Effets hydrauliques d’une injection de CO2 en réservoir souterrain

Effets hydrauliques d’une injection de CO2 en réservoir souterrain

Stockage géologique du CO2 

Le CO2

 Le dioxyde de carbone est aujourd’hui majoritairement évoqué pour sa contribution à l’eet de serre et au réchauement climatique, et est par conséquent considéré comme un déchet. C’est dans cette problématique que s’inscrit la présente étude. Il est donc intéressant d’évoquer rapidement au préalable quelle fut la place de ce gaz dans l’histoire des sciences, avec le contexte et les étapes de sa découverte, avant de dénir le cadre du problème et le contexte des recherches présentées ici. 

Une conception antique de la matière Jusqu’à la Renaissance, la science de la matière correspondait encore, à quelques diérences près, aux modèles établis depuis l’Antiquité par Thalès, Empédocle ou Aristote, faisant intervenir les quatre éléments classiques. En eet, cette conception aristotélicienne de la matière peut être décrite par ses quatre principes fondamentaux :  la matière est continue et uniforme,  elle est composée de quatre éléments : la terre, l’air, l’eau, le feu,  ses quatre caractéristiques fondamentales sont : froid, sec, chaud, humide,  le vide n’existe pas. Au 17ème siècle, les doctrines des alchimistes remplacent celles des anciens (Joly, 2002). La réaction de combustion, par exemple, est décrite par la théorie du phlogistique développée par 5 6 Ernst-Georg Stahl. Selon lui, les réactions de combustion et de calcination libèrent le phlogistique, principe subtil et inammable contenu dans le matériau :  Le phlogistique est du feu xé dans la matière et qui s’en échappe lors des combustions . Cette théorie présentait cependant un inconvénient majeur, qui lui valut bon nombre de détracteurs ; si la calcination libère le phlogistique contenu dans le métal, comment expliquer que le métal calciné pèse plus lourd qu’initialement ? Stahl et ses disciples répondaient à cette question en attribuant une masse négative au phlogistique, ou en décrétant que l’augmentation du poids du métal est due à l’air, plus lourd, qui le remplace. En marge de la tradition alchimique, en 1624, Antoine de Villon et Étienne de Clave armaient pouvoir réfuter Aristote publiquement grâce à des expériences chimiques de distillation fractionnée permettant, en augmentant peu à peu la température, de faire apparaître successivement l’eau, la terre, le mercure, le soufre et le sel (Joly, 2002)(Kahn, 2001). Il est intéressant de rappeler les implications philosophiques et théologiques de ces considérations (al)chimiques en notant qu’à cette époque, ces thèses anti-aristotéliciennes furent interdites par la faculté de théologie de Paris.

Observations et expériences menant à la caractérisation du dioxyde de carbone 

Le premier à écrire au sujet de ce gaz est le médecin et alchimiste suisse Paracelse, au 16ème siècle, qui décrit une vapeur, un uide élastique, qui se dégage des corps lors des combustions, fermentations et eervescences. Désigné par les anciens spiritus silvestre (esprit sauvage), lui l’appelle simplement  air  (Lavoisier, 1774). De son vrai nom Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim, ce personnage, parmi ceux à qui l’alchimie doit le plus de par sa grande liberté de ton et de manoeuvre, son éloquence et son imagination, fût le premier à prôner une utilisation thérapeutique de remèdes tirés du règne minéral (Franck, 1852 ; Raynaud, 1863). Il a, en outre, légué à la postérité quelques citations savoureuses, dont : Mes écrits dureront et subsisteront jusqu’au dernier jour du monde comme véritables et incontradicibles.. Son disciple, Jean Baptist Van Helmont, médecin, alchimiste, et physiologiste, nomme ce uide gaz, et est le premier à entreprendre d’en mener une étude suivie. L’étymologie de ce terme, élargi aujourd’hui à tout uide aériforme paraît formé du amand geest (esprit) ou du verbe gäschen, signiant bouillir, fermenter (Littré, 1877). Il réalise de nombreuses expériences montrant son rôle important et son omniprésence dans la nature. Il s’agit d’expériences de fermentation, de cuisson, de combustion, d’eervescences, de digestion, de décomposition. De plus, il démontre qu’il s’agit d’un uide diérent de l’air que nous respirons en mettant en évidence 7 le caractère impropre à la respiration animale de ce gaz. La découverte du dioxyde de carbone lui est aussi souvent attribuée, même si il s’agit d’avantage, comme on peut le voir ici, d’une description progressive sur des générations. Au milieu du 17ème siècle, le chimiste irlandais Robert Boyle refait les expériences de Van Helmont et les étend, grâce à d’importants développements expérimentaux, telle sa machine pneumatique, dérivée de celle d’Otto von Guericke. Il nomme ce gaz l’air articiel, et montre le premier que si un volume d’air se dégage de quelques opérations, il est absorbé lors de la réaction de combustion du soufre, de l’ambre, ou du camphre. Il en conclue l’existence de diérents airs. Un peu plus tard, Stephen Hales (1677-1761), physiologiste et chimiste anglais, décrit dans sa  Statique des Végétaux  des expériences simples et très précises permettant d’aborder le poids et le volume des gaz (Lavoisier, 1774). Il est ainsi le premier à quantier précisément les volumes de gaz produits ou consommés lors de la combustion, de la fermentation, ou autres  combinaisons . Pour tenter de poser un cadre théorique sur ces observations, le chimiste écossais Joseph Black de la n du 18ème siècle, professeur de James Watt, introduit le terme d’air xe, qu’il oppose à l’air élastique commun, mais qu’il considère néanmoins répandu dans l’atmosphère. Il choisit ce vocable en vertu des propriétés qu’il lui confère. Ainsi, selon lui :  Toutes les terres qui se réduisent en chaux vive par la calcination ne sont qu’un combiné d’une grande quantité d’air xe avec une terre alcaline.  Les théories de Joseph Black ont par la suite été clariées par le botaniste austro-hollandais Nikolaus Joseph von Jacquin (1727-1817) (Lavoisier, 1774). De nombreuses avancées dans la description de ce gaz furent également apportées par Joseph Priestley (seconde moitié du 18ème siècle). Cet expérimentateur anglais a commencé ses recherches par l’étude du uide stagnant sur les cuves de fermentation de la bière, dans les brasseries de son voisinage. Expérimentateur très méticuleux, il a enrichi la connaissance des gaz en les classiant en substances de nature diérente selon leurs propriétés. Il a distingué par exemple :  l’air xe (CO2),  l’air dans lequel on fait brûler du soufre (SO2),  l’air inammable (H2),  l’air nitreux (N2),  l’air corrompu par la respiration. Il dénit l’air xe comme le produit constant de la fermentation et de l’eervescence, à peu près de même pesanteur que notre atmosphère. Il montre qu’il peut être  absorbé  par l’eau, et que les animaux y meurent sur le champ. Priestley, ayant eu le premier l’idée de gazéier de l’eau et ayant surtout publié la manière pour y parvenir, est en quelque sorte le père du soda. Une grande partie de la connaissance que l’on a des études de ces hommes provient des travaux 8 d’Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794). En eet, celui-ci a fait un état de l’art très précis de ces recherches sur les gaz dans son ouvrage  Opuscules Physiques et Chimiques (Lavoisier, 1774). Il y recense les expériences de ses prédécesseurs, en a refait la majorité, avec un protocole détaillé et une quantication minutieuse. Ainsi, en 1776, Lavoisier montre que la combustion du charbon libère de l’air xe et de l’air vital, et en conclut que l’air xe est une sorte d’oxyde de carbone. En 1803, John Dalton élabore une théorie selon laquelle la matière est composée d’atomes de masses diérentes qui se combinent dans des proportions simples, et enn, en 1840, Jean Servais Stas établit avec Jean-Baptiste Dumas la masse atomique de nombreux éléments avec une grande précision, dont les atomes d’oxygène O et de carbone C. Ceci a ainsi permis de conrmer la nature de l’air xe : du dioxyde de carbone (CO2). 1.2 Le stockage géologique du CO2 1.2.1 Le réchauement climatique Depuis la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement qui s’est tenue à Rio en 1992, il est majoritairement admis que les émissions anthropogéniques de gaz à eet de serre sont à l’origine de changements climatiques (Rio, 1992). Parmi ces gaz, l’acteur majoritaire du réchauement est le dioxyde de carbone, émanant principalement de la combustion des énergies fossiles. La gure 1.1 représente l’évolution de la température globale moyenne à la surface de la Terre depuis un siècle et demi (Solomon et al., 2007). Elle est issue du quatrième rapport d’évaluation du Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC ou IPCC) produit en 2007. Des ajustements linéaires sont également reportés sur les données, illustrant les lois d’évolution de la température en fonction du temps pour des périodes de 25, 50, 100, et 150 ans. La pente croissante de ces ajustements illustre l’aspect accéléré du réchauement ces dernières décennies. La courbe bleue est une version lissée des données permettant de mettre en valeur les variations décennales de la température. Les modèles climatiques pour le XXème siècle expliquent correctement la variation faible des températures jusqu’en 1915, puis attribuent des causes naturelles aux uctuations visibles de température du début du siècle, comme les variations des radiations solaires ou l’inuence du volcanisme. Ensuite, des années 40 aux années 70, la pollution causée par l’industrialisation croissante successive à la seconde guerre mondiale a contribué à un refroidissement, vite suivi du réchauement important observé depuis le milieu des années 1970 jusqu’à aujourd’hui, conséquence des émissions de CO2 et autres gaz à eet de serre. 

Table des matières

Résumé
Avant-Propos
Table des matières
Introduction
I Contexte général
1 Problématique du stockage géologique du CO2
1.1 Le CO2
1.1.1 Une conception antique de la matière
1.1.2 Observations et expériences menant à la caractérisation du dioxyde de carbone
1.2 Le stockage géologique du CO2
1.2.1 Le réchauement climatique
1.2.2 Le stockage océanique
1.2.3 Le stockage géologique en aquifère salin profond
1.2.4 Le stockage géologique en réservoir épuisé
1.2.5 La séquestration minérale
2 Recherche fondamentale en amont du stockage
2.1 Expériences de percolation réactive de dioxyde de carbone dans des calcaires poreux
2.2 Suivi temporel et spatial d’injections au laboratoire
2.3 Inscription de l’étude dans ce contexte
II Suivi géophysique d’injections de CO2 dans des échantillons décimétriques de calcaire
3 Techniques expérimentales
3.1 Méthodes de caractérisation des échantillons
3.1.1 Etude de la porosité
3.1.2 Etude des propriétés hydrauliques et électriques
3.1.3 Etude des propriétés sismiques
3.2 Expériences de percolation réactive en circuit ouvert
4 Résultats
4.1 Caractérisation des échantillons avant expérience
4.2 Suivis chimique, hydraulique, et électrique de l’injection de CO2
4.2.1 Calcaire des Estaillades
4.2.2 Calcaire de Saint-Maximin
4.2.3 Discussion
4.3 Le facteur de formation électrique
4.4 Vitesse des ondes sismiques
4.4.1 Calcaire des Estaillades
4.4.2 Calcaire de Saint-Maximin
4.5 Amplitude des ondes sismiques
4.5.1 Calcaire des Estaillades
4.5.2 Calcaire de Saint-Maximin
4.5.3 Discussion
4.6 Caractérisation des échantillons après expérience
4.6.1 Caractérisation de l’hétérogénéité créée dans l’échantillon de calcaire des Estaillades par déplacement miscible
4.6.2 Caractérisation post-expérience par tomodensitométrie
4.6.3 Discussion
4.7 Essai de caractérisation minéralogique de la calcite néoformée
4.7.1 MEB
4.7.2 Cathodoluminescence
4.8 Conclusions
III Expériences en milieu granulaire
5 Suivi géoélectrique d’injections de uides réactifs en milieu granulaire
5.1 Le Potentiel Spontané (PS)
5.1.1 Principe de la méthode et origine du PS
5.2 La Tomographie de Résistivité Électrique (ERT)
5.3 Le dispositif expérimental
5.3.1 Les mesures de PS
5.3.2 Les électrodes de résistivité électrique
5.3.3 Acquisition des données de l’ERT
5.3.4 Protocole de mesures automatisées
5.3.5 Inversion des données de résistivité électrique
5.4 Les expériences
5.4.1 Évolution du PS lors d’une injection d’eau salée
5.4.2 Inversion de l’ERT entre les diérentes phases d’injection d’eau salée
5.5 Conclusions et perspectives
IV Mesures géophysiques sur le terrain : le cas d’une fumerolle tectonique
6 Etude de de la source chaude de Syabru-Bensi, Népal central
6.1 Introduction
6.2 Présentation du site
6.3 Mesure des ux de CO2
6.4 Résultats et discussion
6.4.1 Flux de dioxyde de carbone
6.4.2 Comparaison aux autres données et interprétation
6.5 Conclusions
V Conclusions générales
7 Conclusions et perspectives
Bibliographie
Table des gures
Liste des tableaux
VI Annexes
Annexe A
Protocole de mesures pour la tomographie de résistivité électrique (ERT)
Annexe B
Articles .
A direct evidence for high carbon dioxide and radon- discharge in Central Nepal  Dipolar self-potential anomaly associated with carbon dioxide and radon exhalation at the Syabru-Bensi hot springs in Central Nepal

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