Effets de certaines drogues sur le locus IgH et sur la CSR

Effets de certaines drogues sur le locus IgH et sur la CSR

Cas des quadruplexes de guanine (facteur cis)

Guidés par des images de la molécule d’ADN évoquant une double hélice, obtenues par Rosalind Franklin par diffraction des reyons X, Watson et Crick ont proposé en 1953 un modèle de la structure d’ADN : une hélice droite formée de deux brins antiparallèles appariés par des liaisons hydrogène (H) entre les bases azotées : A<->T et C<->G (Watson and Crick, 1953). Chaque nucléotide peut avoir plusieurs sites donneurs et accepteurs des liaisons hydrogène. Des liaisons dites « Hoogsteen » sont un type d’appariement qui impliquent les purines trouvées dans les acides nucléiques (Adénine et Guanine) (Hoogsteen, 1963). Plus tard, d’autres structures particulières des acides nucléiques ont été identifiées et notamment des structures dites « G-quadruplex » (G4) susceptible d’une part de stabiliser l’un des brins d’ADN sous une forme simple brin, et d’autre part d’être reconnus par un certain nombre de ligands (un prototype de ligand synthétique étant la molécule RHPS4). 1. Structure et caractéristiques des G-quadruplexes Le G-quadruplexe (G4) est une structure secondaire d’ADN, formée de quatre brins, riches en résidus guanines. Les appariements Hoogsteen au sein de cette structure participent dans la formation d’un plateau de quatre guanines appelé « G-quartet ». L’empilement d’au moins de deux quartets forme le G4-DNA. La stabilisation de cette structure est assurée par des cations monovalents (Na+ , K+…) (Figure 18). Les guanines peuvent se trouver sur la même molécule d’ADN, on parle ici de G4 intramoléculaire. Dans le cas où les guanines se situent sur des molécules d’ADN différentes, on parle de G4 intermoléculaire. Ils peuvent aussi se former dans les molécules ARN jouant alors un rôle dans l’expression génétique et la traduction en protéine (pour revue: Rhodes and Lipps, 2015; Sundquist and Klug, 1989).

Rôles biologiques des G-quadruplexes

Les G4 sont impliqués dans diverses voies cellulaires, y compris la réplication de l’ADN, l’expression des gènes, le maintien des télomères, la transcription, la traduction et la recombinaison (Sundquist and Klug, 1989; pour revue : Cree and Kennedy, 2014; Rhodes and Lipps, 2015). La plus grande occurrence d’ADN G4 survient au niveau des régions télomériques. L’ADN G4 est aussi fortement enrichi dans les promoteurs de certains gènes, à la frontière entre introns et exons. Avec un intérêt spécifique pour les cellules B, l’ADN G4 est notoirement abondant au niveau du brin « non template » des régions switch du locus IgH, pouvant faire évoquer un rôle dans la commutation de classe (CSR) (Maizels and Gray, 2013a; Rhodes and Lipps, 2015). Une étude récente a montré que le gène AICDA codant l’AID a aussi une structure génique riche en G-quadruplexes potentiels (Qiao et al., 2017). Promoteurs de gènes : En 1994 Woodford et ses collégues sont les premiers aynt découvert des G-quadruplexes dans le promoteur du gène β-globine (Woodford et al., 1994). La formation des G4 dans les promoteurs de proto-oncogènes semble liée à la répression de la transcription, en raison de l’incapacité de la polymérase à progresser à travers les G4. Parmi ces promoteurs identifiés chez l’Homme nous pouvons citer les promoteurs de VEGF, BCL2, TP53, c-KIT, PDGF. Ces gènes sont souvent associés au développement des cancers en cas de leur surexpression. Le promoteur le plus connu comme formant de l’ADN G4 est celui du gène c-Myc (dont la dérégulation caractérise de nombreuses tumeurs), l’identifiant donc comme une cible 57 Zeinab DALLOUL- Thèse de doctorat-Université de Limoges potentielle pour les ligands (ou des drogues) stabilisant les G-quadruplexes, diminuant ainsi la transcription et présentant donc un intérêt anti-tumoral (pour revue: Cree and Kennedy, 2014). Régions télomériques: L’ADN télomérique humain est constitué de répétitions en tandem riches en guanines. Ces répétitions de guanines pourraient potentiellement adopter des configurations en G4. L’ADN G4 se forme naturellement au niveau des télomères chez les eucaryotes (Paeschke et al., 2005; Smith et al., 2011). Contrairement aux cellules normales, 80-85% des cellules tumorales humaines ont une télomérase fonctionnelle qui allonge les télomères. Ainsi, les ligands qui reconnaissent et se lient aux G-quadruplexes dans les télomères sont des médicaments anticancéreux prometteurs en induisant ou stabilisant les G4 et inhibant la telomérase (Figure 19) (Yaku et al., 2012).

Régions de commutation de classe des immunoglobulines

Le phénomène de CSR implique spécifiquement les régions switch (S), cibles essentielles pour l’enzyme AID et sites de ces recombinaisons. En 1988, Sen et Gilbert ont montré que ces régions peuvent former des Gquadruplexes intermoléculaires in-vitro (Sen and Gilbert, 1988). 58 Zeinab DALLOUL- Thèse de doctorat-Université de Limoges L’examen le plus détaillé de la fonction biologique d’une structure spécifique de G4 au niveau des régions switch a été effectué au cours de la définition du mécanisme de la pathogenèse de Neisseria gonorrhoeae (bactérie responsable de la blennorragie chez l’Homme). Chaque région S possède un promoteur dédié activant la transcription, accompagné par la formation d’une boucle (G-loop) contenant un hybride stable ARN / ADN sur le brin transcrit alors que les G4 se forment sur le brin non transcrit (Duquette et al., 2004; Maizels and Gray, 2013a). Un certain nombre de travaux récents ont documenté le mode d’intervention probable de l’ADN G4 au niveau de l’ADN ou de l’ARN des régions switch, où il pourrait agir de multiples façons. Les structures G4 pourraient d’une part favoriser les recrutement d’AID au niveau de zones d’ADN possédant une structure tertiaire bien définie, ou bien au niveau de l’ARN G4 situé dans les lariats d’épissage des introns contenant les régions switch (recrutant ainsi indirectement AID au niveau des R-loops) (Qiao et al., 2017; Zheng et al., 2015); l’action sur l’ARN G4 semble passer par leur ciblage par l’hélicase DDX1, initiant la formation des R-loops avant d’exposer ces régions aux attaques d’AID (Figure 20) (Ribeiro de Almeida et al., 2018).

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