Décisions multicritères dans les réseaux de télécommunications autonomes

Les réseaux actuels sont des systèmes complexes constitués d’un grand nombre de composants hétérogènes et une communauté d’utilisateurs large et variée. Ces systèmes sont le résultat de l’adaptation constante des protocoles de l’architecture protocolaire classique (OSI et TCP/IP) aux nouveaux défis des réseaux de données, en l’occurrence : la convergence voix, données et vidéo, la mobilité et le fonctionnement dans un environnement hostile, tel qu’un environnement sans fil. Les changements apportés à l’architecture en couches du réseau sont spécifiques aux caractéristiques des applications visées, nous pouvons citer à titre d’exemple la prise en charge de la mobilité dans la couche réseau du protocole TCP/IP (Protocole IP mobile) [Per02] ou l’introduction de protocoles spécifiques aux applications multimédias (RTP/RTCP) [Sch03] dans la couche transport du standard TCP/IP. Ces nouveaux protocoles sont souvent conçus en respectant le principe de base des protocoles en couches, à savoir la hiérarchisation et l’abstraction des services échangés par les couches uniquement adjacentes.

Bien que ce principe de limitation de la communication entre couches adjacentes, ait permis un développement considérable des réseaux câblés, il constitue, néanmoins, un véritable obstacle face à l’émergence des réseaux sans fil. En effet, les caractéristiques d’un réseau sans fil sont complètement différentes de celles d’un réseau filaire. Par exemple, le taux d’erreur binaire est relativement élevé dans un réseau sans fil, contrairement, à celui du réseau filaire qui reste acceptable. Par conséquent, la majorité des protocoles qui ont été conçus pour un réseau câblé ne peuvent fonctionner normalement dans un environnement sans fil. Le protocole de contrôle de congestion dans un réseau IP constitue un exemple illustrant cette problématique. En effet, le fonctionnement de ce protocole est fondé sur le principe qui stipule qu’un paquet perdu dans un réseau filaire induit l’apparition d’une congestion dans le réseau, ce qui entraîne systématiquement une diminution du débit de transmission. Dans un réseau sans fil, les pertes de paquets sont souvent dues aux transmissions erronées, dans ce cas il faut retransmettre rapidement les paquets erronés (i.e. augmenter le débit) ce qui est tout à fait contradictoire avec le principe de fonctionnement du protocole de contrôle de congestion. Ce type de problème, associé à ceux relatifs à la mobilité et à la limitation de l’énergie dans un réseau sans fil, a soulevé une question importante, qui est celle de l’utilité du modèle en couches classique pour un réseau sans fil. Les recherches récentes montrent que la communauté scientifique se dirige de plus en plus vers une rupture définitive avec l’ancienne architecture, en s’intéressant de près à de nouveaux types de réseaux, en l’occurrence les réseaux autonomes ou cognitifs.

Les réseaux autonomes/cognitifs [Mah07] sont des réseaux capables de percevoir les conditions de leur environnement afin de planifier, puis prendre des décisions et enfin agir pour s’y adapter [TFDM06]. Les réseaux cognitifs sont fondés sur le concept de cycle cognitif introduit par J. Mitola [Mit00].

Ce dernier est défini par cinq phases successives et un élément central qui est l’apprentissage. Nous remarquons que le cycle cognitif est assez flexible, du fait qu’il permet une adaptation rapide par rapport à la nature de l’événement reçu de l’environnement. Le réseau en tant qu’entité de l’environnement communique avec son environnement externe en exécutant des actions et en recevant des événements qui traduisent l’état courant de l’environnement, ainsi que celui du réseau. Cet échange permanent entre le réseau et l’environnement externe est traduit par le cycle cognitif du réseau, qui n’est autre qu’une boucle de rétroaction semblable à celles présentes dans la plupart des systèmes autonomes.

Jusqu’à présent les chercheurs se sont focalisés sur la conception des systèmes autonomes/cognitifs en termes d’architecture et d’apprentissage et raisonnement. En effet, il y a peu de travaux qui se sont intéressés à la prise de décision en général et la prise de décision multicritère en particulier. Cependant, la majorité des fonctionnalités assurées par un système autonome sont de nature multicritère, à cause de l’aspect contradictoire des métriques associées [MRA+09]. Par exemple une fonctionnalité de transfert de fichier exige un taux de perte réduit ; par contre elle est nettement tolérante en termes de délai de transfert de bout en bout. D’un autre coté, une application de téléphonie sur internet peut être tolérante en terme de taux de perte, mais extrêmement exigeante en terme de délai. De plus, la nature de transmission dans un réseau sans fil entraîne une contradiction des métriques. En effet, puisque le taux de perte est directement lié à la distance, un terminal sans fil aura tendance à relier un paquet donné à un voisin direct au lieu de le transmettre directement à une destination éloignée, ce qui entraîne une augmentation du délai de transfert de bout en bout et une grande consommation d’énergie le long du chemin de communication. Ainsi, les réseaux autonomes/cognitifs doivent être capables de gérer les problématiques relatives aux décisions multicritères.

Les méthodes de décision multicritères classiques exigent la présence d’un décideur, qui est généralement un opérateur ou un groupe d’opérateurs humains. La plupart de ces méthodes utilisent des poids de quantification de l’importance des différents critères/objectifs dans le processus de décision multicritère. Cependant, il est difficile, voire impossible de trouver une correspondance optimale entre la valeur des poids de quantification et l’importance des critères/objectifs dans le processus de décision multicritère. De plus, l’environnement dynamique dans lequel opèrent les réseaux autonomes/cognitifs entraîne une modification dynamique de l’importance de chaque critère au cours du temps. En effet, l’importance d’un critère donné peut augmenter considérablement dès que le réseau ou le système autonome entre dans un état de fonctionnement critique [MA10]. Par conséquent, même si la valeur initiale des poids de quantification est optimale, elle ne le restera pas, sans doute, au cours du temps. Enfin, l’aspect autonome implique l’absence d’un opérateur humain ; par conséquent, toutes les méthodes qui sont fondées sur l’interaction avec un décideur ne peuvent pas être utilisées dans un contexte de réseaux autonomes/cognitifs.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte et problématique
1.2 Motivation
1.3 Contributions
1.4 Plan de la thèse
2 État de l’art des méthodes de décision multicritère
2.1 Introduction
2.2 Définitions
2.2.1 Alternative
2.2.2 Critère
2.2.3 Décision multicritère
2.2.4 Problème d’optimisation multiobjectif
2.2.5 Point idéal
2.2.6 Point Nadir
2.2.7 Décideur
2.2.8 Fonction d’utilité
2.2.9 Dominance de Pareto
2.3 Classification des méthodes de décision multicritère
2.4 Méthodes scalaires
2.4.1 Méthode de la somme pondérée
2.4.2 Théorie de l’utilité multi-attribut
2.4.3 Méthode des métriques pondérées
2.4.4 Méthode de programmation par buts
2.4.5 Méthode AHP
2.5 Méthodes de surclassement
2.5.1 Méthode ELECTRE
2.5.2 Méthode PROMETHEE
2.6 Méthodes évolutionnaires
2.6.1 Algorithmes génétiques
2.6.2 Algorithme génétique multiobjectif
2.6.3 Application aux systèmes autonomes
2.7 Conclusion
3 Une approche multicritère pour les systèmes autonomes
3.1 Introduction
3.2 Principe général de la méthode
3.3 Définition formelle de la méthode
3.3.1 Distance globale d’un vecteur de critères à la boîte 0
3.3.2 Processus de décision multicritère
3.3.3 Boîte de qualité hyper-rectangulaire
3.3.4 Boîte de qualité de type simplexe
3.3.5 Définition d’une boîte de qualité au moyen d’un processus d’apprentissage
3.4 Conclusion
4 Conclusion

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