Enjeux sociaux, économiques et politiques d’utilisation des ressources en eau dans le Nord-Ouest tunisien

LA TUNISIE, PAYS DE LA RIVE SUD DE LA MEDITERRANEE

La Tunisie s’étend sur la rive sud du bassin méditerranéen où les ressources en eaux sont moins abondantes que sur les rivages du nord et de l’est . La rareté de ces ressources en eau est la résultante de l’aridité et de l’irrégularité pluviométrique. A ces conditions climatiques s’ajoutent des contraintes d’accessibilité et de mobilisation des ressources en eaux liées au manque de moyens et de potentiels techniques mobilisables pour leur exploitation, ce que partagent nombre de pays émergents ou en développement. A ces éléments, il convient d’ajouter parfois les tensions géopolitiques entre pays voisins.

Alors que dans nombre de travaux, la rive méridionale de la Méditerranée est traitée comme un ensemble homogène, tous les pays de la rive sud de la Méditerranée ne sont pas logés à la même enseigne. L’Egypte dispose d’un grand fleuve allogène, le Nil, dont les apports en eau n’ont pas d’équivalent dans les autres pays. C’est pourquoi, les statistiques du Plan Bleu doivent être revues en retirant l’Egypte des moyennes des pays de la rive sud du bassin méditerranéen.

Dans les différents bassins méditerranéens le volume d’eau mobilisé est assuré en grande partie par les eaux de surface qui sont souvent facilement accessibles et les moins couteuses . Ces ressources mobilisées, sont utilisées en priorité pour l’irrigation des terres cultivées afin d’assurer la sécurité alimentaire. Là encore les pays nord méditerranéens s’opposent à ceux de la rive sud puisque l’industrie n’est une activité fortement consommatrice que dans les pays riches donc septentrionaux.

Autour du bassin méditerranéen, la demande en eau ne cesse de croitre avec l’évolution démographique, le développement économique et les changements climatiques. L’offre ne peut pas toujours répondre à la demande et le bilan montre un déficit de mobilisation d’eau . Il se traduit sur le terrain par une exploitation intensive de la ressource, par une pollution locale, par l’élévation continue du coût de desserte en eau, par des difficultés de productions dans les différents secteurs économiques impactés, en particulier l’agriculture. Les études menées par le Plan Bleu dans le cadre de PNUE (Programme Nations Unies pour l’Environnement) dans les bassins méditerranées ont permis d’évaluer la situation des ressources en eaux et de projeter des scénarios prévisionnels de son évolution spatiotemporelle et son effet sur le développement des pays. Ces études ont montré la diminution alarmante des ressources en eaux exploitables et prédisent une pénurie à l’horizon 2025 qui touchera en particulier les pays du sud .

Par son appartenance au bassin sud méditerranéen, la Tunisie est soumise à l’influence de deux climats, l’un méditerranéen au nord et l’autre saharien au sud. La pluviométrie moyenne annuelle est estimée à 207 mm/an mais cette moyenne recouvre des réalités bien différentes. Elle est de 594 mm au nord, de 296 mm au centre, de 156 mm au sud et de moins de 100 mm dans l’extrême sud-ouest. L’évapotranspiration potentielle annuelle varie de 1 200 mm dans le nord à 1 800 mm dans le sud. Elle est donc intrinsèquement plus élevée dans le bilan précipitations-évaporation, largement déficitaire, sans apport par des cours d’eau allogène.

Quant au réseau hydrographique, il est dense au nord où l’oued Medjerda constitue le fleuve le plus important mais les cours d’eau ne mesurent pas plus de quelques centaines de kilomètres de long (oued Mellègue de 130 km, fleuve Medjerda de 460 km dont 350 en Tunisie). Rien à voir donc avec les 6 500 km du Nil ! Les bassins du nord fournissent des apports relativement réguliers et importants, qui représentent l’essentiel (82 %) des ressources en eaux de surface. Les bassins du centre et du sud sont caractérisés par des apports nettement plus faibles et irréguliers. Ces régions sont donc bien moins bien loties.

Le nord de la Tunisie se distingue aussi par sa richesse en eaux souterraines peu profondes. Comme pour les bassins versants, la ressource diminue vers le sud, en qualité et quantité. Les nappes profondes et peu profondes du centre sont caractérisées par une qualité moyenne à médiocre. Le sud représente un potentiel d’environ 1700 Km³ d’eau de nappes peu renouvelables ou de nappes ‘’fossiles’’ provenant du continental intercalaire et du complexe terminal . Les utiliser expose les générations futures à une disparition de la ressource, leur utilisation est donc l’objet d’un débat.

Les ressources en eaux renouvelables en Tunisie sont estimées à 4500 Mm³/an dont 2700 Mm³ /an des eaux de surface et 1800 Mm³ /an des eaux souterraines. Pour des contraintes économiques et naturelles, les ressources mobilisables sont limitées à 3900 Mm³ /an . Les prélèvements totaux en eau atteignent 3100 Mm³ /an (80% pour l’irrigation, 16% pour l’eau potable, et seulement 4% pour l’industrie). Les eaux souterraines constituent 70% de ces prélèvements mais elles font l’objet de surexploitation dans certaines nappes phréatiques du nord-est et du centre.

La Tunisie dispose d’une superficie cultivée par habitant parmi les plus élevées d’Afrique (environ 500 ha pour 1 000 habitants en 2002), mais le taux d’irrigation de ces terres est faible (< 7%). L’aridité du climat, la dégradation de la qualité des sols due à l’érosion, l’irrégularité des précipitations et l’insuffisance des ressources en eau, expliquent les faibles performances de l’agriculture pluviale. Avec, en moyenne, 315 m³ d’eau par habitant et par an, la Tunisie figure même parmi les vingt pays les plus pauvres du monde dont la moyenne 1 000m³ /habitant. La croissance démographique et économique oblige les autorités à prendre le problème des ressources en eau avec plus de sérieux. Selon les estimations de la Banque mondiale, la Tunisie doit s’attendre à faire face à des pénuries vers 2015 si, d’ici là, des mesures afin d’optimiser l’utilisation de l’eau, ne sont pas mises en pratique.

Une recherche sur les ressources en eau et leurs utilisations actuelles et futures s’avère donc nécessaire pour le développement de la Tunisie et des différentes régions de ce pays. C’est dans cette perspective d’aide au développement que s’inscrit cette thèse. Mais comme il était difficile de traiter l’ensemble du pays avec une approche de terrain, nous avons choisi de nous concentrer sur la région du nordouest appelée le Kef. C’est une région intérieure (sans façade maritime) à 175 km à l’ouest de Tunis. L’altitude entre de 500 et 1250 m environ ce qui en fait une région de moyenne montagne, très compartimentée et isolée.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. LA POPULATION DU KEF ET SES INDICATEURS
I.1. REPARTITION ET COMPOSITION DE LA POPULATION
I.1.1 La composition à l’échelle du gouvernorat
I.1.2 La répartition spatiale de la population par délégation
I.2. MODE DE VIE
I.3. ÉDUCATION
I.4. ACTIVITÉ ET CHÔMAGE
I.5. LES MIGRATIONS
II. ORGANISATION DE L’ECONOMIE
II.1. L’AGRICULTURE
II.1.1 Les terres agricoles
II.1.2 Les exploitations agricoles
II.1.3 Les exploitants agricoles
II.1.4 Les services agricoles et les financements
II.1.5 La production agricole
II.1.6 Synthèse
II.2. L’INDUSTRIE, LES MINES ET CARRIERES
II.2.1 L’Industrie
II.2.2 Mines et carrières
II.3. LE TOURISME
II.3.1 L’offre hôtelière et les nuitées
II.3.2 Une clientèle peu diversifiée
II.3.3 Une demande saisonnière
II.3.4 Une offre touristique de moins en moins compétitive
II.3.5 Le tourisme, la consommation d’eau et l’environnement
II.3.6 Un potentiel de diversification touristique existe et il faut le promouvoir !
II.3.7 Synthèse
III. LE MILIEU NATUREL : L’EAU, DU CIEL AU SOUS-SOL
III.1. LE CADRE CLIMATIQUE
III.1.1 Les précipitations
III.1.2 Températures
III.1.3 L’insolation
III.1.4 L’humidité
III.1.5 L’évapotranspiration
III.1.6 Aridité et étages bioclimatiques
III.1.7 Estimation du bilan hydrologique par l’évapotranspiration
III.2. LE CADRE GEOLOGIQUE ET MORPHOLOGIQUE
III.2.1 Contexte structural et géologique et les ressources associées
III.2.2 Subdivision géographique et relief en Tunisie et au Kef
III.3. Synthèse : un potentiel minier et hydrogéologique diversifié
IV. LES RESSOURCES EN EAU EN TUNISIE ET DANS LA REGION DU KEF : LA DEMANDE, L’OFFRE ET SES LIMITES
IV.1. LA DEMANDE EN EAU
IV.1.1 La demande par secteurs
IV.1.2 L’eau virtuelle : un indicateur qui souligne des spécificités dans la
situation de la Tunisie
IV.2. L’OFFRE ET SES LIMITES
IV.2.1 Les eaux de surface : priorité d’usage pour l’urbanisme et l’agriculture
IV.2.2 Les eaux souterraines
V. CONCLUSION GENERALE

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