Détermination des flux turbulents par la méthode des covariances turbulentes

Détermination des flux turbulents par la méthode des covariances turbulentes

La mesure des flux par la technique des covariances turbulentes est considérée comme étant la méthode de référence de détermination des flux échangés entre surface et atmosphère. En effet, elle permet une estimation directe des flux, car elle ne repose sur aucune hypothèse quant à la forme des profils verticaux, et elle n’utilise ni la théorie des diffusivités turbulentes, ni la théorie de similitude. Les vitesses horizontale (u), latérale (v) et verticale (w) du vent, la température (T) et l’humidité spécifique (q) sont mesurées selon une fréquence élevée, et les flux sont calculés comme la covariance entre la vitesse verticale du vent et la grandeur scalaire considérée (équations 2.7 à 2.9). Toutefois, pour l’application de ces équations, des hypothèses sont généralement émises afin de réaliser des simplifications dans la décomposition de Reynolds : les mesures étant réalisées dans la couche limite, celle-ci est supposée homogène (pas de variation des variables suivant le plan horizontal) et caractérisés par des phénomènes stationnaires (pas de variations instantanées). Pour obtenir une estimation correcte des flux, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble de leurs composantes spectrales, des basses fréquences caractérisant les grands tourbillons, aux hautes fréquences traduisant la dissipation de l’énergie en tourbillons de petite taille. Le choix de la fréquence des mesures et du temps d’intégration pour le calcul des covariances est ainsi une étape importante. Pour caractériser le domaine spectral des flux mesurés, il est habituel de normaliser la fréquence de mesure selon les valeurs prises par le nombre adimensionnel n : n  f z/U (Équation 2.30) où fe est la fréquence d’échantillonnage (ou l’inverse du temps d’intégration), z est la hauteur de mesure et u est la vitesse horizontale du vent. D’après Brunet et al. (1995b), la prise en compte des hautes fréquences est satisfaite avec une fréquence d’échantillonnage fe telle que n  f z/U 10 et la prise en compte des basses fréquences est satisfaite avec un temps d’intégration Ti tel que n  z/(T U)  0.001 i . Dans notre cas, la fréquence d’échantillonnage fe = 10 Hz était imposée par le système d’acquisition. Avec une hauteur de mesure z = 2 m, le critère « hautes fréquences » n  f z/U 10 n’était strictement satisfait que pour les vitesses de vent inférieures à 2 m/s. Pour une vitesse de vent de 4 m/s, le nombre n vaut 5, ce qui ne représente qu’une faible sousestimation des flux. De plus, le logiciel de calcul des flux ECpack, utilisé dans le cadre du présent travail pour corriger les mesures par covariances turbulentes, propose une correction basée sur la forme théorique des spectres de turbulence. Pour les basses fréquences, nous avons choisi un temps d’intégration de 30 minutes qui, toujours avec une hauteur de mesure de 2 m, permet de satisfaire le critère n  z/(T U )  0.001 i pour les vitesses horizontales de vent supérieures à 1 m/s, ce qui représente la majorité des situations rencontrées. Rappelons (voir § 2.2.3.1) que les données acquises à 10 Hz par les anémomètres soniques (u, v, w et T) et les hygromètres rapides (q) étaient stockées selon deux modes : – stockage de ces données brutes en temps réel sur un ordinateur – calcul en temps réel des moments (moyennes, variances et covariances) selon un pas de temps de 30 minutes, donnant une estimation approchée des flux convectifs. Les contraintes d’alimentation électrique par panneaux solaires de l’ordinateur permettant le stockage des données brutes à 10 Hz n’a pas permis un stockage continu, alors que les variances et covariances ont été acquises et stockées tout au long des expérimentations. De ce fait, différentes chaînes de traitement ont été mises en oeuvre, puisque les corrections et rotations, ainsi que les contrôles de qualité proposés dans la littérature pour obtenir des estimations aussi précises que possible des flux ne peuvent être appliqués qu’aux seules données brutes acquises à 10 Hz. La Figure 2.9 résume les traitements appliqués aux données de flux, selon les deux modes de stockage (données brutes acquises à 10 Hz ou moments – moyennes, variances et covariances – calculés en temps réel sur 30 minutes). 

Corrections et rotations

 Rappelons que les corrections et les rotations ne peuvent être appliquées qu’aux données acquises et stockées sous forme brute à 10 Hz.

Corrections instrumentales et expérimentales

L’ensemble des corrections proposées par le programme ECpack furent appliquées : – prise en compte de la distance entre l’anémomètre sonique et l’hygromètre ; – prise en compte de l’évolution des valeurs moyennes sur l’intervalle de calcul (« linear detrend ») ; – correction des pertes spectrales correspondant aux tourbillons de taille inférieure à celle de l’anémomètre selon les co-spectres théoriques selon Moore (1986) ; – correction de la température mesurée par l’anémomètre pour les variations de la vitesse du son avec l’humidité selon Schotanus et al. (1983) ; Chapitre 2 : Matériel et méthodes 58 – correction de la sensibilité de l’hygromètre KH20 à l’oxygène selon Webb et al. (1980) ; – correction de la vitesse verticale moyenne (« Webb term »). 

Rotations

 Lors du calcul des flux par la méthode des covariances turbulentes, il est classique d’effectuer des rotations du système de coordonnées de l’anémomètre sonique. Ces corrections de rotation permettent de normaliser les mesures selon une direction orthogonale à l’écoulement du vent. Pour les mesures en terrain plat, il s’agit de corriger d’éventuels défauts de verticalité de l’anémomètre sonique ; alors que dans le cas de mesures sur pentes, il s’agit « d’orienter » les mesures de l’anémomètre perpendiculairement à l’écoulement. Cette orientation de l’anémomètre, faite a posteriori, ne peut-être réalisée que lorsqu’on dispose de l’ensemble des mesures brutes des trois composantes (u, v, w) de la vitesse du vent, à 10 Hz dans notre cas. Les rotations sont effectuées selon trois directions orthonormées (Figure 2.10) : – la correction yaw est une rotation autour de la verticale, qui permet d’annuler la composante latérale du vent (v  0) ; – la correction pitch est une rotation autour de l’axe horizontal perpendiculaire à la direction dominante du vent, qui permet d’annuler sa composante verticale (w  0) ; – la correction roll est une rotation autour de l’axe horizontal parallèle à la direction dominante du vent, qui permet d’annuler la covariance entre vitesses latérale et verticale (vw  0). La correction yaw, qui revient à orienter fictivement l’anémomètre face à la direction du vent dominant, est toujours appliquée. Les rotations sont appliquées à chaque intervalle de calcul des flux (30 minutes en général), soit sous la forme d’une double rotation (yaw – pitch), soit sous la forme d’une triple rotation (yaw – pitch – roll). Ce mode de détermination des angles de rotation présente toutefois l’inconvénient d’être très imprécis dans le cas de vents faibles. Une autre méthode, appelée planar fit et proposée par Wilczak et al. (2001), diffère de celle présentée ci-dessus par l’intervalle de temps considéré pour calculer les angles de rotation. Ainsi, planar fit consiste à déterminer le plan moyen de l’écoulement à partir des composantes u, v et w acquises sur un intervalle de temps suffisamment long (de un à plusieurs jours) et à Chapitre 2 : Matériel et méthodes 59 en déduire les trois angles yaw, pitch et roll. Les angles obtenus permettent alors, durant le calcul des flux, d’orienter l’anémomètre perpendiculairement à un plan d’écoulement moyen. La méthode du planar fit, qui est implémentée dans ECpack, est recommandée dans le cas de situations complexes, telles que celles rencontrées en conditions de relief (voir Chapitre 1).Une des difficultés dans l’application de la méthode planar fit est le choix de la fenêtre temporelle sur laquelle est calculée l’inclinaison du plan d’écoulement via les angles de rotation pitch, roll et yaw. Il est recommandé d’éliminer les périodes avec de faibles vitesses du vent (rares dans notre cas), et d’effectuer les calculs sur de longues périodes afin d’améliorer la précision des angles de rotation. Toutefois, les conditions de surface (e.g. couverture végétale en lien avec la croissance de la végétation) ne doivent pas varier significativement durant ces périodes. De plus, en conditions de terrain hétérogène, les angles obtenus par la méthode du planar fit peuvent dépendre fortement de la direction du vent. Dans un premier temps, nous n’avons considéré que des périodes de quelques jours au plus, afin de tenir compte de l’influence des conditions de surface (croissance de la végétation notamment). Ensuite, nous avons tenu compte des directions dominantes du vent observées sur notre site, ce qui nous a amené à discriminer deux types de situation en rapport avec les régimes de vent prédominants sur le site : les conditions de vent de Nord-Ouest (soufflant du Nord-Ouest vers le Sud-Est) et de Sud (soufflant Sud vers le Nord). Après analyse des angles déterminés par planar fit pour les différentes directions du vent, il s’est avéré que nous pouvions considérer une fenêtre temporelle de l’ordre de la journée. En effet, de faibles différences furent observées, en termes de flux de chaleur corrigés (H et LE), selon que les corrections de rotation planar fit soit estimées à l’échelle de la journée ou à l’échelle de plusieurs jours. Les angles ainsi obtenus, caractéristiques de l’inclinaison de l’écoulement, furent par suite comparés aux pentes des parcelles (obtenues par MNT) sur lesquelles les mesures ont été effectuées (Chapitre 4). En termes de régime de vent, notons pour finir que nous avons éliminé les données correspondantes à la direction du vent (est) pour laquelle la mesure était influencée par le dispositif expérimental (mât, structure anémomètre). Au regard du dispositif expérimental et des conditions de vent, ces données correspondaient à un vent d’est (soufflant de l’est vers l’ouest), et constituaient une infime partie du jeu de données collecté. 

Contrôles de qualité 

Des filtrages furent appliqués sur les données non corrigées (_SC). Des contrôles qualité plus élaborés furent appliqués aux données corrigées instrumentalement (_AC), et aux données ayant subi la correction planar fit (_PF). Nous rappelons que les données ayant subi la correction planar fit furent toujours corrigées instrumentalement au préalable. L’objectif des procédures de filtrage et des contrôles qualité est 1/ d’éliminer les valeurs aberrantes pour les flux sans corrections (_SC), et 2/ de vérifier la qualité des données pour celles qui ont subi des corrections instrumentales et de rotation. 

Filtrage des mesures de flux turbulents sans correction (_SC) 

Rappelons qu’il s’agit de flux calculés en temps réel par les centrales d’acquisition CR23X, à pas de temps de 30 minutes, sur lesquels on ne peut pas appliquer les corrections présentées ci-dessus (§ 3.2.1). Seul est possible un filtrage des données manifestement aberrantes. Chapitre 2 : Matériel et méthodes 61 A la fréquence de 10 Hz, le nombre d’échantillons acquis par l’anémomètre sonique et par l’hygromètre KH20 pour chaque demi-heure doit être de 18000. Lorsqu’il est inférieur à ce nombre, c’est qu’il y a des perturbations du signal pour diverses raisons expérimentales, entre autres la présence de pluie. Nous avons arbitrairement choisi d’éliminer les données pour lesquelles le nombre d’échantillons était inférieur à 17000 (critère de sélection de 5.5% de données manquantes au maximum). A certaines périodes, nous avons observées des pics inexpliqués. Ces valeurs de flux (chaleur latente LE, chaleur sensible H, vitesse de friction u*), furent éliminés selon un critère empirique sur la vitesse de friction (variation de plus de 0.35 m/s entre deux demi-heures successives). Du fait des difficultés rencontrées avec l’hygromètre KH20 (pluies, fientes d’oiseaux) un test additionnel sur la valeur de la tension de sortie de cet instrument a été appliqué au flux de chaleur latente. 

Contrôle de qualité et filtrage des flux turbulents avec correction (_AC et _PF) 

Le fait de disposer de l’ensemble des mesures brutes acquises à 10 Hz permet d’effectuer des contrôles de qualité beaucoup plus élaborés que les simples filtrages (§ 3.2.2.1) appliqués aux flux calculés en temps réel (flux « non corrigés »). Nous avons ainsi appliqué les tests classiquement utilisés pour vérifier les hypothèses 1/ d’homogénéité dans l’espace (test dit de turbulence intégrale) et 2/ de stationnarité dans le temps (test dit de stationnarité). Dans un deuxième temps, les résultats de ces deux tests furent combinés pour éliminer les données ne respectant pas ces deux conditions. a- Le test de caractéristique de turbulence intégrale (ITC) Le test d’homogénéité dans l’espace compare les estimations théorique et expérimentale pour différent rapports adimensionnels entre 1/ les écart-types des vitesses verticale et horizontale du vent à la vitesse de friction (w/u*, u/u*) et 2/ l’écart-type de la température à l’échelle de température (T/T*). Les estimations théoriques reposent sur les fonctions de stabilité issues de la théorie de similitude de Monin-Obukhov. Parmi les paramétrages proposés dans la littérature pour les fonctions de stabilité, nous avons retenus ceux recommandés par Rebmann et al. (2005) et présentées dans le Tableau 2.3. 

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