Dyslipoprotéinémie associée à la résistance à l’insuline

Formation dyslipoprotéinémie associée à la résistance à l’insuline, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.

Résistance à l’insuline et santé cardiovasculaire

La RI constitue un facteur de risque majeur pour les MCV. L’hyperinsulinémie est associée au risque de MCV,224-228 ce qui suggère que le risque cardiovasculaire est augmenté dès les stades les plus précoces de la RI. Avec la progression de la RI et le développement des anomalies métaboliques concomitantes, le risque de MCV augmente davantage et n’est plus fonction exclusivement de l’hyperinsulinémie. En fait, dépendamment du stade de RI, le risque de MCV est 2 à 5 fois supérieur que chez des personnes insulino-sensibles.229-232
La RI augmente le risque de diabète de type 2, de syndrome métabolique, d’hypertension artérielle et de stéatose hépatique non alcoolique. Toutes ces conditions contribuent au risque de MCV et nécessitent une prise en charge clinique.204, 229, 230, 232, 233 De ce fait, la RI représente un fardeau socio-économique majeur à l’échelle mondiale. Par exemple, en 2012, aux États-Unis, les coûts attribuables seulement à la prise en charge du diabète de type 2 étaient évalués à plus de 245 milliards de dollars.234

Diagnostic de la résistance à l’insuline

La RI réfère aujourd’hui davantage à un construit physiopathologique qu’à une condition clinique.204 Bien qu’une hyperinsulinémie compensatoire, une réponse glycémique exagérée lors d’un test de tolérance au glucose ou un indice HOMA-IR > 2,5 permettent d’identifier une RI,218, 235 cette dernière n’est habituellement pas diagnostiquée en soi.
En 1988, Dr Gerald M. Reaven a proposé les premiers critères diagnostics du syndrome de RI (ou syndrome X). La présence simultanée d’une captation de glucose résistante à l’insuline, d’une intolérance au glucose, d’une hyperinsulinémie, d’une hypertriglycéridémie, de faibles concentrations de C-HDL et d’hypertension constituaient les composantes cliniques du syndrome de RI.
Depuis 2001, il existe des critères uniformisés pour diagnostiquer le syndrome métabolique. La présence simultanée de trois des cinq critères présentés au tableau 12-2 est suffisante pour diagnostiquer un syndrome métabolique (chez les personnes caucasiennes d’origine européenne ; les critères varient selon l’ethnicité).
Tableau 12-2 Critères diagnostiques du syndrome métabolique

Dyslipoprotéinémie associée à la RI

Présentation clinique

La dyslipoprotéinémie associée à la RI se caractérise par une triade d’anomalies lipidiques, dont la plus fréquente est l’hypertriglycéridémie. À jeun, des concentrations de TG supérieures à 1,7 mmol/L sont considérées élevées. En état postprandial, une triglycéridémie supérieure à 2,5 mmol/L est anormalement élevée.236 L’hypertriglycéridémie associée à la RI est de niveau faible à modérée (1,7 mmol/L à 10,0 mmol/L). Une triglycéridémie à jeun supérieure à cela est plus souvent causée par un désordre génétique lié à l’hydrolyse des TG (p.ex. déficience en LPL).46 Dans un état de RI, l’hypertriglycéridémie résulte d’une augmentation du nombre et du temps de résidence des LRT d’origine intestinale et hépatique.237
Les deux autres caractéristiques de la triade athérogène de la dyslipoprotéinémie associée à la RI touchent les LDL et HDL. En présence de RI, les particules LDL en circulation sont plus nombreuses, plus petites et plus denses. Parallèlement, les concentrations de C-LDL demeurent normales ou faiblement élevées. Quant aux particules HDL, elles sont aussi plus petites et plus denses. Cela entraîne une diminution des concentrations de C-HDL. Toutes les caractéristiques cliniques de la dyslipoprotéinémie associée à la RI sont associées à l’athérosclérose.

Physiopathologie de la dyslipoprotéinémie associée à la résistance à l’insuline

Altérations dans le métabolisme des lipoprotéines

L’hypertriglycéridémie se développe par des altérations dans la sécrétion et la clairance des VLDL hépatiques et des LRT intestinales. D’abord, au niveau de la sécrétion, dans un état de RI, l’augmentation des niveaux circulants d’AGL et de glucose élève la quantité de substrats disponibles au foie et à l’intestin pour la production de lipoprotéines.45, 238 Au niveau hépatique, des études suggèrent aussi que la RI atténue la dégradation de l’apo B, rendant ainsi disponible un plus grand nombre de ces protéines pour la formation de VLDL.239 Parallèlement, le développement de la RI au foie et à l’intestin diminue l’effet inhibiteur de l’insuline sur la sécrétion de lipoprotéines. Il y a donc une abondance de substrats requis pour l’assemblage de LRT et une diminution de l’efficacité du « frein » métabolique modérant la sécrétion de lipoprotéines. Cela résulte en une augmentation de la sécrétion de ces particules.52
Le construit ci-haut est bien reconnu et accepté. Cependant, une incertitude demeure quant aux mécanismes responsables de l’augmentation de la sécrétion de LRT intestinales. En effet, des observations contradictoires par rapport à l’expression intestinale des gènes clés impliqués dans l’assemblage et la sécrétion des chylomicrons ont été rapportées chez des humains RI présentant une surproduction de LRTs contenant l’apo B-48.11, 240 Phillips et coll.240 ont observé une augmentation de l’expression duodénale du gène de la MTP chez des sujets avec un diabète de type 2 comparativement à des sujets sans diabète. Cette observation suggère que l’effet suppresseur de l’insuline sur la synthèse des chylomicrons est atténué par la RI, ce qui augmente la lipogenèse intestinale et stimule la sécrétion de LRT contenant l’apo B-48. Ce construit est aussi appuyé par les modèles animaux de RI. Des travaux réalisés par Dr Patrick Couture ont plutôt démontré que l’expression intestinale de plusieurs gènes clés impliqués dans le métabolisme des chylomicrons, dont celui de la MTP, était diminuée chez des sujets RI comparativement avec des sujets insulino-sensibles.11 L’absence de corrélation directe entre l’expression génique intestinale et la sécrétion de chylomicrons en état postprandial était expliquée par l’effet répressif important de l’hyperinsulinémie sur l’expression des gènes impliqués dans la synthèse des chylomicrons et par l’augmentation du flux d’AGL de la circulation vers les entérocytes.11, 241, 242 Ces deux paradigmes opposés ont été démontrés sur un nombre limité de sujet (n ≤ 27). Il demeure donc essentiel d’étudier les mécanismes intracellulaires du métabolisme des LRT contenant l’apo B-48 dans un échantillon plus grand. Cet enjeu fait partie des travaux présentés au chapitre 14.
Le métabolisme des LRT contenant l’apo B-48 et des VLDL contenant l’apo B-100 en circulation est aussi altéré avec la RI.239 L’effet stimulant de l’insuline sur la LPL est diminué et l’augmentation des concentrations d’AGL et de glucose stimule la sécrétion hépatique d’apo C-III.243, 244 Ces deux éléments diminuent l’activité de la LPL, ce qui ralentie le processus d’hydrolyse des TG transportés par les lipoprotéines. Parallèlement, considérant que les LRT contenant l’apo B-48 ont une plus grande affinité avec la LPL que les VLDL hépatiques et que ce processus d’hydrolyse est saturable,245, 246 une augmentation de la concentration de LRT contenant l’apo B-48 tend à « monopoliser » l’activité de la LPL, ralentissant par le fait même l’hydrolyse des TG des VLDL contenant l’apo B-100. Cela contribue à l’accumulation de TG en circulation.
Enfin, le taux de clairance des LRT contenant l’apo B-48, VLDL, IDL et LDL est inférieur chez les sujets RI comparativement à des sujets insulino-sensibles.247-250 La glycosylation des apos et l’oxydation des lipoprotéines en circulation diminuent leur affinité avec les récepteurs lipoprotéiques hépatiques responsables de leur clairance.239 De plus, l’activation des récepteurs lipoprotéiques par l’insuline serait aussi diminuée dans un état de RI.239 Dans l’ensemble, cela contribue à l’accumulation des lipoprotéines en circulation et au développement de l’hypertriglycéridémie.
L’accumulation de LRT dans la circulation stimule l’activité de la CETP et facilite l’échange de TG et d’esters de cholestérol entre les LRT, les LDL et les HDL via la CETP. Ces échanges sont à l’origine de la diminution de la grosseur des LDL et HDL. La réduction de la grosseur de ces particules les rend plus susceptibles à la glycolisation et à l’oxydation, diminue leur affinité avec les récepteurs membranaires et augmente leur temps de résidence.239 Cela augmente aussi l’affinité des LDL aux protéoglycans de l’intima ce qui peut favoriser leur entrée dans la paroi vasculaire. Ces modifications physiques des LDL et des HDL mènent à un profil lipidique plus athérogène.
En somme, les altérations dans le métabolisme des LRT d’origine intestinale observées dans la RI jouent un rôle central dans le développement de la dyslipoprotéinémie associée à la RI ainsi que dans le développement des MCV associées à cette condition. C’est pour cette raison que la majorité des travaux originaux présentés dans les chapitres à venir portent sur le métabolisme intestinal des lipoprotéines.

Rôle de l’inflammation dans la sévérité phénotypique de la dyslipoprotéinémie associée à la RI

L’inflammation intestinale jouerait un rôle central dans le développement de la RI et, par le fait même, dans celui de la dyslipoprotéinémie associée à la RI.8, 251, 252 Dans des modèles animaux expérimentaux chez qui une inflammation intestinale était induite, une diminution de la sensibilité à l’insuline intestinale et une augmentation de la sécrétion de LRT contenant l’apo B-48 était observée.8, 253 Chez des humains, des associations entre des marqueurs de l’inflammation intestinale, la signalisation de l’insuline et la sécrétion d’apo B-48 ont été observées.13, 14, 254 Une association inverse entre les concentrations plasmatiques de CRP, une protéine de phase aiguë reflétant de façon précoce et sensible l’état inflammatoire,255 et le taux de clairance des LRT contenant l’apo B-48 a aussi été observée dans un petit échantillon de sujets obèses.256 Somme toute, les données sur le rôle de l’inflammation dans la sécrétion de LRT contenant l’apo B-48 et le développement de la dyslipoprotéinémie postprandiale associée à la RI demeurent très limitées à ce jour chez les humains. Cet aspect du métabolisme des LRT contenant l’apo B-48 fait partie des travaux présentés au chapitre 15.

Rôle de la PCSK9 dans la sévérité phénotypique de la dyslipoprotéinémie associée à la RI

Un nombre important d’études ont rapporté que les sujets RI présentent des concentrations élevées de la PCSK9 comparativement aux sujets insulino-sensibles.23-29 Compte tenu des effets de cette proprotéine sur les concentrations des récepteurs lipoprotéiques membranaires (R-LDL, R-VLDL, LRP1)18, 19, 257, 258 et de ses effets possibles sur la sécrétion de lipoprotéines contenant une apo B, particulièrement les LRT contenant l’apo B-48,20, 21 la PCSK9 pourrait exacerber la dyslipoprotéinémie postprandiale chez des sujets RI. Cet enjeu fait l’objet des travaux présentés au chapitre 16.

Approche clinique dans la prise en charge de la dyslipoprotéinémie associée à la RI

Habitudes de vie

Normaliser le profil lipidique des individus RI nécessite d’abaisser la triglycéridémie et la concentration des LDL petites et denses. Comme les travaux réalisés portent principalement sur le métabolisme des LRTs, la présente section se concentre sur les approches cliniques visant le métabolisme de ces lipoprotéines. Ce choix éditorial ne vise pas à diminuer l’importance de la réduction de la concentration des LDL petites et denses dans la prise en charge de cette dyslipoprotéinémie.
Il est recommandé de traiter la dyslipoprotéinémie et l’hypertriglycéridémie associées à la RI principalement par l’adotion de saines habitudes de vie.259-262 Une amélioration marquée des habitudes de vie peut entraîner une baisse dans les concentrations de TG de près de 50%. Il est estimé qu’une baisse du poids corporel de 5-10% peut réduire les concentrations de TG de 25% à raison d’un ratio moyen de 0.015 mmol/L/kg.263-265

Alimentation

L’approche nutritionnelle clinique pour l’hyperlipidémie postprandiale associée à la RI n’est pas spécifique à cette anomalie lipidique. Aussi, cette approche n’a pas été systématiquement évaluée chez des sujets RI. La composition en macronutriments et aliments d’un patron alimentaire bénéfique pour cette problématique s’applique à la majorité des anomalies lipidiques et s’inscrit aussi dans une démarche globale de saines habitudes de vie. Les bénéfices qui en découlent touchent tant le métabolisme des lipides que la santé globale et permettent de prévenir les MCV en plus de plusieurs autres problèmes de santé chronique. Il demeure tout de même problématique que, dans certains cas, il soit assumé que l’effet de l’alimentation observé dans la population générale est le même que chez les sujets RI.

Macronutriments

La consommation d’une alimentation riche en glucides et faible en gras comparativement à une alimentation avec un contenu faible à modéré en glucides et modéré à élevé en gras est associée à une augmentation des concentrations de TG plasmatiques. Une substitution de 5% de l’apport énergétique provenant de lipides au profit des glucides est associée à une augmentation d’environ 5% des concentrations de TG.260, 266, 267 Ces données proviennent de méta-analyses d’études nutritionnelles réalisées chez des sujets sains et des sujets avec un diabète de type 2.266, 268 Chez les personnes avec une hypertriglycéridémie associée à la RI, les glucides alimentaires devraient composer 45 à 65% de l’apport énergétique total.269, 270 Un apport dans la tranche inférieure (45% à 55%) serait préférable. La consommation de glucides simples et de sucres ajoutés augmente les niveaux de TG, alors que la consommation de fibres alimentaires est associée à une réduction de la triglycéridémie des sujets avec RI.271-274 Les glucides consommés doivent donc être riches en fibres et provenir d’aliments sans ou faibles en sucres ajoutés. La consommation de sucres simples et de fructose (provenant du sirop de maïs à forte teneur en fructose) doit être minimale (environ 10% de l’apport énergétique total).44, 274-276
La consommation totale de lipides devrait représentée environ 35% de l’apport énergétique total et les protéines devraient composer les 15% à 20% d’énergie restant. La consommation d’acides gras insaturés doit être privilégiée par rapport aux gras trans et saturés.33 La consommation de gras trans doit être réduite au minimum (< 1 % de l’énergie totale) puisque la consommation de ces gras entraine d’importants effets délétères sur le métabolisme des lipides. La consommation d’acides gras insaturés à la place d’acides gras saturés est associée à une diminution du risque de MCV,33 bien que les effets délétères sur la santé cardiovasculaire des gras saturés demeurent grandement débattue dans la communauté scientifique.277, 278 Il a été observé que la consommation d’acides gras polyinsaturés (AGPI) oméga (ω)-6 en remplacement des acides gras saturés (AGS) diminue la lipémie postprandiale et la sécrétion d’apo B-48 chez des sujets insulino-sensibles.33, 266, 279-282 Les AGPI ω-6 diminueraient l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la synthèse des acides gras, induisant ainsi des effets bénéfiques sur la lipémie postprandiale.283-290 Les AGS diminuent le taux de catabolisme des VLDL contenant l’apo B-100, mais aucune donnée n’est disponible quant à leur effet sur les LRT contenant l’apo B-48.291 Il est suggéré que la longueur et les caractéristiques physiques des différents AGS influencent leur effet sur la lipémie postprandiale et à la durée de l’élévation postprandiale des TG, mais cela n’a pas été encore validé par des études de cinétique.291, 292 En somme, les effets de la consommation d’AGPI ω-6 en remplacement des AGS sur le métabolisme des LRT chez des sujets RI demeurent incertains.293-296 Cela fait l’objet des travaux présentés au chapitre 18.
La prise de suppléments d’acides gras ω-3 permet réduit les concentrations de TG de 20 à 50%.260 Les acides gras ω-3 diminuent les concentrations de TG en stimulant l’activité de PPAR (peroxisome proliferator-activated receptor) α et en augmentant l’hydrolyse des TG en circulation. Les effets des acides gras ω-3 chez les sujets avec une dyslipidémie associée à la RI semblent par contre moins importants.297 L’efficacité de la consommation de suppléments d’acides gras ω-3 à réduire le risque de MCV n’a toujours pas été démontrée.298 Deux essais contrôlées randomisés sont actuellement en cours afin de vérifier l’effet de la combinaison d’une statine et d’un supplément d’EPA (acide eicosapentaénoïque) sur le risque de MCV (études STRENGTH et REDUCE-IT). L’EPA induit cette réduction sans augmenter les concentrations de C-LDL parallèlement.299 Certaines associations médicales comme l’American Heart Association, l’Endocrine Society et la Société Européenne de l’Athérosclérose recommandent l’utilisation de suppléments ω-3 pour traiter l’hypertriglycéridémie en prévention cardiovasculaire.260-262 La Société Canadienne de Cardiologie et l’American Diabetes Association ne recommandent pas ces suppléments.161, 259

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