Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 

Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 

Introduction

L’écoulement d’une mousse en milieu poreux est un processus complexe dans lequel interviennent des phénomènes qui se produisent à des échelles de temps et d’espace qui varient de plusieurs ordres de grandeur. Les nombreuses études sur micro-modèles 2D en témoignent. Le piégeage et son intermittence a été mis en évidence [84] et fait toujours l’objet d’études pour mieux comprendre les mécanismes mis en jeu. Plusieurs auteurs [139–142] ont réussi à imager la mousse Bulk à l’aide de la technique de micro-tomographie X, pour étudier la structure et la statistique des bulles notamment. En revanche aucune étude n’a été dédiée à l’observation des mousses dans un milieu poreux réel ou modèle en trois dimensions et a fortiori sous écoulement. Dans ce chapitre, nous présentons le travail expérimental réalisé pour observer la mousse pendant son écoulement dans un milieu poreux formé de grains de silice. Cette étude réalisée en micro-tomographie X haute résolution sur la ligne ID19 du synchrotron européen de Grenoble en France est la première de ce genre dans ce domaine. Dans un premier temps, nous décrivons l’environnement expérimental spécifiquement développé pour cette étude, puis dans un deuxième temps, nous analysons les images qui en sont issues et discutons des résultats obtenus en lien avec la littérature. Chapitre IV : Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 173 II. Matériels et expérience A. Présentation de la ligne ID19 de l’ESRF L’ESRF est un synchrotron européen situé à Grenoble et qui est dédié à la recherche scientifique qui fédère plus de 22 pays dans le monde. Il s’agit d’une installation qui possède un anneau circulaire de 844 m de circonférence duquel dérivent 43 lignes de faisceaux, essentiellement de rayons X (cf. Figure 101). Figure 101 : Installation européenne de rayonnement synchrotron (ESRF). Nos expériences ont été réalisées sur la ligne ID19 de l’ESRF. Il s’agit d’une ligne de tomographie X rapide, haute résolution qui délivre un faisceau de rayon X de très grande brillance et d’énergie variable entre 6 et 120 keV. Afin d’atteindre de telles caractéristiques, le flux de rayons X est généré par un super onduleur magnétique de 1.4 T. La distance totale de la ligne fait 145 m et la source de rayons X fait 30 µm en vertical et 120 µm en horizontal. Cette grande distance de ligne permet d’obtenir un faisceau parallèle et cohérent. Ce dernier traverse un ensemble d’éléments optiques composés de diaphragmes, de fentes et de filtres avant d’arriver dans le guide de faisceau qui se trouve dans le local d’expérimentation. Un monochromateur qui consiste en un cristal de Silicium 111 est utilisé pour obtenir un faisceau monochromatique. Après avoir traversé l’échantillon, les rayons X arrivent sur un scintillateur en céramique (LuAG Lutétium Aluminium Garnet) de 25 µm d’épaisseur qui les transforme en photons de lumière visibles. Ces derniers sont projetés sur une caméra PCO Dimax composée d’un capteur de type CMOS de taille 2016 x 2016 pixels avec une taille physique de pixel qui vaut 1.1 x 1.1µm2 . Chapitre IV : Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 174 B.

Montage expérimental

Le montage expérimental est présenté dans la Figure 103. Dans cette expérience, la mousse a été pré-générée par co-injection du gaz et de la solution de tensioactifs à l’aide d’une cellule SANS de 6.4 cm de longueur, avant d’être injectée dans une cellule spécifiquement adaptée à l’étude des écoulements en milieux poreux par tomographie X à haute résolution. Cette cellule, qu’on appellera par la suite « Microcellule », a fait l’objet d’une demande de dépôt de brevet en 2018. Elle possède une partie mobile et une partie fixe : le milieu poreux est contenu dans la partie mobile, de manière à pouvoir effectuer une rotation continue et infinie du milieu poreux pendant les acquisitions, grâce à un système de joints tournants. La partie fixe entoure la partie mobile et comprend une embase supérieure, une embase inférieure et un corps central, le corps central reliant les embases supérieures et inférieures, positionnées à chacune des extrémités du corps central. Les embases supérieure et inférieure comprennent les entrées/sorties de fluide, l’entrée étant dans l’une des embases et la sortie dans l’autre embase, de manière à ce que le fluide se dirige d’une embase vers l’autre, via des moyens de circulation de fluide compris à la fois dans la partie fixe et dans la partie mobile. Ainsi, le fluide entre dans une embase de la partie fixe, puis pénètre dans la partie mobile, se dirige à travers la partie mobile, dans une direction longitudinale, vers la deuxième embase et ressort de cette deuxième embase par la sortie, contenue dans la deuxième embase. Lorsqu’il passe dans la partie mobile, le fluide traverse le milieu poreux, contenu dans la partie mobile (cf. Figure 102.a). La partie mobile consiste en un tube en PEEK (grande transmission des rayons X), de 10.15 cm de longueur et de 2 mm de diamètre interne. Nous avons choisi ce diamètre pour pourvoir imager la largeur de la cellule totale et la contenir dans le champ de vue du détecteur. La partie mobile est libre en rotation, par rapport à la partie fixe, autour de son axe longitudinal. Ainsi, des radiographies X peuvent être acquises à différentes positions angulaires, sans arrêter la rotation, ni la circulation des fluides (cf. Figure 102.b). Chapitre IV : Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 175 Figure 102 : (a) Schéma de circulation des fluides et (b) schéma du fonctionnement de la microcellule lors des acquisitions tomographiques. La cellule SANS a été utilisée comme mousseur pour cette expérience et a été placée en amont de la microcellule (cf. Figure 103). Les deux cellules ont été remplies de grains de silice de granulométrie A (112-150 µm) (cf. Chapitre 3). L’ensemble des tubings est en éthylène propylène fluoré (FEP) transparents qui nous permet de (1) contrôler visuellement le passage des fluides et de (2) rendre le montage expérimental plus flexible et plus souple. Le reste du dispositif expérimental est similaire à celui qui a été présenté dans les chapitres 2 et 3. Pour permettre un suivi en temps réel de l’évolution de la pression, nous avons déporté l’ordinateur de contrôle à l’extérieur de la cabine expérimentale qui est interdite d’accès durant les acquisitions. Deux capteurs absolus ont été utilisés pour mesurer les pressions amont et aval de la cellule SANS. Le capteur différentiel a été utilisé pour les mesures de pression aux bornes de la microcellule. La solution de tensioactif utilisée est composée de SDS à 0.5% en masse avec une saumure de NaCl de 0.2% en masse. Il s’agit de la même solution de tensioactifs (sans ajout de 𝐷2𝑂) que celle utilisée pour les expériences SANS présentées dans le chapitre 3. Pour la saturation du milieu poreux, on utilise la saumure de NaCl à 0.2% en masse. Le gaz utilisé est de l’azote N2 injecté à l’aide du débitmètre Brooks SLA 5850S. La pression de pore est régulée 5 bars en aval de la microcellule. Les porosités des milieux poreux ainsi que leurs perméabilités sont indiquées dans le Tableau 24, pour deux expériences réalisées à l’ESRF. Chapitre IV : Écoulement de la mousse à l’échelle du pore en 3D 176 Figure 103 : Montage expérimental d’observation de mousses en milieu poreux sur la ligne ID19. Expérience 𝛷𝑚 𝐾𝑚 (D) 𝛷µ𝐶 𝐾µ𝐶 (D) 1 38.4% 9.3±0.5 44.7% 17.6±0.2 2 38.7% 11.4±0.7 40.7% 8.5±0.1 Tableau 24 : Porosités et perméabilités des milieux poreux utilisés lors de l’expérience Id19 : 𝛷𝑚 et 𝐾𝑚 désignent la porosité et la perméabilité de la cellule SANS. 𝛷µ𝐶 et 𝐾µ𝐶 désignent la porosité et la perméabilité du milieu dans la microcellule.

Conditions expérimentales

Les deux milieux ont été d’abord saturés en saumure, avant de générer la mousse en co-injectant le tensioactif et le gaz à un débit total fixé et à une qualité de mousse donnée. Les conditions expérimentales sont résumées dans le Tableau 25 ci-dessous. Il faut noter que les débits auxquels nous avons travaillé engendrent des vitesses interstitielles élevées à cause de la section d’entrée de la microcellule qui est très petite (0.031 cm2 ). Ces choix des vitesses ont été guidés par notre volonté de tester plusieurs qualités de mousse dans le temps qui a été alloué à ces expériences. A ces débits d’injection et avec une taille de pore d’une centaine de microns de diamètre en moyenne, on s’attend à un écoulement d’une grande vitesse linéaire, de l’ordre de 20 pores par seconde. Or pour pouvoir suivre des phénomènes dynamiques et éviter des phénomènes d’artefacts, il faut respecter la règle suivante [139]

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