Durabilité des mortiers de piégeage au ciment Portland

Durabilité des mortiers de piégeage au ciment Portland

Les mortiers formulés doivent être validés du point de vue de leur durabilité, c’est-à-dire qu’il faut vérifier leur capacité à conserver leurs performances sur des échelles de temps longues, à être pérennes. Le chapitre 5 permettra d’en évaluer les performances de piégeage. Dans ce chapitre, la durabilité est quantifiée au moyen de deux approches complémentaires. Dans une première partie, nous utilisons les indicateurs généraux de l’approche performantielle [Baroghel-Bouny 2005]. Celle-ci a été développée initialement pour la prévention de la corrosion des armatures et de l’alcali-réaction dans les bétons. Elle exige la caractérisation de paramètres fondamentaux pour limiter ces défauts, qui sont préjudiciables à la tenue dans le temps des matériaux et des structures (souvent en béton armé). De manière plus générale que ces deux pathologies, la durabilité est liée par [Baroghel-Bouny 2005] à l’aptitude du matériau cimentaire à résister à la pénétration d’agents agressifs, qu’il s’agisse de chlorures en phase aqueuse, de gaz (CO2 de l’air) en atmosphère plus ou moins humide ou autre. De ce fait, les paramètres clés à identifier dans l’approche performantielle sont la porosité accessible à l’eau (corrélée à la résistance en compression) et, surtout, les propriétés de transport de fluide. Dans le cas de déchets dégageant des gaz à évacuer de façon contrôlée, nous avons focalisé le travail sur les propriétés de transport massique de gaz (perméabilité au sens de Darcy), à l’état partiellement saturé (c’est-à-dire sans séchage préalable). Dans ce cadre, les mortiers les plus prometteurs du chapitre 3 sont comparés aux mortiers de référence et à la pâte de ciment issue du brevet [Lambertin et al. 2010]. Le chapitre présente tout d’abord les principales méthodes utilisées, puis la caractérisation du réseau poreux et des propriétés de transport de gaz sans séchage préalable puis après séchage, à différents âges (jusqu’à 180 jours de maturation endogène). L’objectif est, d’une part, de quantifier l’évolution de la perméabilité dans le temps. Si la perméabilité est faible, et qu’elle reste stable ou diminue, on aura obtenu des facteurs favorables à une bonne durabilité. Dans un second temps, il s’agit de déterminer par quels chemins de percolation le gaz traverse le matériau, et s’il s’agit des pores typiques du piégeur. Dans une seconde partie (découpée en deux sections distinctes de ce chapitre), la durabilité est évaluée du point de vue des interactions chimiques entre le piégeur et le ciment Portland (solides et eau porale). Dans le premier cas, il s’agit de déterminer si la présence du piégeur modifie la structure du ciment hydraté. Nous avons vu au chapitre 3 que le MnO2 accélère le début de prise, mais l’effet sur les hydrates, garants des performances et de la durabilité du ciment, n’est pas encore connu. Dans le deuxième cas, il est connu que le MnO2 a des capacités d’adsorption de surface des cations, variables avec le pH, la nature et la concentration des cations [Pretorius et al. 2001]. Pour l’eau porale typique des ciments Portland, à notre connaissance, l’ampleur de ce mécanisme n’est pas documentée. 

Durabilité par l’approche performantielle

Matériaux

Dans cette partie, les mesures de perméabilité ont été effectuées sur les mortiers de référence (REF-I-50 et REF-V-50) et sur les mortiers au MnO2 (TER-I-54, TER-V-48 et QUAT-V-48) conservés en cure endogène pendant 7, 28, 90 ou 180 jours. Pour chaque formulation, l’ensemble des échantillons testés appartient à une même gâchée. Les tailles d’échantillon et les conditions expérimentales sont décrites ci-dessous. Pour chaque formulation, trois échantillons différents ont été testés à chaque âge, soit un total de 12 échantillons par formulation, et 60 échantillons au total. Chaque échantillon étant testé à l’état partiellement saturé puis à l’état sec, cela correspond à 120 essais de perméabilité intrinsèque. La caractérisation de la structure poreuse se fait sur ces mêmes mortiers, et en particulier sur les mêmes échantillons pour la porosité et le degré de saturation en eau. 1.2. Méthodes Les différentes méthodes utilisées ici ont pu nécessiter une vidange complète du réseau poreux. 

Caractérisation de la structure poreuse

Porosité et degré de saturation en eau. Ces paramètres sont évalués sur les échantillons utilisés pour les mesures de perméabilité au gaz. Il s’agit de cylindres de 65 mm de diamètre et 10-15 mm de hauteur. Ils sont pesés à 7, 28 ou 90 jours pour quantifier leur masse initiale 𝑚0, testés en perméabilité (voir ci-dessous) à l’âge considéré, puis séchés en étuve à 60°C jusqu’à stabilisation de leur masse sèche 𝑚𝑠è𝑐ℎ𝑒 . Pour obtenir la porosité, chaque échantillon sec est saturé à l’éthanol, plutôt qu’à l’eau ou à l’huile, parce que ce liquide ne réagit pas significativement avec le matériau [Zhang et al. 2011], et parce que sa viscosité est  suffisamment faible pour ne pas empêcher l’échantillon d’être saturé.

Morphologie du réseau poreux au Microscope

Electronique à Balayage (MEB). Comme dans le chapitre 3, le MEB utilisé est un JEOL JSM-7800F LV doté d’une source FEG, de détecteurs d’électrons secondaires et rétrodiffusés. La tension d’accélération utilisée est de 15 kV, et la distance de travail est fixe, comprise entre 11 et 14 mm. Pour ce type d’analyse, et notamment afin de visualiser l’intérieur des particules de poudres, une préparation plus poussée a été effectuée : la poudre est séchée en étuve à 105 °C jusqu’à stabilisation de la masse, imprégnée dans une résine époxy, et l’échantillon est poli en surface [Song et al. 2015] [Song et al. 2016]. Pour les mortiers, on arrête l’hydratation par échange de solvant à l’isopropanol, puis on sèche jusqu’à stabilisation de masse en mettant le matériau en enceinte hermétique à 23 %HR ; par la suite, le matériau est imprégné de résine époxy et polie en surface. Cette méthode a été utilisée pour observer les mortiers dans la 2e partie du chapitre. Géométrie du réseau poreux. Aucune technique n’est capable à elle seule d’analyser la distribution de tailles de pores très étalée des mortiers ou des pâtes de ciment. C’est pourquoi il est nécessaire de coupler les méthodes afin de caractériser la gamme la plus large possible de tailles de pores des mortiers (Figure IV-1). Dans cette thèse, on utilise les méthodes indirectes quantitatives que sont la porosimétrie par intrusion de mercure et les isothermes de sorption/désorption d’azote [Neville 2000] ; [Scrivener et al. 2016], et la Microscopie Electronique à Balayage [Scrivener et al. 2016]. Au préalable, les échantillons sont séchés en étuve à 105°C. Comme on l’a vu dans le chapitre 2, les isothermes de sorption/désorption d’azote fournissent également la surface spécifique des pores du matériau [Thommes et al. 2015]

Propriétés de transport de gaz

La perméabilité est la propriété qui caractérise la capacité d’un matériau poreux à se laisser plus ou moins traverser par un fluide, sous forme liquide ou gazeuse [Skoczylas 1996] [Meziani et al. 1999]. On présente ci-dessous (Figure IV-2) un équipement typique du laboratoire, adapté à la mesure de la perméabilité au gaz. L’essai est réalisé dans une cellule triaxiale remplie d’huile (qui assure un confinement évitant les fuites de gaz latérales). Le gaz traverse l’échantillon du bas vers le haut via les embases inférieure et supérieure de la cellule triaxiale. Au préalable, l’échantillon de longueur L et de section A est placé dans une manchette souple fermée par des colliers de serrage pour l’isoler de l’huile. Il est soumis à une faible contrainte hydrostatique de 3 MPa, visant à éviter les fuites de gaz et à assurer son écoulement uniquement à travers l’échantillon. Toutes les expériences utilisent de l’azote (à une pureté de 99%). Un manomètre précis à +/- 0,001 MPa est placé en amont de l’échantillon pour mesurer la pression de gaz en amont de l’échantillon P1(t). 

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