Étude de la formation d’une structure de mousse par simulation directe de l’expansion de bulles

Étude de la formation d’une structure de mousse par simulation directe de l’expansion de bulles

Les mousses de savon

Nous nous intéressons ici à une mousse liquide déjà formée, que nous qualifions de ”stationnaire”, en disant que la fraction volumique gazeuse n’évolue plus. Comme dans le cas des mousses polymère, nous pouvons définir le concept de cellule, et décrire la mousse comme un ensemble de cellules (Figure 1.1). Contrairement aux mousses polymère, la viscosité du liquide (par exemple de l’eau) est négligée. La tension superficielle joue alors un rˆole prépondérant. Le gaz peut atteindre des proportions dépassant les 99%, si bien que l’on définit ce type de mousse comme étant ”un fluide complexe dans lequel les bulles de gaz sont séparées des films liquides minces” [42]. Précisons, afin de fixer le vocabulaire, que les mousses à très faible taux de liquide (< 1%) sont qualifiées de sèches, tandis que celles dont la fraction liquide est plus importante (∼ 10%) sont qualifiées de mouillées [68]. Dans la littérature, les études numériques de mousses de type savon portent sur l’évolution d’une structure vers un état d’équilibre. Il n’est donc plus question d’expansion, puisque cette évolution s’effectue à taux de gaz constant. Le passage à un état d’équilibre se fait par changements topologiques locaux dans la structure, correspondants à une minimisation de surface. La structure est également affectée par le phénomène de disproportionnement (coarsening process) : la différence de taille entre deux bulles voisines induit une surpression dans la plus petite, d’ou` une diffusion du gaz de la plus petite bulle vers la plus grande, jusqu’à disparition de la plus petite. Les autres phénomènes pouvant affecter la structure d’une mousse sont la coalescence (rupture de film entre deux bulles) et le drainage (écoulement du liquide dans les bords Plateau sous l’effet de la gravité et de la capillarité). Nous allons d’abord étudier les lois d’équilibre local gouvernant les changements topologiques. Puis, nous étudierons les propriétés rhéologiques des mousses liquides, en les reliant à la structure cellulaire. Enfin, nous donnerons un aper¸cu des méthodes numériques existantes pour simuler l’évolution d’une mousse liquide. 

Lois d’équilibre local

Notons pg la pression d’une bulle, et pext la pression extérieure à cette bulle, que nous appellerons également pression du liquide. Nous établissons ici les lois d’équilibre local régissant la structure d’une mousse liquide (Figure 1.12). Rappelons que cette mousse ne s’ordonne pas spontanément. Ainsi, la structure d’équilibre n’est pas celle qui minimise globalement son énergie, mais celle qui la minimise localement. Nous dériverons d’abord la loi de Laplace-Young qui donne, pour une bulle ayant une surpression pg − pext, la forme de sa surface. Puis nous présenterons les lois de Plateau, lois géométriques régissant l’agencement des cellules. 

Loi de Laplace-Young

Considérons un petit élément de surface ABCD, rectangulaire curviligne, d’aire S, séparant deux fluides non miscibles (Figure 1.13). La longueur et la largeur de ce rectangle sont respectivement notées x et y comme indiqué sur la Figure 1.13. Les interfaces sont ici des arcs de cercle. La loi de Laplace-Young donne le rayon R en fonction de la différence pg −pl entre pression du gaz et pression du liquide. La première loi de Plateau impose qu’uniquement trois bords se rencontrent avec des angles égaux de 120◦ . Fig. 1.13 – Dérivation de la loi de Laplace-Young. Deux milieux non miscibles sont séparés par une interface ABCD. Sous l’effet du déplacement normal δu provoqué par une surpression, ABCD se transforme en A0B0C 0D0 . rayon de courbure du cˆoté x est r1, celui du cˆoté y, r2, avec les centres de courbure O1 et O2 respectivement. Supposons maintenant que, sous l’effet de l’excès de pression p = pg −pext, l’élément de surface ABCD subisse un déplacement δu normal à la surface. Sa nouvelle position est A0B0C 0D0 comme spécifié sur la figure 1.13, avec des cˆotés devenant x + δx, y + δy, et des rayons de courbure r1 + δu, r2 + δu. Le travail δW duˆ à l’excès de pression p, au cours du déplacement δu est défini par : δW = pSδu (1.19) D’autre part, dans le cas isotherme, le travail nécessaire à une variation δS de l’interface est proportionnel au nombre de molécules migrant vers cette interface, i.e.  à δS [37], d’ou` : δW = γδS (1.20) La constante de proportionnalité γ a les dimensions d’une tension (force par unité de longueur) et est appelée tension superficielle. Elle dépend des deux fluides en présence. Nous pouvons développer l’Equation ´ (1.20) en termes de x et de y : δW = γ[(x+δx)(y+δy)−xy] (1.21) Le déplacement δu étant homogène, nous avons par le théorème de Thalès dans les triangles O1AB et O1A0B0 : x + δx r1 + δu = x r1 (1.22) Ainsi nous obtenons : x+δx = x(1+ δu r1 ) (1.23) Le même argument appliqué aux triangles O2BC et O2B0C 0 donne : y +δy = y(1+ δu r2 ) (1.24) En tenant compte de (1.23) et (1.24), l’Equation ´ (1.20) devient : δW = γ[xy(1 + δu r1 )(1 + δu r2 ) − xy] = γxyδu( 1 r1 + 1 r2 ) + O(δu 2 ) = γSδu( 1 r1 + 1 r2 ) + O(δu 2 ) (1.25) Pour des petits déplacement δu, le terme en O(δu 2 ) peut être négligé. En égalant les expressions (1.20) et (1.25) nous avons : pSδu = γSδu( 1 r1 + 1 r2 ) (1.26) D’ou` : p = pg −pext = γ( 1 r1 + 1 r2 ) (1.27) La relation (1.27) est valide pour tout système orthogonal de coordonnées curvilignes associé à la surface d’interface. En particulier, pour un point quelconque de la surface,  courbure minimale, et 1/R2, courbure maximale. nous opérons le choix de la base orthonormée dans le plan tangent correspondant aux courbures principales (minimales et maximales) 1/R1 et 1/R2 (Figure 1.14). Nous obtenons alors l’équation de Laplace-Young : p = pg −pext = γ( 1 R1 + 1 R2 ) (1.28) Les rayons de courbure R1 et R2 peuvent être positifs ou négatifs. Plus précisément, un rayon sera positif si la surface est convexe dans la direction du gradient de pression, et négatif si la surface est concave dans cette direction. L’Equation (1.28) détermine la forme de l’interface entre deux fluides (ici le polymère et le gaz), en supposant connu l’excès de pression en tout point de celle-ci. Il est également possible de dériver cette relation à partir d’arguments thermodynamiques [53]. Il apparaˆıt alors que l’Equation ´ (1.28) fournit la configuration de la bulle minimisant l’énergie libre de Helmholtz et donc sa surface pour un excès de pression pg−pext. Remarquons d’ailleurs que si cette différence de pression est nulle, alors l’équation de LaplaceYoung se réduit à : 1 R1 + 1 R2 = 0 (1.29) Il est alors possible de montrer [37] que l’Equation (1.29) correspond à un critère de surface minimale. Dans une mousse, la pression est supposée constante dans chaque bulle. De même, la pression pext de la matrice liquide est supposée constante [68]. Si nous appliquons la loi de Laplace – Young (1.28) à chaque surface du film mince séparant deux bulles, alors la pression à l’intérieur de ce film est trouvée comme étant la moyenne de celle de ces deux bulles. D’ou` une contradiction avec le fait que pext est constante. Afin de lever cette contradiction, il est admis [68] que des forces de répulsion, d’origine diverse (stérique, électrostatique, etc.) maintiennent les deux surfaces du film à une n certaine distance, évitant son effondrement. Ces forces de répulsion par unité de surface sont représentées par une pression devant être incluse dans la condition d’équilibre. Cette pression est appelée pression de disjonction. La reconnaissance de son existence lève le paradoxe précédemment soulevé. 

Lois de Plateau

Suite à ses observations sur les bulles de savons, J. Plateau proposa en 1873 plusieurs règles géométriques, qui, adjointes à la loi de Laplace-Young, déterminent dans la plupart des cas une configuration d’équilibre de mousse. Ces règles s’appliquent dans le cas limite d’une mousse sèche (la fraction volumique liquide tend vers zéro) et peuvent, dans ce cadre là, être établies mathématiquement comme une conséquence de minimisation des interfaces [37]. Cependant leur application est étendue à des mousses réelles dont la fraction liquide est non nulle mais reste petit.

Table des matières

1 Sur la structure cellulaire des mousses
1.1 Introduction
1.2 Les mousses polymère
1.2.1 Classification des mousses polymère
1.2.2 Formation d’une structure de mousse
1.2.2.1 Phase de germination
1.2.2.2 Phase d’expansion
1.2.3 Procédés de fabrication des mousses polymère
1.2.3.1 Extrusion des mousses polymère
1.2.3.2 Injection des mousses polymère
1.2.4 Rhéologie d’une mousse polymère
1.2.4.1 Contrainte seuil .
1.2.4.2 Régime d’écoulement
1.2.5 Modélisation et simulation de l’expansion d’une mousse polymère
1.2.5.1 Modèle cellulaire
1.2.5.2 Couplage micro/macro
1.3 Les mousses de savon
1.3.1 Lois d’équilibre local
1.3.1.1 Loi de Laplace-Young
1.3.1.2 Lois de Plateau
1.3.2 Comportement d’une mousse
1.3.2.1 Régime élastique
1.3.2.2 Régime plastique – régime d’écoulement
1.3.3 Simulation numérique d’une mousse de savon
1.3.3.1 Simulation de microstructure par minimisation locale de l’énergie
1.3.3.2 Application
1.4 Conclusion
2 Expansion d’une bulle de gaz dans une matrice polymère
2.1 Introduction
2.2 Construction du modèle physique
2.2.1 Conservation de la masse
2.2.2 Conservation de la quantité de mouvement
2.2.2.1 Conditions aux bords
2.2.2.2 Lois de comportement du polymère
2.2.3 Les équations mécaniques dans le liquide – Résumé
2.3 Discrétisation du système en vitesse – pression
2.3.1 Formulation variationnelle mixte en vitesse – pression du problème mécanique
2.3.1.1 Prolongement des champs vitesse et pression dans le gaz
2.3.1.2 Formulation variationnelle du problème mécanique
2.3.1.3 Introduction des fonctions caractéristiques 48
2.3.2 Discrétisation de la forme faible du problème mécanique
2.4 Suivi de l’évolution des domaines : résolution de l’équation de transport
2.4.1 Introduction
2.4.2 Une technique espace-temps Galerkin discontinu
2.4.3 Estimateur d’erreur a posteriori sur les fonctions caractéristiques
2.4.4 Amélioration de la description des interfaces : une technique de r-adaptation de maillage
2.4.5 Etude de la méthode espace-temps Galerkin discontinu
2.4.5.1 Cas 1D
2.4.5.2 Transport pseudo-2D d’un cercle
2.4.5.3 Test de Zalesak
2.4.5.4 Etude 3D de l’expansion d’une sphère
2.4.5.5 Etude d’un cas de déformation
2.5 Implémentation des méthodes numériques dans le code REM3D
2.6 Expansion d’une bulle de gaz dans une matrice liquide
2.6.1 Modèle micro-mécanique de l’expansion d’une cellule
2.6.1.1 Pression du gaz constante
2.6.1.2 Loi des gaz parfaits
2.6.2 Simulation de l’expansion d’une cellule
2.6.2.1 Ec ´ helle spatiale – Ec ´ helle temporelle
2.6.2.2 Calcul du pas de temps
2.6.2.3 Résultats
2.7 Couplage thermo-mécanique .
2.7.1 Construction du modèle physique
2.7.1.1 Comportement anisotherme d’une bulle de gaz
2.7.2 Résolution du problème thermique
2.7.2.1 Prolongement du problème thermique dans le gaz
2.7.2.2 Discrétisation du problème thermique
2.7.3 Expansion anisotherme d’une bulle dans une matrice polymère
2.7.3.1 Expansion adiabatique d’une bulle de gaz
2.7.3.2 Expansion anisotherme d’une bulle
2.8 Conclusion
3 De l’expansion d’un système de bulles à l’expansion d’une structure de mousse
3.1 Introduction
3.2 Expansion d’un système de bulles dans une matrice liquide
3.2.1 Approche pleinement multidomaine
3.2.2 Approche formellement multidomaine
3.2.2.1 Discrétisation
3.2.2.2 Algorithme de reconstruction des bulles
3.2.3 Application : simulation de l’expansion d’un système de bulles
3.2.3.1 Interaction de deux bulles
3.2.3.2 Interaction de trois à neuf bulles
3.2.3.3 Structure de Kelvin
3.3 Du volume représentatif de la structure d’une mousse au volume de calcul
3.3.1 Définition et existence d’un volume représentatif
3.3.2 Modélisation d’un volume représentatif
3.3.2.1 Condition aux bords du domaine de calcul
3.4 Simulation de l’expansion d’un échantillon de mousse
3.4.1 Expansion du domaine de calcul : prise en compte du changement d’échelle
3.4.1.1 Discrétisation : vitesse de maillage
3.4.1.2 Validation : expansion d’une structure régulière
3.4.1.3 Conclusion
3.4.2 Expansion d’une structure 2D de mousse
3.4.3 Expansion d’une structure 3D de mousse
3.4.4 Expansion anisotherme d’une structure de mousse
3.4.4.1 Approche pleinement multidomaine
3.4.4.2 Approche formellement multidomaine
3.4.4.3 Simulation anisotherme de l’expansion d’une structure de mousse
3.5 Conclusion
4 De l’échelle microscopique à l’échelle macroscopique
4.1 Construction du modèle physique et numéri-que
4.2 Détermination de la viscosité d’un volume re-présentatif de mousse
4.2.1 Dépendance de la viscosité à la structure
4.2.2 Dépendance de la viscosité à la densité de bulles
4.2.3 Expression de la viscosité d’une mousse
4.3 Couplage micro-macro
4.3.1 Modèle analytique du taux d’expansion du gaz
4.3.2 Expression du taux d’expansion d’une mousse
4.4 Simulation macroscopique de l’expansion d’une mousse
4.4.1 Expansion fermée
4.4.2 Expansion libre
4.5 Couplage thermo-mécanique
4.5.1 Expansion libre anisotherme
4.6 Conclusion
A Equation de transport d’un domaine
B Dérivée du volume d’un domaine animé d’une vitesse

 

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