Développement d’un système pour le suivi du comportement fonctionnel et structural des chaussées

Les chaussées se détériorent avec le temps, ce qui nécessite un suivi continu de leur état et du trafic qui y circule. Or, l’objectif principal des gestionnaires d’un réseau routier est de ralentir le taux de détérioration et d’améliorer l’état de la chaussée en temps opportun. Dans cet esprit, la gestion de la chaussée consiste, entre autres, en une série de travaux d’évaluation, d’entretien et de réhabilitation effectuée pendant la phase d’utilisation d’une route.

L’entretien périodique implique différentes méthodes et technologies permettant de prolonger la durée de vie de la chaussée en ralentissant ce taux de détérioration. Les interventions ou traitements à appliquer à une route sont sélectionnées sur la base d’un diagnostic des causes de détérioration. Idéalement, ce diagnostic doit lui même être basé sur des données fiables, disponibles en tout temps et idéalement peu coûteuses. L’objectif de cette recherche est d’obtenir des données fiables et peu coûteuses, afin de déterminer l’état de la route et le trafic qui y circule, et, par ricochet, de sélectionner les interventions les plus appropriées.

Dans cet esprit, cette thèse vise et apporte deux contributions scientifiques. La première est la conception, le développement, l’apprentissage et la validation d’un outil qui repose sur deux technologies, le LIDAR et la Vidéo (LiVi), permettant de qualifier un état de dégradation donné d’une route, à un instant donné, afin de développer un programme d’entretien optimal.

En effet, l’intérêt d’une telle innovation pour l’ensemble des parties prenantes de l’industrie routière est significatif, autant pour les ministères que pour les municipalités, les ingénieurs conseils, les fournisseurs, les universitaires et bien entendu la population qui doit avoir accès aux bénéfices associés aux taxes qu’elle paye .

La seconde contribution scientifique de cette recherche, est la conception, le développement et la validation d’un outil qui permet de mesurer l’intensité des charges (MIC) du trafic sur une route à l’aide de capteurs à base mécanique et électronique, enfouis sous le revêtement de surface (à environ 50 mm de la surface).

En ce qui concerne la première contribution, la grande majorité des recherches disponibles s’orientent vers l’analyse des données de dégradations automatique mais en post-saisie afin de les classifier par type de dégradation selon le catalogue de l’administration routière, et non vers les méthodes de détection automatique des dégradations mais en temps réel (ce qui signifie ici d’accéder à l’information en quelques minutes). (O’Brien, 1991; Wang, 1993) Une dégradation automatique est une représentation de l’automatisation de l’acquisition des données et de son interprétation. Quant aux relevés traditionnels faits sur une base visuelle, il est souvent difficile d’évaluer le niveau de qualité et de performance des processus de saisie et d’évaluation puisque ces derniers relèvent grandement de la subjectivité des techniciens. Dans le cas où une base de données routières n’existe pas, l’évaluation se limite à l’information qui peut être collectée en surface pour identifier des anomalies que l’on désigne par « dégradations ». Naturellement, la subjectivité des évaluateurs affecte négativement la fiabilité de telles évaluations. En outre, puisque le facteur subjectif est très présent, si deux opérateurs effectuent la même évaluation, il n’est pas dit que leurs résultats seront similaires, ce qui est notamment dû à de multiples facteurs tels que la fatigue, l’éclairage, la réflexion des rayons solaires, la présence de neige, etc.

Il ressort ainsi des recherches entreprises dans le passé que les informations acquises par observation sur une section de chaussée d’un réseau routier souffrent souvent de la subjectivité des évaluateurs. (Gramling, 1994; McGhee, 2004) En effet, l’acquisition d’informations se fait, dans la très grande majorité des cas, par une appréciation visuelle du réseau, pour ensuite être évaluées selon un cadre de référence particulier tel qu’un manuel de relevé des dégradations par exemple. (O’Brien, 1991; Wang, 1993) Dans cette perspective, les mesures recueillies ne permettent pas de qualifier adéquatement le comportement de la chaussée sur son cycle de vie. En outre, ces mesures demeurent, d’une part, insuffisantes et, d’autre part, manquent de rigueur du point de vue de la géolocalisation de l’information. En effet, toutes les informations sur l’état de dégradation précise de l’actif ou sur l’exactitude de sa position, font défaut.

Dans la littérature, la saisie et l’exploitation des mesures recueillies se fait souvent au niveau agrégé, dit « niveau réseau », et donc de manière globale et n’apporte, conséquemment, qu’une information générale sur la qualité des routes dudit réseau. (AASHTO, 2009; Smith, 2007; Tiong, 2012) .

Or, cette thèse s’inscrit dans un cadre plus désagrégé, plus détaillé, où une information plus précise est recherchée pour suivre le comportement spécifique d’une route donnée du réseau routier. C’est le niveau désagrégé, ou « niveau projet», qui est généralement considéré dans l’analyse économique, lorsque les gestionnaires des chaussées décident de la nécessité d’intervenir sur la chaussée. Le fait de négliger l’entretien et donc la préservation de la chaussée, résulte en des coûts supplémentaires qui se chiffrent en milliards de dollars de dépenses ultérieures. Les bénéfices qui ressortent d’un entretien préventif sont les économies pour les usagers (sur les coûts d’exploitation des véhicules, notamment) et les économies pour l’administration puisque les coûts des interventions sur une chaussée, à mesure que celle-ci se détériore, sont exponentiels. (Assaf, 2017) .

En ce qui concerne la seconde contribution de cette thèse, à savoir la mesure des charges circulant sur les routes et des déflexions, cette mesure est généralement effectuée de façon traditionnelle, c’est-à-dire manuellement par des techniciens utilisant des outils spécialisés (balance pour les poids lourds pour la mesure des charges, poutre Benkelman ou déflectomètre à boulet pour la mesure des déflexions). Ajoutons à cela le caractère statique et discret dans l’espace et dans le temps (à un endroit et à un instant donné) de ce type d’évaluation, qui ne permet pas un suivi constant de ces paramètres.

La détérioration des routes est le résultat de nombreux facteurs : leurs caractéristiques inhérentes (matériaux et épaisseurs des couches constitutives de la chaussée), les conditions météorologiques (cycles de température et de précipitation), les interactions dynamiques entre le véhicule et la route (vitesse, caractéristiques de la suspension des véhicules et rugosité de la surface) et les charges caractérisées par l’espacement des essieux, la pression des pneus et le poids par essieu. (New Truck, 1990) Dans tous ces éléments, c’est la charge à l’essieu du véhicule qui s’avère être le facteur qui accélère le plus significativement l’usure de la route. De ce fait, réduire la charge à l’essieu des poids lourds ou l’agressivité, réduirait considérablement le taux d’usure de la chaussée.

Les poids lourds surchargés sont les principaux responsables de la détérioration rapide des routes. La mesure des charges embarquées dans les camions permet d’améliorer la conception de la chaussée et force la mise en place de mesure limitant la charge à l’essieu. En conséquence, la durée de vie des routes et des ponts augmenterait, tandis que les coûts d’entretien et de réhabilitation diminueraient. Par ailleurs, une étude de l’AASHTO a révélé que la suppression d’un seul camion surchargé – qui dépasse, par exemple, de 20 000 livres la limite permise, aurait le même impact positif sur les conditions routières que l’élimination de 44 500 véhicules. (Virtual, 2003 ; Virtual, 2009) Compte tenu de ces informations, il est impératif de trouver une solution pour réduire le taux de détérioration de la route résultant de la circulation de véhicules lourds surchargés.

Or, idéalement, pour ralentir la vitesse de la dégradation des routes, des systèmes de contrôle des charges transportées par les poids-lourds devraient être déployés sur les routes. Les autorités routières utilisent actuellement des stations de pesage statiques et de pesée permanente ou, en anglais, Weight in Motion (WIM). Les coûts d’installation élevés limitent l’implantation de ce système à l’ensemble du système routier : les coûts d’installation d’un seul WIM permanent dépassent les 200 000 USD tandis que les coûts d’une station de pesée statique dépassent les 800 000 USD.

Il existe donc, plusieurs systèmes pour mesurer les charges induites par les véhicules sur les routes. Or, ces systèmes sont dispendieux à acquérir et à maintenir et ne mesurent qu’un axe (z) puisqu’ils sont conçus pour ne mesurer que la charge des véhicules. Le système MIC proposé dans cette thèse, est conçu pour mesurer les 3 axes (x, y, z), afin de tenir compte de l’impact dans toutes les couches constitutives de la chaussée (surface, base et fondation), tout en ayant des coûts de maintenance et d’acquisition moins élevés. Ce système permet de déduire, grâce aux capteurs, si la conception de la route est potentiellement problématique ou si des charges trop importantes endommagent la chaussée.

Originalité des travaux envisagés 

Depuis plusieurs années, la littérature, autant les articles scientifiques que les vastes études menées dans différents pays (FHWA, 1997; Transports Canada, 2007) traitent abondamment des coûts des transports. Cependant, pour ce qui est de la surveillance des actifs aux niveaux structural et fonctionnel, peu de documents ont été produits. La grande majorité de la littérature traitant de l’entretien des réseaux routiers, est directement liée aux observations de la surface de la chaussée. (Mei, 2014; Smith, 2007; Tiong, 2012) En effet, les derniers outils spécialisés tentent de couvrir une grande superficie du réseau routier pour identifier les dommages qui sont visibles principalement sur la couche de surface de la chaussée. La saisie des  données de dégradation sur les routes est très coûteuse et le développement d’une plateforme qui a recours aux technologies des véhicules autonomes pour identifier les dégradations, données traitées ensuite par l’intelligence artificielle, est une innovation car elle permet d’obtenir les informations pour les administrateurs et gestionnaires à un coût minime. Le fait de centraliser les informations acquises et de les traiter automatiquement réduit les coûts d’opération. L’utilisation d’une plateforme centralisée dans le nuage informatique (cloud) a démontré son efficacité en termes de rentabilité ainsi que son efficience pour des entreprises de toutes tailles (Mohapatra, 2014).

L’originalité réside également dans une nouvelle avenue de recherche scientifique, principalement au niveau du cadre de référence des capteurs pour mesurer les charges. À cet effet, un dispositif conçu avec des extensomètres pour mesurer les déformations des résistances sous la charge de véhicules a été développé pour être inséré dans la chaussée. Les extensomètres permettent de mesurer les différents voltages créés sous la déformation physique des résistances afin de déduire la charge des véhicules. Le voltage acquis est fortement corrélé à la charge appliquée.

Avec cette approche, la réduction de coût pour acquérir, maintenir et implémenter le système d’acquisition permet d’obtenir davantage d’informations avec les points d’acquisitions sur les 3 axes (x, y, z) avec le MIC. Ces données permettent d’avoir une base de données complète pour établir un cadre de référence pour la charge des véhicules se déplaçant sur la route, ainsi qu’une base de connaissances pour valider que le voltage du MIC demeure similaire avec une charge qui se déplace à différents endroits sur une chaussée. Lorsqu’on observe un changement significatif de voltage pour une même charge avec le MIC, ceci indique potentiellement une faiblesse de la chaussée aux endroits significatifs, d’où l’intérêt de l’approche.

Par ailleurs, et pour ce qui concerne le deuxième volet de cette recherche, force est d’admettre que l’utilisation du LiVi, permet d’automatiser les processus pour l’acquisition des informations, c’est-à-dire des images de la chaussée, et représente à ce titre, un changement majeur au niveau opérationnel. Ceci, couplé à un système d’apprentissage machine pour qualifier les différents types de déformations, constitue un système simple, permettant d’acquérir une grande quantité de données (sur des kilomètres de routes) et de transformer ces données en informations utiles à l’aide d’un modèle qualitatif pour la reconnaissance d’image (apprentissage machine). Ainsi, en bâtissant ce modèle, on conçoit une fondation pour que tous les types de données soient mesurées et évaluées avec une qualification d’images selon un standard unique. L’automatisation en temps réel, qu’on retrouve lors de l’acquisition et lors de la qualification des données, est l’un des points majeurs de cette innovation opérationnelle. Ces données sont insérées dans une matrice prédéfinie fournissant une vision précise, dans un moment donné, de l’état fonctionnel d’une chaussée.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 OBJECTIFS ET MÉTHODOLOGIE
1.1 Objectifs principaux
1.2 Méthodologie
1.3 Originalité des travaux envisagés
CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE – SUIVI DE L’ÉTAT DES CHAUSSÉES
2.1 Suivi de l’état du réseau routier
2.1.1 Imagerie aérienne
2.1.2 Drones
2.1.3 Véhicules d’enquête
2.2 Méthodes visuelles
2.3 État des chaussées
2.3.1 L’uni
2.3.2 Performance structurale
2.3.3 La résistance au dérapage
2.3.4 Dégradations de surface
2.4 Évaluation de la capacité structurale de la chaussée
2.5 Revue de littérature au niveau fonctionnel
2.5.1 Vue d’ensemble des méthodes de collecte de données existantes
2.5.2 Système de cartographie mobile
2.6 Avantages de la surveillance structurale et fonctionnelle
2.7 Quantification de l’information
CHAPITRE 3 REVUE DE LA LITTÉRATURE – NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR LA COLLECTE DE DONNÉES ROUTIÈRES
3.1 Structure de communication de la télémétrie
3.1.1 Réseau de capteurs sans fil
3.1.2 L’architecture physique
3.2 Le LiDAR
3.3 Systèmes de cartographie mobiles à base de laser (LiDAR)
3.3.1 Composantes du système
3.3.1.1 Système d’imagerie
3.3.1.2 Système de balayage laser
3.3.1.3 Système de navigation
3.3.1.4 Système d’acquisition des données
3.3.2 Logiciel et traitement de données
3.3.3 Réseau de neurones
3.3.4 Gestion des coûts pour l’acquisition d’informations
3.3.5 Méthodes de collectes populaires
3.3.6 Produits et solutions qui visent des objectifs similaires
3.3.6.1 Système piézoélectrique
3.3.6.2 Sondes capacitives
3.3.6.3 Bandes de recourbement
3.3.6.4 Cellule de charge
3.3.6.5 Fibre optique
3.3.6.6 Comparaison entre les capteurs
3.3.6.7 Intégration de l’information provenant des capteurs dans un système d’acquisition
3.3.7 Contexte économique
3.4 Génération des résultats – évaluation de la chaussée
CHAPITRE 4 MÉTHODOLOGIE DE DÉVELOPPEMENT ET RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX DU SYSTÈME LIDAR – VIDÉO (LiVi)
4.1 Mise en contexte
4.2 Résultats obtenus du réseau de neurones
4.3 Résultats obtenus du LiVi
CHAPITRE 5 MÉTHODOLOGIE DE DÉVELOPPEMENT ET RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX DU SYSTÈME DE MESURE DE L’INTENSITÉ DES CHARGES (MIC)
5.1 Mise en contexte
5.2 Prototype MIC
5.3 Conception mécanique
5.3.1 Module d’élasticité
5.4 Conception électronique
5.4.1 Principe de l’extensomètre
5.5 Banc d’essai
CHAPITRE 6 VALIDATION EXPÉRIMENTALE DU SYSTÈME LIDAR – VIDÉO (LiVi)
6.1 Mise en contexte
6.2 Validation de l’hypothèse – premier objectif
6.2.1 Validation des données – ToF
6.2.2 Validation des données – GoPro
CHAPITRE 7 VALIDATION EXPÉRIMENTALE DU SYSTÈME DE MESURE DE L’INTENSITÉ DES CHARGES (MIC)
7.1 Mise en contexte
7.2 Validation de l’hypothèse – second objectif
7.2.1 Détails de la validation du second sous-objectif
CHAPITRE 8 DISCUSSION
CONCLUSION

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