie incidente par algorithme génétique (avec une boucle de rétroaction basée sur l’émission optique du plasma). Le but de la première est de maîtriser le rapport des intensités d’émission des atomes de zinc et de cuivre neutres pour tenter de contrôler les proportions ablatées de chacun de ces matériaux.

 Emission optique du laiton en régime femtoseconde

 De la même manière que nous l’avons fait au chapitre précédent pour l’aluminium, nous débutons notre étude concernant le laiton (CuZn) par une analyse systématique de l’émission optique du plasma induit par des impulsions femtosecondes non-mises en formes (durée d’environ 150 fs) dans des conditions de vide extrême (pression au sein de la chambre d’interaction de l’ordre 10−5 Pa). Les cibles de laiton que nous employons sont composées à 62 % de Cuivre et 38 % de Zinc. Dans un premier temps, nous avons caractérisé le spectre de l’émission optique du plasma de laiton. Nous avons complété cette étude par une investigation du comportement du panache d’ablation en fonction de la fluence laser et par une discussion de la structure spatiale plasma. 

Caractérisation du spectre d’émission optique du laiton en régime femtoseconde 

Afin d’obtenir des mesures avec une précision et une sensibilité suffisante, les acquisitions sont réalisés avec N = 45 tirs laser successifs et moyennées sur 5 événements. Les conditions spatiales et temporelles des acquisitions qui permettent d’enregistrer le maximum de signal sont les mêmes qu’au chapitre précédent. L’émission lumineuse du plasma est collectée par une lentille de 25 mm de diamètre centrée à 3 mm de la surface, à un délai t = 100 ns et pendant un temps d’intégration δtacq = 300 ns (cf. chapitre 2). Dans ces conditions, le dispositif d’acquisition détecte l’émission associée aux transitions électroniques des atomes de Cuivre et de Zinc neutres (Cu-I et Zn-II) et ionisés une fois (Cu-II et Zn-II). La figure 4.1 montre le spectre d’émission entre 200 et 700 nm du plasma de laiton induit par des impulsions femtosecondes de 4J/cm2 . La table 4.2 récapitule l’ensemble des raies atomiques détectées et identifiables dans notre configuration expérimentale, accompagnées de leurs caractéristiques spectroscopiques . Les raies les plus intenses sont indexées sur la figure en référence à la table 4.2. Sur les figures 4.2 et 4.3, nous avons représenté les transitions atomiques étudiées dans les diagrammes Grotrians associés au Cuivre au Zinc. Remarquons enfin, que le faible nombre de raies de Cu-II et de Zn-II ainsi que l’absence d’émissions associées à des états d’ionisation plus importants ne reflètent, a priori, que la capacité limitée du dispositif d’observation à détecter et/ou à différencier les différentes raies. De plus, les raies de Cu-II et Zn-II (t à ad) que nous étudions ne sont distinguées et identifiables que grâce à l’utilisation du réseau haute résolution comportant 1200 traits / mm, tandis que le réseau basse résolution de 300 traits / mm (principalement employé dans notre étude) impose de grouper les raies à 490.903, 491.162 et 491.838 nm (v,w,x) ainsi qu’à 492.403, 492.639 et 493.165 nm (y,z,aa). 

Evolution de l’émission optique du laiton en fonction de la fluence laser

La gamme de fluence que nous pouvons explorer s’étend de 0.2 à 6 J/cm2 environ. Nous avons donc étudié le comportement de l’émission du plasma dans ce domaine énergétique. La figure 4.5 illustre l’évolution de l’intensité lumineuse émise par les espèces neutres (partie I) et ionisées (partie II). Nous avons focalisé notre attention sur les raies les plus intenses de Cu-I (a), Cu-II (v, x, z et aa), Zn-I (e, f et r) et Zn-II (w et y). Nous constatons dans un premier temps, l’existence de seuil de détection tant pour les espèces neutres Fth−I ∼ 0.5 J/cm2 que pour les atomes ionisés Fth−II ∼ 3 J/cm2 . L’intensité d’émission des neutres augmente lentement jusqu’à 1 J/cm2 , puis s’éleve brusquement pour atteindre une saturation à partir de 3 J/cm2 . A partir de cette même fluence, le signal issu des ions s’accroît fortement. Afin de déterminer, la ou les cause(s) de cette évolution de l’intensité d’émission des transitions atomiques en fonction de la fluence, nous avons tout d’abord mesuré la température du Cuivre neutre en utilisant la méthode de Boltzmann avec les raies (m, n et p) à respectivement 448.04 nm, 458.697 nm et 465,112 nm. Ces raies sont peu intenses, mais l’énergie de leur niveau inférieur est suffisante pour éviter les phénomènes de perturbation de l’intensité par auto-absorption. Au-delà de 1.5 J/cm2 , on trouve une température constante valant TCu = 4000 ± 500 K. En dessous de cette fluence, l’intensité des raies (m, n et p) n’est pas suffisante pour déterminer la température. La constance de la température du cuivre avec l’augmentation de la fluence indique que l’augmentation de l’intensité d’émission constatée ici doit être associée à un accroissement du nombre d’éléments émetteurs.

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