Douter de l’efficacité de l’acupuncture
Être sceptique
« Je me dis que c’est pas possible que ça calme euh… juste avec ça. » (M1) « Investigateur : Et t’en penses quoi de l’argument d’ancienneté ? – Ba euh… je pense que…c’est une… enfin… ça a jamais été, l’argument en soi, pour moi ça a jamais été euh valable… dans le cadre de l’acupuncture c’est…pour moi c’est une façon de… provoquer l’effet placebo […] en soi que ça fasse deux mille ans, ou trente ans que ça existe… pour moi ça n’a aucune importance. Enfin c’est pas ça qui fait… la preuve… de… d’une technique […] on a fait aussi des saignées pendant des années hein… des centaines d’années… Et on a arrêté. (rires) » (M7)
Avoir un avis mitigé devant l’absence de preuves scientifiques
Le manque d’études scientifiques prouvant l’efficacité de l’acupuncture était un frein à la confiance dans la pratique. « […] Pour le tabac c’est quelque chose qui est prouvé par des études, plus que l’acupuncture qui a pas de justification scientifique enfin… en tout cas sur les études encore une fois… donc je vais plutôt conseiller de dire ben voilà, c’est de faire une prise en charge on va dire classique, associée à l’acupuncture si vous voulez mais pas… voilà, pas forcément que l’acupuncture parce que ça va pas forcément marcher… c’est ce que je dirais. » (M9)
S’inquiéter de la pratique de l’acupuncture
L’acupuncture comporte des risques
Certains médecins généralistes étaient préoccupés par la sécurité des patients et par les possibles effets indésirables de la pratique. « Alors… à l’époque j’étais un peu réticent au début de mon installation parce que il y avait pas des seringues à usage unique. C’étaient des seringues en or… ou en argent je sais plus, et ils les désinfectaient. » (M6)
« Ceux qui sont sous anticoagulants, je sais pas si ils peuvent le faire si ça fait des hématomes ou pas. » (M1)
S’inquiéter de la pratique de l’acupuncture par des acupuncteurs non-médecins
« J’ai peur que ces gens-là ils passent à côté d’un diagnostic grave qui doit pas être traité par l’acupuncture. » (M12)
La multiplication de praticiens non-médecins qui s’attribuaient des capacités thérapeutiques faisait craindre à un participant le déclin du monde médical. « Parce que dans 50 ans ça veut dire que vous vous n’existerez plus en tant que médecin et que il y aura que… euh… le… le viticulteur du coin qui saura vous soigner la vésicule, le viticulteur d’un autre coin qui saura vous soigner les cors aux pieds, l’infirmière… enfin non… le… le balayeur de la mairie qui saura vous soigner les angines non mais faut… sortez pas du monde médical s’il vous plait… » (M10)
Se désoler de l’évolution vers une consommation de soins qui déresponsabilise les patients sur leur santé
Certains médecins généralistes regrettaient que les patients soient incités à multiplier les intervenants de santé. Ils pensaient que cela les conduisait à devenir dépendants des soignants. L’acupuncture pouvant être perçue comme une offre de soins de plus sur le marché du soin.
« Après moi je trouve qu’on rend les patients de plus en plus dépendants de… de la médecine et des thérapies complémentaires. […] Finalement tu les rends dépendants parce que tout ça… ça… alors il y a des choses qui soignent mais t’as l’impression qu’ils ne peuvent pas aller mieux sans l’intervention d’un autre tu vois. » (M4) « Les médias par exemple ils nous ont cassé le métier de médecin généraliste parce qu’ils envoient tout le monde chez le spécialiste. Euh… donc est-ce que la personne qui .va faire de l’acupuncture ça lui a été recommandé par une personne de son entourage, ça lui a été recommandé entre guillemets par la médiatisation de certains… acupuncteurs ou de… hein euh bref. » (M10)
Avoir confiance en l’acupuncture
Avoir confiance dans une pratique ancestrale
« C’est un peu comme les médecines africaines, ou les médecines antiques, si elles ont existé c’est pas par hasard, y’avait donc euh, il y avait une raison d’exister, et de subsister, et c’est l’efficacité quand même. » (M13)
L’acupuncture a peu d’effets indésirables contrairement aux médicaments
« C’est une médecine euh… je sais pas comment dire… ouais alternative ou une autre façon de se soigner. Avec quand même très peu de problème par rapport à tous les médicaments, je trouve que… enfin moi en fin de carrière je trouve que tout ce qui donne pas trop de médicaments est très intéressant, l’acupuncture entre autres, les aiguilles sont pas creuses et y’a très très peu… les problèmes sont rarissimes. » (M11)
Avoir confiance dans les acupuncteurs
La plupart des médecins interrogés accordaient leur confiance à des praticiens qu’ils connaissaient plutôt que dans l’acupuncture en elle-même. « Ben demander des détails non parce que j’ai confiance dans les thérapeutes. » (M5) « Investigateur : Et est-ce que tu aurais des craintes, à conseiller l’acupuncture, à en parler ?
-Ah non aucune, non non. A partir du moment où je connais le correspondant, et que je sais qu’il est honnête, intéressé, qu’il a de l’expérience et qu’on a des bons retours. » (M2).
DEVOIR FAIRE AVEC LE RECOURS EN ACUPUNCTURE
Les médecins généralistes étaient conscients qu’ils devaient s’accommoder de la pratique de l’acupuncture dans la mesure où les patients souhaitaient, voire décidaient d’eux-mêmes d’y recourir. Ce recours était accepté par les médecins généralistes à des degrés différents, et souvent sous conditions. La plupart concédaient cependant à l’acupuncture une complémentarité avec la médecine générale qu’ils appréciaient et qui pouvait leur être bénéfique.
Comprendre les raisons du recours en acupuncture
« Voilà le patient il va voir euh… il essaye de faire en plus. Moi si j’étais un patient, mais je ferais tout ça à côté ! […] Je m’entourerais de thérapies adjuvantes oui. » (M5)
Ne pas être satisfait de la médecine conventionnelle
Les patients cherchaient une autre pratique qui leur convenait. « Ce qui crée la demande c’est l’absence de…une certaine absence de soin de la part des médecins classiques. Euh. Peut-être un manque d’écoute. Ou peut-être aussi… quelque part un manque de confiance des patients aux médecins, parce qu’ils… ils ont des mauvaises expériences ou… ou ils sont victimes de… » (M7) Cette recherche était parfois irréaliste selon certains participants : « Il cherche une méthode miracle. » (M8)
Rechercher une alternative aux médicaments
« Ben parce qu’il y en a beaucoup qui… qui ne veulent plus de médicaments chimiques quoi… qui veulent essayer autres choses, pour les problèmes fonctionnels, pour les problèmes chroniques. » (M6)
Être influencé par son origine ou sa culture
« Il y a des patients quand ils sont d’origine… à (ville) on a quand même aussi des asiatiques euh… ils vont aussi y avoir recours soit parce qu’ils ont cette culture, soit parce qu’autour d’eux ils ont des gens qui sont allés voir des acupuncteurs et que ça a fonctionné. » (M8)
Constater l’efficacité par soi-même
« Investigateur : Donc tu l’as fait ça t’as soulagé…
-Donc je comprends que ça puisse soulager d’autres personnes. » (M9)
Un soutien variable selon les médecins
Certains médecins généralistes proposaient d’eux même l’acupuncture aux patients : « Pour le tabac je propose euh systématiquement. » (M13) D’autres encourageaient avec conviction le recours si les patients leur en parlaient : « Ça m’intéresse beaucoup qu’ils parlent de ça parce que ça veut dire qu’il s’y est intéressé et que je vais pouvoir l’adresser à un confrère euh donc c’est très très bien ouais, je suis archi pour. » (M11)
D’autres encourageaient sans être véritablement convaincus de l’efficacité de la pratique : « Euh… sincèrement je pense pas que l’acupuncture fonctionne pl… mieux que… un simple effet placebo. Voilà. Bon ça c’est mon point de vue. Mais au patient je leur dis, la plupart du temps, si ils ont déjà essayé et que ça avait une efficacité pour eux, je les encourage de continuer. » (M7)
Quelques-uns se résignaient à accepter le recours en manifestant leur scepticisme : « Je vais lui dire… une consultation c’est des paroles et des mimiques et un comportement, donc je vais lui dire vous pouvez essayer ça peut fonctionner, mais en même temps je vais hausser les épaules en disant oui ça peut fonctionner mais… il aura mon accord mais il saura en même temps que je pense que… ça… risque de pas régler son problème. » (M10).
L’acupuncture en complément de la médecine générale
En proposant une approche complémentaire
« Alors c’est pas forcément un terme péjoratif mais c’est quelque chose qui est pas trop en lien avec la médecine euh… on va dire scientifique… basée sur les preuves et qui euh la complète en fait… parce qu’ils ont pas la même grille de lecture et que donc il y a pas la même sémiologie non plus, la même façon de traiter mais en effet c’est pas juste qu’ils sont contradictoires. » (M9)
En aidant le médecin généraliste dans sa prise en charge
Pour adapter leur traitement : « […] Mon but ça va être de… à moi… s’il est soulagé de diminuer le médicament. » (M8)
Quelques participants tenaient compte du recours en acupuncture comme un antécédent ou « comme un médicament. » (M1) et notaient parfois le recours du patient dans leur dossier pour le proposer ultérieurement si besoin : « Je le note de manière systématique dans le dossier, mais c’est vrai que ça peut avoir une certaine importance dans la prise en charge, si un autre jour il… ce patient qui a eu une bonne efficacité avec l’acupuncture pour une indication, peut-être que… enfin, je pense que j’y repenserai… » (M7)
Dans ce contexte, l’acupuncture devait faire partie des options thérapeutiques du médecin généraliste :
« Ben c’est à dire c’est pas… il faut que ça fasse partie intégrante de la… prise en charge mais euh… je… qu’on soigne quelqu’un qu’avec de l’acupuncture pour tout je… je pense que ça fait partie de la médecine en générale, je l’opposerai pas, c’est pas une autre médecine, je sais pas comment dire… […] Oui oui, je pense que c’est un arsenal de la médecine. » (M4)
« C’est complémentaire de la médecine traditionnelle. C’est un complément, c’est quelque chose qu’il faut savoir utiliser… auquel il faut savoir penser. » (M8)