Effet du milieu d’elevage sur le succes reproducteur chez l’omble fontaine (salvelinus fontinalis)

DISCUSSION

Au cours de notre étude, la sélection n’a eu aucun effet significatif sur le succès reproducteur. Nous n’avons pas observé de différence de fécondité entre les femelles sélectionnées et les femelles témoins, pour les deux générations. En élevage, Springate et Bromage (1985) et Srivastava et Brown (1991) ont démontré que la production d’oeufs chez les Salmonidés est directement liée à l’alimentation, au poids corporel et à l’âge des géniteurs. En effet, l’augmentation du poids corporel des femelles pendant la période de reproduction peut entrainer une réduction de la fécondité relative chez l’Omble chevalier (G illet 1995) chez qui les femelles plus âgées, donc plus grosses, présentent une fécondité relative moins élevée que celle des femelles plus jeunes. La taille de l’oeuf est un critère morphologique important, puisqu’elle a été associée à la taille des alevins et à leur survie. Chez l’ Omble de fontaine, la masse de la femelle est fortement corrélée avec la taille de l’embryon, du sac vitellin et la longueur de l’alevin (Perry et al. 2004).

Selon ces auteurs, les alevins issus de plus gros oeufs ont une croissance plus rapide et affichent des pourcentages de survie largement supérieurs à ceux des alevins issus de petits oeufs. Dans notre étude, comme pour la fécondité relative, la taille des oeufs n’a pas été affectée par la sélection combinée, le diamètre des oeufs étant identique entre les lignées pour les deux générations. Cependant, les oeufs des femelles de génération 3 étaient plus gros que ceux des femelles de génération 4, sans doute à cause de facteurs d’âge et de poids. Les femelles F3 (plus grosses) ont eu moins d ‘oeufs que les femelles F4 (fécondité relative plus faible), alors que les oeufs des femelles F4 étaient plus petits que ceux des femelles F3. Nos résultats de fécondité relative sont identiques à ceux obtenus par Bascinar et Okumus (2004) chez des femelles d’Omble de fontaine du même âge que celles de la F3. Le diamètre moyen des oeufs de nos femelles est aussi identique aux résultats obtenues par Bascinar et Okumus (2004).

Les patrons saisonniers des stéroïdes sexuels tels que mesurés dans notre étude sont similaires aux résultats attendus. Ainsi , durant la phase du repos sexuel et le début de la vitellogenèse, les concentrations en stéroïdes sexuels restent peu élevées (Perche commune Sulistyo et al. 1998; Noaksson et al. 2004 ; Poisson crapaud (Halobatrachus didactylus) Modesto et Canario 2003). Au printemps et au début de l’été, elles augmentent, puis restent élevées lors de la phase de vitellogenèse (fin août à la fin octobre) avant de chuter lors de la maturation finale et de l’ovulation (novembre) (Perche, Dabrowski et al. 2002; Poisson chat, Mishra et Joy 2006). Cette diminution brutale est particulièrement notable chez les Poissons à ponte annuelle unique comme l’ Omble de fontaine (Rinchard et al. 1998). Goetz et al. (1987) ont observé chez l’Omble de fontaine que les concentrations du 17pestradiol restaient élevées jusqu’à la rupture de la vésicule germinale, ce qui suggère que la baisse des concentrations est intimement liée à la maturation finale . Au cours de la phase finale de la maturation, la diminution des niveaux de 17B-estradiol pourrait stimuler l’augmentation rapide des niveaux de gonadotropines, et en conséquence, la maturation des ovocytes et l’ovulation, comme le suggèrent Whitehead et al. (1983). Jackson et Sullivan (1995) ont cependant obtenu des variations moins marquées chez la Perche blanche (Morone americana), avec une légère augmentation de 17p-estradiol en début de vitellogenèse suivie d’ une diminution progressive jusqu’au début de la saison de ponte.

D’après Matsuyama et al. (2005) les concentrations en testostérone augmentent parallèlement à celles de la 17B-estradiol chez le Maquereau (Scomber japonicus). Chez l’ Omble chevalier la testostérone augmente parallèlement avec le l7B-estradiol, mais les concentrations les plus élevées sont atteintes 1-2 mois après la hausse maximale de 1713- estradiol (Frantzen et al. 1997). Chez les Téleostéens, le foie produit la vitellogénine, principale protéine du vitellus (Patifio et Sullivan 2002 ; Jalabert 2005). Elle est emmagasinée par les cellules folliculaires puis transférée à l’ovocyte. Higashino et al. (2002) réfutent ce rôle trophique chez Verasp er moseri et d’ après eux, la vitellogénine pénètre directement dans l’ ovocyte. Concernant l’ indice gonado-somatique, aucune différence n’ a été notée entre les deux lignées de la F4. Selon Crandell et Gall (1993), l’influence de la croissance sur la maturation des gonades devrait se refléter dans les indices gonado-somatiques ou dans l’incidence de la maturation chez les animaux issus de la sélection chez la Truite arc-en-ciel.

Chez les mâles, le nombre et le diamètre des spermatozoïdes ont servI comme indicateurs de la qualité du sperme. Malgré la différence d’ âge entre les deux générations, aucune différence n’a été observée au niveau de la concentration en spermatozoïdes entre les générations 3 et 4, ni entre les lignées. Le compte des spermatozoïdes et leur diamètre correspondent bien avec les résultats rapportés chez les Salmonidés par Scott et Baynes (1980) et Piironen et Hyvarinen (1983), soit une concentration en spermatozoïdes de 10 x109 ml- I et un diamètre d’environ 2.4 !lm. Ces caractéristiques peuvent affecter le pourcentage de fécondation; en effet, un nombre élevé de spermatozoïdes de faibles diamètres pourrait créer de la polyspermie, les spermatozoïdes de plus petit diamètre que le micropyle de l’oeuf entrant en compétition devant ce dernier. Le pourcentage de fécondation des oeufs est souvent utilisé lui aussi comme indicateur de la qualité du sperme et cet indicateur a été proposé comme un outil de gestion permettant de prédire les performances futures des oeufs et des alevins chez la truite arc-en-ciel (Springate et al. 1984).

Le pourcentage de fécondation a augmenté de la F3 à la F4, mais est demeuré le même entre les deux lignées. Le succès reproducteur tel que nous l’avons défini prend en compte non seulement l’ indice de fécondité, mais également la viabilité des oeufs, 24h après fécondation et à différents stades de développement (oeillé et éclosion). La mortalité 24h après fécondation rend compte à la fois de l’ état de maturation des oeufs à l’ ovulation, du succès de fécondation des oeufs et de leur fragilité, suite aux différentes manipulations liées à la fécondation et à l’ incubation (Atse et al. 2002). Dans notre étude, la sélection n’ a eu aucun impact sur la mortalité des oeufs 24h après fécondation. Des mesures telles que le volume du sac vitellin, la longueur des alevins à l’éclosion et la masse des alevins à la première alimentation ont été effectuées sur la progéniture de la 3ème génération. Cependant aucune différence n’ a été observée entre les deux lignées sauf pour la longueur des alevins à la première alimentation. Ce dernier résultat est fort probablement lié au programme de sélection. Le succès à l’éclosion des oeufs est un indicateur impOltant de leur qualité (Atse et al. 2002) et peut être influencé par la température d’incubation (Bebak et al. 2000) ou d’élevage des géniteurs d’ Omble chevalier (Gillet 1991).

Les oeufs ont été gardés sous des conditions environnementales similaires et le succès à l’éclosion était identique entre les deux lignées et pour les deux générations. En conclusion, notre étude apporte une première réponse sur les effets indirects que peut avoir une sélection pour la croissance et l’ élimination de la maturité sexuelle précoce sur le succès reproducteur. Nos résultats montrent clairement que la sélection directe pour une croissance accrue et l’absence de la maturité sexuelle précoce n’ a pas engendré d’effet indirect sur le succès reproducteur, tel qu’attendu. Les résultats obtenus dans la présente étude laissent envisager un avenir prometteur à ce type de programme de sélection relativement simple à appliquer. À noter qu ‘ il serait intéressant d’étudier la corrélation génétique entre l’ensemble des traits d’ intérêt chez cette espèce.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La première étude effectuée dans le cadre de ce mémoire avait pour objectif d’évaluer l’effet d’une sélection dirigée vers l’amélioration de la croissance et l’élimination de la maturité sexuelle précoce. La souche Laval était, au début de ces travaux, utilisée pour la première fois dans un contexte aquicole et avait été choisie sur la base de certaines caractéristiques observées dans la population sauvage (Savaria 1998 ; Bastien 2010). Le programme de sélection chez l’Omble de fontaine de la souche Laval a permis de démontrer qu’il est possible d’améliorer les performances pour des traits d’importance économique. Les travaux de Bastien et al. (2010) démontrent clairement qu’il est possible à la fois d’améliorer la croissance tout en réduisant l’incidence de la maturité sexuelle précoce. Les gains rapidement obtenus (suite à deux générations de sélection) laissent envisager un avenir prometteur à ce type de programme de sélection. La masse moyenne des poissons issus du programme de sélection a augmenté de plus de 20% après une génération de sélection et de plus de 30% entre la génération F2 et F3 (Bastien et al. 2010). Les mesures de la fécondité relative, du diamètre des oeufs, de la concentration en spermatozoïdes, de l’ osmolarité et de la concentration en glucose du plasma séminal, nous ont permis d’évaluer l’effet de la sé lection sur le succès reproducteur chez les femelles et les mâles. De façon générale, les résultats ont démontré que la sélection combinée n’a pas eu d’effet sur le succès reproducteur des femelles, ainsi que sur celui des mâles. Le programme de sélection a pu atteindre ses objectifs sans pour autant affecter la reproduction. La température de l’eau influe sur la gamétogenèse et l’ ovulation (Taranger et Hansen 1993). Ces auteurs ont émis l’hypothèse que les températures basses sont un signal qui active ou déclenche l’ovulation et l’activité de frai chez le Saumon atlantique, tandis que la température élevée peut inhiber ou retarder l’ovulation et la ponte.

Afin de déterminer l’effet de la température sur le succès reproducteur des géniteurs d’Omble de fontaine, nous avons évalué des géniteurs maintenus à deux différents sites d’élevage (Chapitre 2) ; certaines mesures n’ont pas été effectuées chez tous les individus. En effet, les poissons maintenus à température constante en entreprise privée [Aquaculture Forestville] ne pouvaient pas être sacrifiés. Nous avons pu observer qu’une température constante de 6°C améliore la fécondité des femelles, alors que le diamètre des oeufs est plus petit par rapport à celui de femelles maintenues à température variable. Un élément de l’étude qui mérite attention est donc la qualité de ces oeufs, principalement leur contenu lipidique (quantité et qualité). Les résultats obtenus sur les oeufs prélevés au cours de mon projet indiquent que la composition lipidique en termes de grandes classes de lipides est similaire entre les deux sites, mais que les oeufs de Forestville contiennent moins de lipides (données non publiées). L’ analyse des acides gras essentiels est actuellement en cours, ce qui nous permettra de tirer des conclusions plus définitives sur la qualité de ces oeufs. Cependant, il semblerait que la principale différence soit au niveau de la quantité de lipides de réserve, ce qui pourrait indiquer qu’ à l’éclosion les alevins issus de Forestville pourraient être beaucoup plus sensibles à un manque éventuel de nourriture en période de transition entre alimentation endogène et exogène. Si tel était le cas, on pourrait également s’attendre à des succès à l’ éclosion ou de survie à la première alimentation plus faible à Forestville. La taille des oeufs reste un critère important puisqu’elle est associée à la taille des alevins et à leur survie (Wallace et Aasjord 1984). Selon ces auteurs, les alevins issus de plus gros oeufs ont une croissance plus rapide et affichent des taux de survie largement supérieurs à ceux des alevins issus de petits oeufs. Chez l’ Omble de fontaine, souche Laval, soit la souche utilisée pour la présente étude, Perry et al (2004) mentionnent que la taille de l’ embryon, du sac vitellin et la longueur de l’alevin sont directement corrélées avec la masse de la femelle.

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
T ABLE DES MA TIERES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1. EFFET DE LA SELECTION POUR LA CROISSANCE ET L’ABSENCE DE MATURITÉ SEXUELLE PRÉCOCE SUR LE SUCCES REPRODUCTEUR CHEZ L’OMBLE DE FONTAINE (SAL VELINUS FONTINALIS)
1.1 INTROD UCTION
1.2 MATERIEL ET METHODES
1.3 RESULTATS
1.4 DI SCUSSION
CHAPITRE II. EFFET DU MILIEU D’ELEVAGE SUR LE SUCCES REPRODUCTEUR CHEZ L’OMBLE FONTAINE (SALVELINUS FONTINALIS)
II.1 INTRODUCTION
Il.2 MATERIEL ET METHODES
II.3 RESULTATS
II.4 DISCUSSION
DISCUSSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES CITEES

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