Ecologie et Biologie de la conservation de la Cistude d’Europe (Emys orbicularis occidentalis)

 Description de l’espèce

La Cistude d‘Europe (Emys orbicularis, Linnaeus 1758) est une tortue aquatique d‘eau douce de couleur noirâtre. Elle est ornementée de nombreux points jaunes sur le corps et la carapace (Cadi et Favérot, 2004). De petite taille, à peine une quinzaine de cm et un poids inférieur à 1kg. La dossière est peu bombée comparée aux tortues terrestres, plutôt foncée, ponctuée ou non de jaune (grande variation de motifs). Elle est en général légèrement plus ronde chez les femelles. Le plastron est allongé, avec des lobes mobiles (reliés à la dossière par un tissu conjonctif), plus ou moins foncé, tacheté ou non. Il est plat chez les femelles et concave chez les mâles. La queue, noire et tachetée de jaune, est plus longue et fine chez les femelles que chez les mâles. Les membres sont forts et palmés avec de longues griffes pointues (cinq sur les pattes antérieures et quatre sur les postérieures), bleu-noir avec des macules jaunâtres. Les tympans sont noirs vifs tachetés de jaune (Fretey, 1985). En général, les mâles sont plus petits que les femelles (Rossler, 2000). Pour ces dernières, le cloaque se situe près de la base de la queue, au niveau de la dossière, alors qu‘il se trouve plus éloigné chez le mâle. De plus, chez la sous-espèce Emys orbicularis occidentalis, le mâle a les yeux rouges alors que ceux de la femelle sont jaunes (Figure 02). Figure 02. Détermination du sexe à partir de critères morphologiques (Rossler, 2000 modifié). Femelle Mâle Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. . 8 La coloration du plastron varie d‘un individu à l‘autre, allant du jaune au noir en passant par la couleur orange (Photo 01). Ses pattes palmées, lui permettant une nage rapide et efficace, sont pourvues de puissantes griffes. Photo 01. Différentes colorations du plastron chez des cistudes d’Europe. A1- Jaune, A2- orange, A3-Noir (© Fediras, 2013).

Distribution géographique

La cistude d‘Europe (Emys orbicularis) est la seule espèce de la famille des Emydidae à avoir une distribution paléarctique avec l’exception de quelques formes du genre Trachemys (Ernest, Barrour ; 1989 in Fritz, Britta ; 1999). Sa distribution est l‘une des plus larges, comparée aux autres tortues non marines (Fritz et Andreas, 2000). En effet, A l‘échelle mondiale, son aire de répartition qui s‘étendait quasiment à l‘ensemble du continent européen avant la dernière période glaciaire (Fritz, 1996). Aujourd‘hui, la Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. . 9 Cistude occupe une vaste aire de répartition allant de l’Afrique du Nord occidentale majeure partie du sud, centrale, orientale et l’Europe à l’Asie Mineure et de la mer Caspienne et de la mer d’Aral à l’est. Plus précisément elle est répartie en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie) où elle occupe une aire restreinte située dans les étages bioclimatiques humide et sub-humide (Stuckas, 2014). Dans la plus grande partie de l‘Europe; ceci inclue la Corse, la Sardaigne, la Sicile et les Baléares. Dans les Balkans et en Asie Mineure. En Russie, à peu près au niveau de Moscou. Au Kazakhstan, au niveau de la mer d’Aral (Fritz 2003, Fritz et al., 2005). Figure 03. Aire de répartition mondiale d‘Emys Orbicularis (Servan ,1989)

Ecologie de l’espèce

Habitat

Cette espèce a besoin d‘une mosaïque d‘habitats afin d‘effectuer les différentes étapes de son cycle biologique (Manon, 2014). Elle passe la majeure partie de l‘année inféodée aux milieux aquatiques (Cadi et al., 2004), on la retrouve donc principalement au sein de milieux humides et aquatiques de plaine, permanents ou temporaires : étangs, rivières, mares, canaux (Zuffi, 2000 ; Cadi, 2003 ; Kotenko, 2010 ; Thienpont, 2011), bords de fleuves, gravières Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. . 10 abandonnées, canaux, fossés non curés avec au moins 20 cm d‘eau libre et une végétation riveraine (Servan, 1998), marais (Fretey, 1985 ; Jaontho, 1992). Elle peut aussi se rencontrer dans les cours d‘eau plus importants ou encore dans des eaux saumâtres (Devaux & Beley, 1998). D‘une façon générale, elle apprécie la présence de supports émergés bien ensoleillés (afin d‘augmenter sa température interne), de fonds vaseux et d‘une végétation aquatique abondante assurant abri et nourriture en quantité (Lyet & Cheylan, 2002 ; Cadi, 2003).

Cycle de vie

Comme tous les reptiles, la Cistude d‘Europe est une espèce ectotherme, son comportement et son activité se trouvent donc affectés par la température, ce qui explique non seulement son cycle saisonnier mais également son cycle journalier (Laencina ,2009). C‘est pour cette raison que son cycle annuel est relativement complexe, on distingue une phase d‘activité (Mars à Octobre) et une phase d‘inactivité (Octobre à Mars) (Thienpont, 2005). Pendant les six mois d‘hivernage (phase d‘inactivité), les mouvements de la tortue sont de faibles amplitudes, les individus remontant seulement à la surface pour respirer (Thienpont, 2002). Avec l‘arrivée du printemps et le réchauffement de l‘eau, elles sortent d‘hivernation, se dispersent et colonisent progressivement l‘ensemble des milieux aquatiques disponibles. Le réveil des mâles semble précéder celui des femelles (Thienpont, 2002). En période active ,elle est une espèce particulièrement inféodée au milieu aquatique mais capable de déplacements terrestres lors de la recherche de sites de ponte (Schneweiss et al., 1999 ; Jablonski et Jablonska, 1999 ;Schneeweiss et Steinhauer, 1999 ; Kotenko, 2000), de la dispersion des mâles (Olivier, 2002 ; Priol, 2002 ; Cadi, 2003), l‘assèchement de son milieu de vie (Naulleau, 1991 ; Rovero et Chelazzi, 1996 ; Olivier, 2002), recherche de nourriture , la thermorégulation. (Laencina ,2009).

Régime alimentaire

Le régime alimentaire de la cistude d‘Europe est varié. C‘est une espèce opportuniste principalement carnivore se nourrissant notamment d‘invertébrés aquatiques : coléoptères aquatiques, odonates (libellules et demoiselles), gastéropodes et hétéropodes. Elle consomme entre autres des gammares (Lindeman, 1996). Outre les insectes aquatiques, la cistude se nourrit aussi d‘insectes terrestres tombés dans l‘eau et de petits poissons généralement morts Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. ou blessés notamment des brochets immatures (Lebboroni et Chelazzi, 1991). Elle chasse à l‘affût, le plus souvent dans l‘eau mais parfois aussi sur la terre ferme (Çiçek et Ayaz, 2011) dans des zones de végétation dense, car y vivent d‘insectes aquatiques et larves (Servan, 1990). Figure 04 .Cycle biologique de la Cistude d‘Europe. (Cadi & Faverot, 2004) 

Reproduction

La stratégie de reproduction de cette espèce est de type K, c‘est-à-dire une reproduction faible (peu d‘œufs par ponte) et une longévité élevée (Servan et Pieau, 1984). De plus, la maturité sexuelle est acquise tardivement : 6-8 ans pour les mâles et 15-20 ans pour les femelles selon Fretey (1985) mais pour Girondot et Pieau (1993), les mâles sont mâtures sexuellement plus tardivement à 12 ans. La saison d’accouplement correspond à peu près à la période d’activité des individus avec un pic d’activité sexuelle en avril-mai (Duguy et Baron, 1998). La ponte a lieu au bout de six semaines au minimum après l‘accouplement (Fretey, 1985).La durée d’incubation est de cinquante jours environ mais cette durée peut varier car elle est dépendante Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. . 12 des conditions météorologiques : les températures élevée entraînent un développement embryonnaire plus rapide (Pieau, 1998).

Comportement d’insolation

Animaux poïkilothermes, les tortues passent plusieurs heures par jour exposées au soleil afin de réguler leur température interne. Cette activité est appelée « insolation » ou « basking » (Biot ,2017). L‘insolation a lieu généralement pendant la période d‘activité (en fin de matinée et en début de soirée), quand la température extérieure est optimale. En effet, une exposition aux heures les plus chaudes de la journée engendrerait une montée de la température interne au-dessus de 35°C, température maximale critique selon Duguy et Baron en 1998. Deux types de Basking ont pu être observés : ceux au-dessus de l‘eau (basking hors de l‘eau) et ceux dans l‘eau (basking « aquatiques ») (Photo 02). Les deux comportements sont observés mais à différents moments de la saison : le second est observé quand les températures sont très chaudes au cœur de l‘été, en Lituanie (Meeske, 2000) et en Italie (Lebboroni & Chelazzi, 1991). Photo 02. Exemple du phénomène de basking. A, B – basking hors de l‘eau ; C, D – basking «aquatiques» (© Fediras, 2012). Ecologie et Biologie de la conservation e la Cistude d‘ Europe (Emys orbicularis occidentalis) dans le complexe de zones humides du Nord-Est algérien. .

Statut de conservation

La Cistude d‘Europe figure aujourd‘hui dans de nombreuses listes d‘espèces menacées. En effet, classée parmi les espèces quasi-menacées à l‘échelle mondiale (IUCN), elle bénéficie d‘une protection européenne à travers l‘Annexe II de la Convention de Berne (1979) et les Annexes II et IV de la Directive « Habitats Faune et Flore » de 1992.

CONTEXTE GEOGRAPHIQUE

Présentation de la région d’étude

L‘étude a été réalisée dans le Parc National d‘El-Kala (P.N.E.K) contenu entièrement dans la wilaya d‘El-Tarf et localisé à l‘extrême nord-est algérien. Erigé en juillet 1983, le PNEK couvre une superficie d‘environ 80.000 hectares constitués d‘une mosaïque d‘écosystèmes aussi riche que diversifiés et a été également classé en 1990 comme «Réserve de la biosphère » par l‘UNESCO. Situé à 36°52 latitude nord et 8°27 longitude est, il est limité à l‘est par la frontière algéro-tunisienne, au nord par la mer Méditerranée, à l‘ouest par l‘extrémité de la plaine alluviale d‘Annaba et enfin au sud par les contreforts des monts de la Medjerda.

Caractères géomorphologiques

La stratigraphie de la région se caractérise par des séries datées du tertiaire et du quaternaire (Marre, 1987). Les terrains tertiaires sont constitués d‘argiles de Numidie datées de l‘Eocène moyen et qui forment une épaisseur de 300 m environ, des bancs de grès de Numidie qui se distinguent dans le Relief des collines datées de l‘Eocène supérieur et des sables et des argiles rouges ou grises, localisés dans la région sud-est et qui datent du Miocène. Les formations quaternaires sont caractérisées par les dépôts fluviatiles composés de limons, sables et galets et qui s‘observent dans les talwegs des oueds. Les dépôts marins, résultent de l‘activité des courants marins et des vents, ce sont les amas dunaires qu‘on observe dans le nord du lac ElMellah, du lac Oubeira et également à l‘est de la ville d‘El-Kala. Enfin, les dépôts actuels,