Développement d’une méthode de mesure de la célérité du son

La vitesse du son dans les écoulements cavitants varie considérablement en fonction du taux de vide local. Par exemple, elle est proche de 1500 m/s dans l’eau pure, 400 m/s dans la vapeur d’eau et peut diminuer bien en dessous de ces valeurs dans le mélange liquidevapeur (Jakobsen [JK64]). Les écoulements cavitants sont donc quasiment incompressibles dans les zones purement liquides, et fortement compressibles dans les zones diphasiques. Dans des configurations industrielles comme les pompes ou les inducteurs des moteurs de fusée, le nombre de Mach en mélange liquide-vapeur peut atteindre des valeurs de l’ordre de 10, alors qu’il est proche de zéro en dehors du mélange. La transition entre ces deux états est très brutale avec d’importants gradients de masse volumique.

Cette propriété physique des écoulements cavitants est de première importance afin de comprendre leur comportement instationnaire, comme par exemple le mécanisme des lâchers périodiques de vapeur associés à des poches de cavitation fluctuantes. En fait, il a été remarqué par plusieurs auteurs que les ondes de pression dues à l’implosion des nuages de vapeur en aval des aubages d’une pompe ou d’un hydrofoil, peuvent avoir une influence sur le comportement instationnaire de poche de cavitation (Arndt et al. [Arn00], Leroux et al. [Ler05]). Il a été par exemple montré par Leroux et al. [Ler05], dans une configuration de poche de cavitation sur un hydrofoil 2D, que différents types de cycles périodiques de cavitation sont obtenus en fonction de l’intensité des ondes de pression émises pendant l’implosion des nuages de vapeur.

Il est donc nécessaire de prendre en compte la compressibilité du fluide dans les simulations numériques de cavitation instationnaire afin de reproduire un mécanisme si subtil. Cependant cela nécessite une estimation correcte de la vitesse du son dans les modèles numériques. En effet, certains modèles de cavitation sont basés sur une loi barotrope qui estime la variation de densité du mélange en fonction de l’évolution de pression locale (Delannoy et Kueny [Del90], Merkle et al. [Mer98], Coutier Delgosha et al. [Cou03]). Dans de tels modèles (Figure I-1) la pente de la courbe représentant la loi d’état, est directement liée à la vitesse locale du son. La valeur maximale de la pente, qui est un paramètre crucial puisqu’il contrôle les dimensions de la poche de cavitation, doit être cohérente avec la physique. Jusqu’à présent cette valeur est obtenue grâce au modèle théorique proposé par Jakobsen [JK64], ce qui donne une vitesse minimale du son aux alentours de 3 m/s pour l’eau froide. La valeur finale utilisée dans les simulations numériques par Coutier-Delgosha et al. [Cou03] est 1,5 m/s, afin d’obtenir les formes de poche de cavitation cohérentes avec les observations expérimentales.

La cavitation est un phénomène qui apparaît dans un écoulement liquide dans des zones de basse pression qui peuvent être dues à un obstacle. Des bulles de vapeur se forment dans l’écoulement et implosent au fur et à mesure quand la pression ré-augmente (La cavitation [Fra95]).

Ce phénomène se produit lorsque la pression statique au sein du liquide descend en dessous de sa pression de vapeur saturante (par exemple pour l’eau : Pvs = 1917 Pa à 17°C). Par conséquent le liquide se vaporise et ceci explique l’apparition des bulles. Pour que cette dépression ait lieu, il faut que l’écoulement rencontre une singularité. Il peut s’agir d’une pale d’hélice, des aubages d’une pompe, d’une grille, d’un rétrécissement brusque dans un circuit etc. En effet, le passage de l’écoulement autour d’un obstacle engendre une dépression locale à cause de la survitesse. Cette diminution de pression, si elle est suffisante pour atteindre la pression de vapeur saturante du liquide, peut entraîner sa vaporisation locale. Une fois la singularité passée, l’écoulement est de nouveau comprimé ce qui provoque l’implosion des bulles. C’est cette implosion des bulles, qui engendre un bruit important ainsi qu’une érosion de la singularité.

Sur le diagramme thermodynamique d’un corps pur , on constate qu’il y a deux chemins pour accéder à l’évaporation. Le premier consiste à augmenter la température à pression constante, tandis que le second consiste à diminuer la pression à température constante. La seconde solution est celle qui conduit à la définition de la cavitation.

Pref est une pression statique caractéristique de l’écoulement considéré, ρl et Vref sont respectivement la masse volumique du liquide et une vitesse caractéristiques de cet écoulement. Plus σ est élevé, plus l’écart de la pression dans l’écoulement avec la pression de vapeur est important, et par conséquent plus le risque de cavitation est réduit. Lorsque le nombre de cavitation diminue, le risque augmente.

Comme expliqué précédemment, l’apparition de cavitation est toujours liée à une diminution locale de la pression dans un liquide. Celle-ci peut se produire pour plusieurs raisons :

• Contournement d’un obstacle : le détour provoqué par cet obstacle engendre une survitesse. Cette survitesse a pour effet une baisse de la pression du fait de la conservation de l’énergie. La quantité de vapeur créée dépend de la survitesse, donc de la géométrie de l’obstacle.

• Rétrécissement d’une section : le rétrécissement du passage du fluide dans une installation provoque également une augmentation de vitesse locale (par conservation de la masse), et par conséquent une chute de pression. Ce phénomène peut donner lieu à l’apparition de cavitation.

• Jet liquide dans un fluide au repos : dans un tel cas, il y a un cisaillement important sur les bords du jet ce qui va créer des tourbillons avec une vitesse élevée et une dépression importante.

• La cavitation d’entrefer : ce phénomène se rencontre dans les pompes non ceinturées (ouvertes) entre la périphérie des aubes et le carter extérieur.

• La cavitation de tourbillon : ce phénomène se produit lorsque le fluide est soumis, en plus de son mouvement d’ensemble, à une rotation sur lui-même. La forte dépression qui en résulte au centre du tourbillon peut aboutir à la vaporisation du liquide. Ce type de cavitation se rencontre en particulier dans les hélices, et dans les pompes.

• La cavitation de sillage : au passage d’une singularité dans un écoulement, on assiste à la formation de fortes turbulences. Celles-ci induisent des vitesses radiales importantes qui font chuter la pression et conduisent au phénomène de cavitation.

Pour beaucoup de chercheurs, la modélisation numérique de la cavitation est basée sur le système composé des équations suivantes : 1- conservation de la masse 2- conservation de la quantité de mouvement et 3- loi d’état barotrope. Un écoulement cavitant (mélange liquidevapeur) est en général considéré comme l’écoulement d’un seul fluide, qui est présent dans le domaine de calcul à la fois sous forme liquide et sous forme vapeur. En ce qui concerne les flux de quantité de mouvement, on suppose que localement les vitesses sont identiques pour le liquide et pour la vapeur. Le taux de vide (α) local est relié à la densité du mélange par la relation : ρ=αρv+(1-α)ρl . Le taux de vide varie de zéro à 1 tandis que la densité varie de ρl (densité du liquide) à ρv (densité de la vapeur). Cette densité peut être calculée par exemple à partir d’une loi barotrope qui relie son évolution aux variations de pression dans l’écoulement. Concernant l’évolution de la loi barotrope utilisée dans le cas de l’eau, la loi des gaz parfaits est appliquée dans la vapeur, et la loi de Tait [Kna70] est utilisée pour le liquide. Cependant une partie centrale doit relier ces deux parties liquide et vapeur (figure I-4) mais son évolution n’est toujours pas bien calibrée. Pour cette liaison certains chercheurs utilisent une fonction de forme sinusoïdale (par ex. [Del90] et [Cou03]) et d’autres utilisent une fonction polynômiale (par ex. [Mer98]).

Comme on l’a vu précédemment, en se basant sur la relation proposée par Jakobsen, le son passe par une vitesse minimale de 3,3 m/s. Néanmoins Coutier-Delgosha et al [Cou03] trouvent que dans la simulation numérique, cette vitesse minimale doit être présumée égale à 1,5 m/s pour que les résultats numériques présentent une allure cohérente avec la réalité expérimentale pour les poches de cavitation.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : DESCRIPTION DE LA PROBLEMATIQUE
1.1. PHENOMENE DE CAVITATION
1.2. MODELISATION NUMERIQUE DE LA CAVITATION
1.3. PROPAGATION DU SON EN MILIEU DIPHASIQUE HOMOGENE
1.3.1. Modèles théoriques
1.3.1.1. Modèle de Jakobsen
1.3.1.2. Modèle de Brennen
1.3.1.3. Modèle de Nguyen
1.3.2. Expériences précédentes
CHAPITRE II : DISPOSITIF EXPERIMENTAL
2.1. INTRODUCTION
2.2. INSTALLATION
2.2.1. Description du banc et de la 1ère veine d’essais
2.2.2. Création de la cavitation homogène
2.2.2.1. Homogénéisation de l’écoulement
A. Installation d’un nid d’abeille en aval de la grille
B. Installation d’un diaphragme en amont de la grille
2.2.2.2. Modification de la veine d’essais en vue des mesures en cavitation
A. Aspect théorique et pertes de charge
B. Conception de la 2ème veine d’essais
2.2.2.3. Dispositif pour l’injection d’air
2.3. INSTRUMENTATION
2.3.1. Mesure du taux de vide
2.3.1.1. Principe de fonctionnement de la sonde optique
2.3.1.2. Estimation du taux de vide et du diamètre caractéristique de bulle
2.3.1.3. Etalonnage de la sonde
2.3.1.4. Effet du bruit de fond pour la sonde
2.3.2. Mesure de la célérité du son
2.3.2.1. Méthode à deux hydrophones
A. Aspects théoriques
i. Technique des inter/auto corrélations
ii. Technique des inter/auto spectres
B. Aspects pratiques
i. Protocole expérimental pour aboutir à la vitesse du son
ii. Critères sur l’utilisation des hydrophones
2.3.2.2. Méthode à trois capteurs de pression
A. Descriptif du montage
B. Aspects théoriques
C. Vitesse du son dans un mélange diphasique en milieu libre
D. Détermination de la cohérence des mesures
E. Critère sur la fréquence de coupure de la conduite
CHAPITRE III : ETALONNAGE ET VALIDATION DES MESURES DE LA CELERITE DU SON
3.1. INTRODUCTION
3.2. MESURE AVEC 2 HYDROPHONES EN VIS-A-VIS
3.2.1. Théorie
3.2.2. Mesure sans écoulement (au repos)
3.2.3. Mesure avec écoulement
3.3. MESURE AVEC 3 CAPTEURS DE PRESSION
3.4. CONCLUSIONS TIREES DE L’ETALONNAGE DU SYSTEME
CONCLUSION

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